Archive | décembre, 2013

L’échange

19 Déc

« Que l’on considère les relations d’homme à homme , de famille à famille,de province à province,de nation à nation,d’hémisphère à hémisphère,de capitaliste à ouvrier, de propriétaire à prolétaire, il est évident , ce me semble,qu’on ne peut ni résoudre ni aborder le problème social,à aucun de ses points de vue, avant d’avoir choisi entre ces deux maximes : le profit de l’un est le dommage de l’autre.Le profit de l’un est le profit de l’autre.

Car si la nature a arrangé les choses de telle façon que l’antagonisme soit la loi des transactions libres, notre seule ressources est de vaincre la nature et d’étouffer la liberté. Si , au contraire,ces transactions libres sont harmoniques,c’est à dire si elles tendent à améliorer et égaliser les conditions,nos efforts doivent se borner à laisser agir la nature et à maintenir les droits de la liberté humaine.

Frédéric Bastiat

Les leçons de Pisa

19 Déc

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La France est un des pays au monde où l’éducation nationale a la plus forte part de marché (80 %), elle a clairement la responsabilité des succès et des échecs. Les enseignants ne sont pas en cause, on connaît leur compétence et leur dévouement, c’est le système qui est sur la sellette. L’ego a été touché, donc on accepte d’être comparé et il reste l’orgueil d’être bien classé, c’est un très bon point ! Le haut du panier est bien placé mondialement, comme le sont nos écoles de commerce privées lorsqu’elles sont comparées. Le pouvoir a donc tort quand il s’attaque, a travers leurs professeurs, aux classes préparatoires des grandes écoles qui sont, elles aussi, au top. « Drôle de pays qui a besoin de punir ses cracks », disait de Gaulle. Heureusement, le gouvernement a reculé.

C’est le côté inégalitaire qui pose question. Allons voir en Asie, où la performance est meilleure sur ce point. Il y a certes plus de concurrence entre privé et public, ça stimule (Japon et Corée sont à 40 % d’enseignement privé), mais la principale raison est probablement le rôle de la famille. Les parents asiatiques, y compris les plus modestes, suivent de très près leurs enfants et sont prêts à tous les sacrifices pour eux ; ils vont jusqu’à déménager pour se rapprocher des bonnes écoles et ont largement recours aux cours particuliers.

En France, la famille est vue comme source d’inégalité : moins elle se mêle de l’enseignement, mieux on se portera. Là réside l’erreur ! Méditons le message des champions asiatiques : sans le soutien vigilant et continu des parents au travail à l’école, sans leur attention aux résultats, le travail des maîtres auprès des enfants perd un de ses plus précieux leviers ; on ne dira jamais assez qu’école et famille font équipe toutes deux.

Comment endiguer la fuite des talents

12 Déc

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La fébrilité des députés à durcir l’« exit tax » est le signe que l’exil s’accélère. Il y a six semaines, on apprenait qu’il y avait eu en 2011 35.000 départs, en croissance de 65 % sur 2010. En discutant avec les commerçants, en observant les camions de déménagement belges dans nos rues, on se doute que le mouvement s’amplifie. On sait que le nombre de Français a explosé en Angleterre et à Singapour, on découvre des hypothèses folles sur 2012 et 2013 dans certains journaux ; Bercy doit donner les estimations 2013 pour couper court aux rumeurs et parce que le Parlement ne peut pas travailler sans disposer des bons chiffres. Fait nouveau, le départ de jeunes diplômés à la recherche d’un meilleur environnement pour entreprendre ; ils seraient 25.000. On a beau dire que ça a toujours existé, cette perte de capital humain et financier est terrifiante : chaque diplômé d’études supérieures ayant reçu du pays (frais de santé compris) une somme tournant autour de 200.000 euros depuis sa naissance, ce sont, à ce rythme, 5 milliards d’euros qui s’envolent sur une année.

Pensons aussi aux vieux qui partent à cause de l’ISF, qui a trente ans aujourd’hui ; les flux annuels avant 2011 tournaient autour de 750 foyers par an, à 12 millions par foyer, ce sont 10 milliards par an dont les propriétaires quittent la France, 300 milliards sur trente ans ! Fourchette basse quand on sait, « Le Temps » l’a révélé, qu’un seul canton suisse abrite plus de 50 milliards de fortune originellement française. Grave responsabilité d’avoir créé une situation fiscale poussant ces Français disposant de moyens, formés et entreprenants, à partir à un moment où on a tant besoin d’eux. C’est de l’intérêt général du pays d’avoir les vrais chiffres sur l’exil. Il faut cerner l’ampleur des dégâts et trouver un moyen plus efficace pour les réparer que de durcir l’ « exit tax »… comme remettre notre fiscalité dans la moyenne européenne ?

