Archive | mars, 2014

Un grand besoin de réalisme

27 Mar

Capture d’écran 2013-01-11 à 18.28.39

 

En marge des négociations sur le pacte de responsabilité, on a encore eu droit, la semaine dernière, à des déclarations dans la presse des dirigeants de la CGT du style « les patrons sont des assistés » ou « les entreprises bénéficient d’allégements de 200 milliards d’euros par an ». Vu la qualité des journaux qui relatent ces interviews, on est forcé de prendre ces déclarations au sérieux. Ces dirigeants syndicaux connaissent-ils les résultats des nombreuses études mondiales qui, toutes sans exception, montrent que les entreprises françaises sont parmi les plus imposées du monde ?

Un autre travail d’Eurostat met en regard, pour les dix plus grands pays européens, les marges des entreprises et la part sur les prélèvements fiscaux et sociaux totaux qu’elles payent. Le résultat est flagrant.

Les trois Etats qui chargent le moins les entreprises (Autriche, Pays-Bas et Allemagne) ont les entreprises les plus rentables, les françaises qui sont les plus chargées ont des marges 30 % plus faibles ; quand on est presque 100 % plus taxé et 30 % moins rentable, on investit dans le meilleur des cas 50 % de moins. Pourquoi ce syndicat est-il anti-entreprise au point d’encourager des politiques qui cassent les marges des entreprises, leurs investissements et donc l’emploi ? Ce n’est pas le patron qui fait la paye, mais le client qui donne à l’entreprise la plus performante les moyens de bien traiter tout le monde. Andreas Schmal, secrétaire du DGB régional de l’Oberpfalz, le plus grand syndicat allemand, disait : « Le temps de la lutte des classes est fini, ce qui compte est une politique économique réaliste. »

On pourrait faire deux propositions : organiser pour la CGT des séminaires d’économie ou lui suggérer d’aller visiter ses collègues étrangers, notamment allemands, japonais et américains.

Une évolution à contre-courant

20 Mar

les_echos

les-echos-fontanet

Une étude du cabinet KPMG vient de mesurer les évolutions sur sept ans (2006-2013), dans tous les pays du monde, des impôts sur les bénéfices : la moyenne mondiale passe de 27,5 % à 24 %.

L’Amérique du Nord a certes les taux les plus élevés, mais la chute y est la plus forte (de 38 % à 33 %), l’Europe est la plus compétitive (de 23,7 % à 20,7 %), l’Asie est entre les deux (de 29 % à 22 %). La France est le seul pays qui monte son taux, comme à l’époque de Colbert quand il n’y avait pas de concurrence : 38 % pour les grosses entreprises. Notre cuisine et notre vin, aussi excellents soient-ils, auront du mal à rattraper ce mauvais coup porté à nos entreprises et à notre image mondiale.

A faire de la fiscalité le pivot d’une politique de répartition, on oublie qu’un impôt, c’est un prix de marché, et que les pays sont devenus des zones industrielles en concurrence. Cette rapacité fiscale renforce l’idée qu’il est impossible de rentabiliser ses actifs en France – normal que les investissements de l’étranger chez nous s’effondrent de 77 %. On reçoit les grands patrons étrangers pour leur expliquer que, désormais, on aime les entreprises, mais à peine ont-ils pris l’avion que l’on vote la loi dite « Florange », directement dirigée contre elles. Un ministre, et non des moindres, interfère ouvertement dans la vente d’une grosse affaire sur le marché de Paris et, pour tout arranger, nous sommes placés sous surveillance par nos amis européens. On se met tout le monde à dos en deux mois et on décrédibilise l’amorce du changement positif à l’égard des entreprises initié en janvier. Aux grands maux les grands remèdes : un taux d’impôt unique et compétitif de 20 % pour les entreprises grandes et petites, françaises et mondiales : la motivation des entrepreneurs et l’investissement international pourront alors revenir.

Compétitivité publique

13 Mar

les_echos

les-echos-fontanet

A l’heure de la mondialisation, la compétitivité d’un pays n’est pas seulement celle de ses entreprises. Elle dépend aussi de l’efficacité de sa sphère publique. C’est un fait nouveau, car il y a trente ans, la concurrence entre les entreprises de différents pays était bien moindre et les sphères publiques beaucoup plus petites : les sphères publiques doivent maintenant viser l’efficacité comme les entreprises.

