Archive | mars, 2013

Xavier Fontanet : on refait la révocation de l’édit de Nantes !

23 Mar

BILLET D’HUMEUR

Contrepoints a rencontré Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor, pour recueillir son éclairage sur la transformation du monde que nous vivons. En voici les meilleurs passages.

Xavier Fontanet

Note : l’interview intégrale est également disponible sur Contrepoints (partie 1, partie 2)

Xavier Fontanet est l’ancien président d’Essilor et « dirigeant le plus réputé » parmi les patrons français selon un cabinet de mesure de la réputation. Auteur de Si on faisait confiance aux entrepreneurs, professeur de stratégie à HEC et ancien du Boston Consulting Group, c’est aussi un observateur attentif de notre monde et des changements qu’il traverse. Il nous donne sa vision de la mondialisation, des difficultés françaises et des chances qui s’offrent à nous.

Mondialisation : la France n’a pas à avoir peur

« Quand l’on essaie de nous dissuader de faire des produits mondiaux, c’est une régression car c’est au fond une démarche inspirée par la peur. Il ne faut pas avoir peur de la concurrence ! La pratique montre bien que les grands groupes français s’en sortent très bien à l’international. »

« Faire du protectionnisme pour un petit pays comme la France, cela n’a pas de sens, vous allez mettre en danger l’économie, abîmer les entreprises françaises à l’étranger »

« La délocalisation ou plutôt relocalisation a de grandes vertus. Elle déplace des jobs simples dans des pays en voie de développement qui leur permettent d’accéder au développement et le système éducatif des pays développés permet de transformer les enfants d’ouvriers en ingénieurs ou en chimistes. C’est un système très harmonieux, qui permet à tout le monde de grandir. »

« Avec la robot-relocalisation, des tas d’activités peuvent revenir en France ».

Le mal français : coût du travail et dépense publique

« Le véritable problème est que le « modèle  français » est lourd , avec trop d’impôts et de bureaucratie. Nos entrepreneurs ne sont pas mauvais, mais le terrain devient de plus en plus difficile pour une entreprise, en particulier quand on compare avec ce qui se passe dans d’autres pays. »

« Quand la sphère publique est trop développée et inefficace, les coûts de cette sphère publique se retrouvent toujours dans la sphère exposée, à l’exception de la TVA. Tout ce qui est charges sociales, impôts se retrouvent dans le coût des produits exportés. La fiscalité n’est rien d’autre que le prix mondial de la sphère publique. Les entreprises tiennent compte de ces éléments et, avec une fiscalité trop élevée, vous chassez les investissements ou vous détournez ailleurs ceux qui auraient pu être faits en France. Le problème, ce n’est pas la mondialisation, c’est l’excès de la dépense publique que l’on retrouve dans les impôts ; nous avons à la fois l’image et la réalité du record toutes catégories d’impôts »

« Le rapport Gallois va dans la bonne direction, mais les masses en cause sont très insuffisantes. L’ordre de grandeur nécessaire des économies, c’est 200 milliards € et pas 20 car il  ne s’agit pas de déplacer la facturation, mais de réduire la taille de la sphère publique. A 1050 milliards, elle est trop grosse de 20%. C’est la seule chose qui permettra de revenir à l’excédent et de réduire la dette. »

Réformes

« Si la commission Jospin parle du cumul entre mandats électifs, je pense que le problème est surtout celui du cumul entre un poste de fonctionnaire et un mandat de député. C’est un grave problème de conflit d’intérêts sur lequel on passe avec une décontraction qui m’étonne. Un fonctionnaire qui vote un budget, c’est quelqu’un qui vote les dépenses de l’organisation qui le réembauchera s’il est battu. Conflit d’intérêts total. Ce n’est plus l’intérêt général ici, c’est l’intérêt particulier des membres de la sphère publique. La sphère publique peut ainsi mettre la main sur les économies de la sphère privée et l’épuiser ce qui fera capoter le pays. Dans cette affaire, je ne vise pas les personnes dont la grande majorité est dévouée, je vise le système. »

« Il faut retarder l’âge de départ en retraite, trouver un nouveau contrat social, qui rende les contrats plus flexibles et moins coûteux, et remettre à plat l’organisation de l’État notamment les régions… »

Une fiscalité confiscatoire qui fait fuir les talents

« Quand vous revendez après dix ans une entreprise que vous avez achetée et développée en la faisant doubler de taille, les impôts que l’on vous prend, impôts sur la société (35% en France, vs 20% en Allemagne), dividendes (28%+15% vs 20%), ISF (1,5% du capital vs 0%) et impôts sur la plus-value (jusqu’à 60%, vs 26% voire 0% en Allemagne), l’État français aura pris 70% de la création de valeur et laissé 30% à l’entrepreneur. En Allemagne, l’État prend 30% et laisse 70% au créateur ! »