 

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Pourquoi tuer l’actionnariat salarié ?

5 Déc

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La FAS (Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés) vient de remettre à six entreprises le prix de l’actionnariat salarié ; une bonne occasion de faire le point. Celui-ci chute actuellement sous ses diverses formes. L’explosion du forfait social a permis à l’Etat d’engranger un milliard de recettes supplémentaires sur les entreprises, mais cela a fait reculer l’intéressement et la participation. Autre coup porté à l’actionnariat salarié, l’augmentation des taux de l’ISF et des impôts sur les dividendes. C’est la double peine : le plus souvent, le dividende net d’impôt ne couvre plus l’ISF, surtout dans le cas d’entreprises performantes. Ca n’a pas raté, les versements reculent. Sans parler des retraités qui, après avoir épargné toute une vie se trouvent en flux annuel négatif. Ils ont pourtant, compte tenu de la fiscalité de l’époque, investi fidèlement dans leur entreprise (outil de travail), préparé leur retraite, porté le risque concurrentiel ; ça a marché et patatras, il faut encore payer !

Un comble quand l’actionnariat salarié transforme les rapports entre le collaborateur et son entreprise, le fait participer à la gouvernance, rend les OPA plus difficiles, assure un partage équilibré de la valeur créée, permet aux employés français de bénéficier de la mondialisation. Il aurait dû être un cheval de bataille pour les politiques, eh bien non ! C’est une vache à lait. Cela en dit long sur la défiance vis-à-vis de la réussite qui inspire bon nombre de nos députés. La seule petite lumière de la loi de Finances aura été de récompenser la fidélité actionnariale par l’abattement sur les plus-values obtenu après huit ans. Que l’on soit cohérent, et que l’on retire de l’ISF toutes les actions conservées plus de huit ans dans le cas de l’actionnariat salarié pour les employés et pour les retraités. Mieux vaut permettre aux collaborateurs de rentrer au conseil au titre de leur détention que les spolier et forcer cette entrée par la loi.

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Les rendez-vous manqués de la décentralisation

4 Déc

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Les débats sur l’ouverture des magasins et les rythmes scolaires sont la marque d’une société trop centralisée. On légifère dans un grand détail, alors que les situations sont très variées dans le pays et que l’environnement bouge tout le temps. Difficile, alors, de tirer juste à moins d’être génial. Il est pourtant un moyen simple pour prendre les bonnes décisions dans les cas complexe : l’expérimentation, et une structure idéale pour le faire : la régionalisation. Hélas, cette dernière n’a pas concerné l’Etat régalien comme dans d’autre pays. Elle a été trop souvent pour lui l’occasion un peu facile de passer aux « régions » des responsabilités secondaires sans transférer les moyens afférents. On a ainsi créé des doublons, et à l’arrivée le total de l’administration territoriale coûte 250 milliards d’euros par an. Les partis nationaux s’en sont emparés – le contraire même de l’esprit de décentralisation -, avec pour résultat de compliquer la vie des opérationnels de terrain, les maires. Qu’a apporté au pays ce millefeuille si l’on tient compte du gigantesque impôt qu’il faut lever chaque année pour le financer ? Aurait-on décentralisé, comme les Suisses, les choix sur les rythmes scolaires, qui dépendent des cantons, ou, comme les Allemands, les décisions concernant l’ouverture de magasins, logées au niveau des régions, nous aurions alors une base d’expérimentation permettant d’améliorer les décisions et de baisser les coûts de fonctionnement de la société. Le système concurrentiel de la sphère privée est fait d’inventions et de généralisation des pratiques efficaces. Pour les entreprises, c’est une affaire de survie. La sphère publique n’a pas cette stimulante problématique existentielle, mais elle peut (au moins !) prendre de bonnes idées ailleurs : on verra alors que laisser les initiatives à la base améliore la décision et baisse les coûts, mais aussi provoque le dynamisme des régions… ce dont le pays est le premier bénéficiaire.

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