Archive | mars, 2020

Les tensions sino-américaines, sont une chance pour les entreprises européennes – Chronique aux Echos

23 Mar

Jack Welch a accompli chez GE un travail de titan en portant l’entreprise au firmament des capitalisations mondiales avant que le Net ne prenne son envol. Aurait-il pu éviter, s’il était resté en charge, la chute effarante qui a suivi son départ ? Cette chute de GE serait-elle représentative d’un focus excessif de l’Amérique sur la nouvelle économie qui est en train de pomper tous les talents et tout le cash ? Pour la petite histoire, il faut savoir qu’il avait toujours rêvé, sans y réussir, d’intégrer Microsoft dans GE.

 

Succès écrasants de la nouvelle économie

Ce ne sont peut-être que des coïncidences, mais, avant la crise de 1973, les bénéfices de General Motors (GM) dépassaient ceux de tous ses concurrents automobiles réunis à l’époque ; Boeing était deux fois Airbus. Rappelons-nous, GM, sous Obama, a mordu la poussière, et Boeing, aujourd’hui, semble bien mal en point. Dans le domaine électrique que couvre GE, le trio Siemens-Schneider-ABB a de bien meilleures parts de marché. C’est à se demander si les succès écrasants dans la nouvelle économie n’ont pas amené l’Amérique à négliger l’ancienne.

Pas besoin d’être grand clerc pour deviner que les tensions entre Chine et Etats-Unis ne vont pas cesser. Elles sont pour les entreprises européennes une chance immense de devenir leader dans ces métiers de base aux Etats-Unis. Or, ces métiers ont de longues durées de vie devant eux : on aura toujours besoin de se loger, de se laver, de se déplacer et de se nourrir ; il y a une opportunité à saisir pour l’Europe dans ces domaines où ses entreprises excellent. Et avec deux points d’ancrage forts en Europe et aux Etats-Unis, les stratégies de leadership mondial se présenteront sous un jour autrement favorable.

Encore faut-il que nos dirigeants européens comprennent que les entreprises ne sont pas des mauvais élèves qui ne pensent qu’à monter les prix et à payer moins d’impôts, mais qu’elles sont le levier sur lequel ils peuvent s’appuyer pour souder et motiver tous les Européens autour de projets motivants comme la construction de grandes entreprises mondiales.

 

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L’Europe et ses discrets champions industriels – Chronique aux Echos

13 Mar
Après avoir empêché la constitution d’un certain nombre de leaders mondiaux potentiels à base européenne, sous prétexte de protéger à court terme les prix et les consommateurs, l’Europe est en train de comprendre qu’avoir des champions solides sur son sol n’est pas la plus mauvaise des affaires.

Le plus brillant, c’est le plus discret ! Si dans la rue, on demandait aux passants qui est ASML, personne ne saurait dire. C’est pourtant une société qui capitalise 120 milliards d’euros, c’est-à-dire plus qu’Airbus, Siemens ou Volkswagen !

ASML est une société hollandaise, leader mondial des « steppers », ces machines qui servent à fabriquer les microprocesseurs ; le « stepper » concentre dans ses entrailles les technologies les plus avancées à l’oeuvre sur la planète. Ses clients ont pour nom Intel, Samsung, TSNC, les plus grands fabricants de microprocesseurs. Ses concurrents, Nikon et Canon, sont des icônes au Japon. ASML vient de prendre le leadership en réussissant grâce à une technologie unique à graver plus fin qu’elles.

On doit cette société à la ténacité de Philips, qui a tenu bon quand il fallait investir fort, effort d’autant plus méritoire qu’elle avait, à l’époque, de gros problèmes. Parler d’ASML est utile, car on peut dire aux Européens qu’ils sont capables d’avoir des leaders mondiaux dans les technologies les plus sophistiquées ; avec des entreprises comme celle-là, l’Europe détient une arme phénoménale vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine puisqu’elle est capable de faire et défaire le champion de l’industrie qui contrôle tout le numérique. Laissons cette entreprise travailler dans la tranquillité, car la concurrence japonaise ne restera pas inactive. Il était utile, ne serait-ce qu’un court instant, de lever le voile sur la performance extraordinaire des Hollandais et, du coup, de dire aux Européens qu’il y a chez eux des merveilles et qu’ils peuvent tenir leur place sur le plan technologique dans le concert mondial.

Concurrence : les trois erreurs de l’Europe – Chronique aux Echos

10 Mar

La première liaison TGV aux Etats-Unis entre Houston et Dallas va être exploitée par la Renfe , l’équivalent de la SNCF espagnole, les infrastructures étant construites par Salini Impregilo, un groupe italien. Encore un signe qui montre à quel point les métiers se mondialisent et qui rappelle à la Commission européenne l’énorme bourde qu’elle a commise en refusant la fusion Alstom-Siemens .

Cantonnons-nous à la production (le cas de la distribution étant différent) : la première erreur de la Commission est d’avoir mesuré la concurrence sur un territoire beaucoup trop restreint. Aujourd’hui, le terrain n’est plus le pays ni le continent mais le monde ; la deuxième erreur, c’est d’être en retard d’une guerre : l’Amérique et la Chine cherchent aujourd’hui systématiquement à susciter des leaders nationaux de taille mondiale, fût-ce au prix de fortes parts de marché local. La troisième erreur est d’avoir des conseillers qui utilisent encore les courbes traditionnelles d’offre et de demande comme support conceptuel. Celles-ci sont dépassées : elles expliquent qu’il vaut mieux avoir de petits concurrents qui s’étripent avec de petites marges, alors qu’aujourd’hui une industrie concentrée à cause de l’effet d’expérience a des coûts plus bas. Même si son leader a des marges confortables, le prix de marché lui aussi est plus bas.
Pourquoi les Etats-Unis ne construisent pas des TGV ?

Le grand Charles souhaitait que les Européens fassent de grandes choses en dehors d’Europe, et bien il serait fier de la Renfe et de Salini Impregilo ! Au passage, si la direction générale de la SNCF n’était pas constamment empêtrée à gérer nos grèves, elle aurait pu être sur ce deal. Quant à la Commission, en espérant que la leçon a été comprise, on pourrait lui suggérer de faire évoluer sa mission et de lui demander non plus de s’occuper des prix, mais, métier par métier, de rapprocher les concurrents européens pour créer des vrais leaders capables d’affronter la concurrence mondiale. Ce serait une façon efficace de faire l’Europe.

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