En 1973, la nôtre représentait 27 % du PIB, aujourd’hui, elle dépasse les 57 %. En 2013, la sphère publique allemande, qui a le même périmètre, est beaucoup moins coûteuse, elle pèse 45 % du PIB. Pour faire simple, le cheval allemand pèse 55 et porte un jockey de 45, le cheval français pèse 43, alors que son jockey pèse 57. Une simple règle de trois démontre que le cheval français est 63 % plus chargé que son collègue allemand. On n’a jamais vu, que je sache, un jockey grassouillet gagner le Prix de l’Arc de triomphe.

Le monde entier a compris que c’est une mauvaise politique d’affamer le cheval pour gaver le jockey, alors qu’on continue à le faire chez nous. La sphère allemande représentait 55 % du PIB en 2003, elle a décru de 10 points en dix ans.

Il y a trois grandes leçons à en tirer :

Il est possible d’économiser 10 % du PIB, soit 200 milliards d’euros à notre échelle, sur la sphère publique.

Quand la sphère publique a un coût raisonnable, on n’a pas besoin d’une hyperfiscalité qui tue les entreprises. Si les entreprises allemandes marchent fort, c’est qu’elles et leurs actionnaires ne sont pas écrasés d’impôt.

Les gens ne sont pas idiots, quand la stratégie est bonne l’économie repart.

Les Français sont intelligents, ils savent qu’on leur raconte des carabistouilles. Quand on leur tiendra un discours de vérité, comme l’a fait Gerhard Schröder en son temps, la confiance reviendra.

 

 

Lire l’article dans son contexte, sur le site des Échos

 

L’entreprise rend service, article paru dans la Revue Civique

12 Mar

revue-civique-x-fontanet

Ancien Président du Groupe Essilor, Xavier Fontanet a créé une Fondation qui porte son nom, dédiée à l’explication et à la promotion de l’économie de marché. « Quand une affaire centuple, c’est qu’elle rend un service meilleur que ses concurrents partout dans le monde, écrit-il dans ce texte issu d’une conférence tenue à l’Institut Catholique de Paris, dans le cadre de la formation Forenphi, sur « la confiance ».

Il part de son exemple : « Essilor s’est développé car ses verres étaient magnifiques, elle devait rendre un grand service au monde entier. La taille d’une entreprise est la mesure du service rendu à l’humanité ; et ce qui fait la valeur d’une vente c’est que les clients sont intelligents et libres ! » À ses yeux, agir dans l’entreprise, c’est donc « rendre service au monde ». Et dans notre pays, où la défiance est forte, « il faut reprendre toute l’explication de l’économie et des entreprises »…

Je suis frappé par le fait que les Français ont une très mauvaise image de l’entreprise. Or, ce que j’ai personnellement vécu n’est pas du tout ce que nous pouvons lire dans les journaux. Je me suis donc donné comme devoir de « retoquer » cette image : la Fondation Fontanet s’est fixée comme but de faire comprendre l’économie concurrentielle à tous les milieux, en particulier aux milieux politiques, syndicaux, journalistiques et religieux. Car l’entreprise est un lieu où on peut travailler en confiance, rendre service aux autres et se développer soi-même.

L’origine de l’économie, c’est l’acte de vente : un acte d’échange confiant entre deux personnes, qui posent des actes qui engagent leur responsabilité. La confiance réciproque est nécessaire, de l’acheteur en la qualité du produit ou du service acheté, et du vendeur en la valeur qu’il reçoit en échange. Le coeur de l’économie est une prise de responsabilité en toute liberté, il ne faut pas la décrire uniquement du point de vue de la production.

Quand Peyrefitte s’éveillait à la confiance

Je lutte contre cette image déformée de l’entreprise, introduite par Marx, expliquant que l’entrepreneur est « quelqu’un qui a du capital, qui achète des machines, qui par les publicités manipule le client, qui exploite ses employés et le résultat qu’il fait est la mesure de l’exploitation des employés et de la manipulation des clients ». Une entreprise qui agit comme cela, elle ne va pas très loin.

Si les entreprises se sont développées, ce n’est pas en « exploitant » les gens; les gens ne sont pas idiots ! Quand une affaire centuple, c’est qu’elle rend un service meilleur que ses concurrents partout dans le monde. Essilor s’est développé car les verres étaient magnifiques, et qu’elle devait rendre un grand service, utile, au monde entier. La taille d’une entreprise est la mesure du service rendu à l’humanité ; ce qui fait la valeur d’une vente c’est que les clients sont intelligents et libres !
On ne conquiert pas le monde, on rend service au monde. Il faut reprendre toute l’explication de l’économie et des grandes entreprises.

Une des personnes dont la pensée m’a beaucoup formé est Alain Peyrefitte, je l’ai rencontré deux ou trois fois et nous avons beaucoup discuté sur la confiance. Il a écrit « Miracle en économie » et « la Société de confiance ».
Alain Peyrefitte est un homme politique qui a travaillé pendant 14 ans aux côtés de Charles de Gaulle, quand il était Ministre de l’Information, il le voyait vingt minutes tous les jours pour commenter l’actualité. Dans ses écrits, à la fin de sa vie politique, il était pessimiste (« Le mal français ») mais il a retrouvé confiance dans une deuxième vie, celle de la retraite, lorsqu’il a découvert l’économie. Il s’est passionné pour Fernand Braudel, Bastiat, Schumpeter, Friedrich Hayek et avait l’idée, quand je l’ai rencontré, de faire un tour de France avec une pièce de théâtre sur le thème : « Confiance, Défiance ».

Je me suis rendu compte de l’importance de la confiance chez Essilor. Quand vous dirigez une très grande entreprise, vous ne « managez » plus vous vous appliquez à inspirer les dirigeants qui travaillent sous votre responsabilité. Il faut leur donner les idées qui leur permettent, à eux, de bien « manager ».
J’ai été frappé par les différences de rentabilité entre les différentes filiales, et quand je les comparais, la différence venait souvent d’une affaire de « management » : les filiales, où régnait une ambiance positive, fonctionnaient mieux que les autres. Le charisme, la confiance, l’ambiance… ce sont des choses très difficiles à créer et faire durer ; mais ce mécanisme m’a fasciné et m’a fait réfléchir.

Il y a trois types de confiance, en réalité : la confiance en soi, la confiance dans les autres et la confiance dans la stratégie.

La confiance en soi est essentielle dans une entreprise, car nous luttons contre les meilleurs concurrents mondiaux. Pour bien travailler, il faut avoir confiance. Il faut cependant veiller à ne pas être arrogant, la ligne de séparation est fine entre arrogance et confiance, il faut en être conscient. Dès que vous êtes arrogant, vous n’apprenez plus, donc vous ne progressez plus. Il faut donc allier confiance et humilité.

La confiance en soi cependant ne suffit pas, dans une grande entreprise il y a la production, le commerce, la recherche et développement, etc. Ainsi, il faut que les gens de productions travaillent, sachant que leur performance influencera les produits qui sortiront des unités de recherche et développement (R&D) ; les R&D doivent travailler dur aussi, en faisant confiance aux personnes de la production et des services commerciaux qui diffuseront leur innovation. La confiance en l’autre est selon moi très importante, car rien ne m’a plus donné confiance en moi-même que la confiance des autres en moi.

Le Français désobéissant agace,
mais il sait s’adapter

J’ai eu la chance de beaucoup voyager, de travailler avec des nationalités différentes (le marché français ne représente que 5% du chiffre d’affaire d’Essilor) ; aussi je connais les différences entre les peuples et le Français est très spécial : il est désobéissant. Si les Allemands et les Japonais sont disciplinés et écoutent le chef, même si le chef les dirige mal, le Français, lui, désobéira pour montrer au chef qu’il est intelligent. Il mettra le doigt sur l’erreur du chef. C’est très agaçant mais cela témoigne d’une grande capacité d’analyse et d’un sens des situations. Quand vous êtes dans des métiers stables, un Allemand ou un Japonais va gagner. Carlos Ghosn m’a ainsi dit « pour les Français, faire une voiture compliquée c’est difficile car les ingénieurs désobéissent ». Quand on désobéit, cela peut avoir des effets sur toute la chaîne de fabrication, quand elle est uniformisée. Par contre quand vous êtes sur des métiers originaux, par exemple la construction d’un pont (il n’y a jamais deux ponts identiques à construire), quand il faut s’adapter à l’environnement, c’est le domaine d’excellence du Français. Le Français est donc difficile à gérer. Celui qui y a réussi le mieux est Napoléon. Il expliquait la grande stratégie aux soldats, le plan. Une fois qu’il l’avait défini et expliqué, Napoléon savait que l’exécution, avec son inventivité, serait au rendez-vous.

La France n’a en tout cas aucun complexe à avoir : il y a de nombreux métiers où nous sommes meilleurs que d’autres, il faut le dire ! Les Chinois ont fait, il y a deux ans, un classement des 100 meilleures entreprises au monde : 11 Français étaient dans le classement (en comparaison il y avait 7 Allemands). Les médias n’en ont pas du tout parlé en France. Un patron de presse a même refusé d’en parler car il « n’était pas là pour faire de la promotion pour Fontanet et Mestrallet ». Il se trouve qu’Essilor et Suez étaient les premiers.

Savoir être fier de nos réussites

Il faut rendre honneur aux dirigeants français méritants. C’est important que les entreprises françaises soient aimées par les Français sinon, dans la mondialisation, nous serions mal placés ! En Allemagne, il n’y a pas cette gêne, les Allemands sont fiers de leurs réussites. Or nous avons nous aussi, dans les grandes, petites ou moyennes entreprises, des leaders mondiaux. Le mécanisme fondamental de la confiance est la personne humaine. L’économie de marché s’est développée en Occident du fait du christianisme de Saint-Augustin, Saint Thomas d’Aquin, puis Kant et Voltaire, qui ont tous dit que l’individu est génial. Nous avons plus de respect pour une femme de ménage très professionnelle que pour le médiocre chef d’entreprise : ce qui compte c’est l’excellence dans ce qu’on fait plutôt que le statut. L’économie de marché est venue de là.

Pour créer de la confiance, il faut mettre des gens en responsabilité, c’est-à-dire donner des objectifs. Ainsi, établir des budgets dans une entreprise ou collectivité, c’est préciser les responsabilités pour chacun. C’est par la prise de responsabilité que le développement se produit. Et si l’on dit souvent qu’il faut permettre l’échec, je vais plus loin : il faut tirer partie d’un échec. Il faut l’analyser, le comprendre, pour ne plus le reproduire. Quand on sait dans une société que quand on réussit on est récompensé et quand on échoue on apprend à passer l’erreur, on crée un mécanisme de confiance bénéfique à l’entreprise. Bénéfique pour tous.

Xavier FONTANET, ancien Président du Groupe Essilor.
Auteur de : « Si on faisait confiance aux entrepreneurs » (Les Belles Lettres, 2010)
(In La Revue Civique n°13, Printemps 2014)

 

Voir l’article dans son contexte, sur le site de la Revue Civique

Le ski, un modèle pour enseigner l’économie

7 Mar

les_echos

 

les-echos-fontanet

Pour dynamiser l’enseignement de l’économie, pourquoi ne pas confier cette matière difficile à appréhender à des entrepreneurs ? Le recrutement des moniteurs de l’Ecole du ski français (ESF) est un modèle à tester.

L’Ecole du ski français (ESF), fondée en 1936 par Emile Allais, a popularisé le ski et développé les techniques françaises dans le monde face aux écoles allemande et autrichienne. C’est une organisation qui assure un service d’intérêt général et de qualité mondiale ; elle fait travailler, dans un système décentralisé, 17.000 moniteurs à travers 250 écoles locales.

Le recrutement des moniteurs est très exigeant : on impose deux ans de concours aux candidats. Chaque moniteur est, ou a été, un champion en puissance. L’ESF distribue des diplômes reconnus mondialement et assiste les pays neufs dans le développement de leurs écoles de ski. Elle est privée, elle a des concurrents qui la stimulent, tout le monde est là pour dire que c’est une réussite.

Les cours d’économie donnés à l’école ne recueillent pas la même unanimité ; à la décharge des enseignants, est-ce une bonne idée de demander à des personnes, aussi intelligentes et motivées soient-elles, qui n’ont pas dirigé d’entreprise ou n’y ont jamais travaillé, d’enseigner les mécanismes de l’économie et de l’entreprise ? C’est à peu près comme si on demandait à des gens qui ne sont jamais montés sur des planches d’enseigner le ski. Pourquoi ne déchargerions-nous pas l’Education nationale de l’enseignement de l’économie pour le confier à des entrepreneurs ? Ceux-ci le délivreraient sous forme d’apprentissage en entreprise ou de cours qu’eux-mêmes donneraient dans l’école, au titre d’un service d’intérêt général.

A minima, tentons l’expérience dans une ou deux régions. Une organisation existe déjà : 100.000 Entrepreneurs, créée par Philippe Hayat. Eh bien, bâtissons à partir d’elle, et avec l’accord de l’Etat, une adaptation du modèle de l’ESF pour l’enseignement de l’économie.

 

Lire l’article dans son contexte, sur le site des Échos

BCG, la naissance d’une histoire

6 Mar

Une vidéo qui raconte la naissance du BCG : passionnant !

BCG-naissance-dune-histoire-fontanet

Regardez cette vidéo du BCG, en cliquant ici.

BCG-xavierfontanet

15 minutes sur la confiance

2 Mar

xavier-fontanet-confiance

J’ai mis sur Vimeo une interview de 15 minutes sur la confiance, prenez le temps de la regarder !

VOIR LA VIDÉO, ici