« Tout cela est vraiment extrêmement grave et sera lourd de conséquences. L’histoire nous montrera qu’on a refait la révocation de l’édit de Nantes. Les départs sont considérables, ceux qui partent ne préviennent pas. Il suffit de demander à n’importe quel gérant de fortune, les demandes ont décuplé. Regardez en  Belgique, des quartiers entiers sont parisiens désormais. Discutez sinon avec des déménageurs suisses et vous aurez un autre recoupement. C’est alarmant pour la France. Très alarmant. »

Le monde, aujourd’hui et demain

« Le monde n’est pas en crise. On a un double phénomène plutôt. Les pays en voie de développement affichent des taux de croissance de 5 à 10% (Brésil, Inde, Chine). Une moitié de l’humanité croît à +10%, et l’autre moitié à zéro. Dans cette autre moitié il y a une gigantesque transformation schumpeterienne. Il n’y a pas de crise, au contraire, l’histoire montrera que c’est la période où l’humanité a cru et s’est transformée le plus vite de son histoire. »

« Pour moi le monde en 2050 sera un tiers Inde, un tiers Chine, un tiers Occident. Si l’Inde est aujourd’hui un peu en retard, elle le rattrapera facilement, avec une population plus grande. »

La France de demain

« Si l’on n’arrive pas à régler les systèmes sociaux en France, beaucoup de micro-entreprises vont se créer, les gens seront consultants. Tous vous créerez vos petites boites et vous travaillerez en consultants. Avec des taux horaires plus chers, chacun construisant sa propre retraite, avec de nombreux clients différents. Regardez l’intérim par exemple, il explose actuellement. Beaucoup de jeunes commencent par l’intérim, pour avoir de la variété. C’est ce vers quoi on va. »

« Les entrepreneurs sont les dignes héritiers de Tocqueville et Voltaire, les héritiers des idées de liberté et d’initiative ; l’explosion du nombre de jeunes entreprises montre qu’une partie de la jeunesse a compris ; mon espoir, au bout du bout, il est en eux ! »

« La politique doit s’ouvrir au monde » par Xavier Fontanet dans les Echos du 17 janvier 2013

11 Mar

Les entrepreneurs français découvrent, en y travaillant, que la Chine a, à grande échelle, l’expérience de constructions politiques très sophistiquées depuis quatre mille ans. L’étude des 24 dynasties féodales devrait nous faire réfléchir. Toujours le même schéma : au départ, des fondateurs tournés vers l’extérieur ayant passé leur vie à réunifier l’immense pays ; en l’absence de menace, leurs enfants se coupent de l’environnement extérieur. A la troisième génération, les mandarins dirigent tout, les impôts montent, des révoltes, le territoire explose. La reconstruction recommence dès qu’un chef émerge du chaos.

Chez nous, la V e République en est à sa troisième génération : des fondateurs (de Gaulle et Pompidou), des successeurs (Giscard, Mitterrand, Chirac), une troisième classe d’âge (Sarkozy et Hollande) ; les cinq derniers présidents ont été formés uniquement à partir d’une expérience française, alors que la mondialisation est le facteur fondamental de transformation de nos sociétés.

La concurrence est partout, mais pas un entrepreneur, pas un homme de culture internationale au gouvernement ! Impossible pour lui de connaître en profondeur les changements titanesques des équilibres internationaux ; seuls les expatriés et les dirigeants des groupes mondiaux ont cette expérience. C’est affaire de survie pour le pays que le gouvernement intègre maintenant ces talents indispensables en son sein.

La voie est la Constitution : empêcher le cumul d’un mandat électoral avec un contrat de travail dans la sphère publique (pas d’avantage donné a une catégorie de Français), empêcher plus de deux législatures (brasser le système et éviter le fléau des promesses électorales), diviser par quatre le nombre d’élus et doubler leurs revenus (baisser les coûts et ouvrir la politique à des hommes et des femmes dont les carrières ont été internationales). En attendant, les vacances des ministres ? Dans des entreprises françaises, sur le terrain en Chine et en Inde, ça remettrait les idées en place !

 

La politique doit s’ouvrir au monde par Xavier Fontanet

Citation

La grandeur

11 Mar

« Ce n’est pas la place qui fait la vraie grandeur. »

Goethe

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L’importance de la liberté

11 Mar

« En essayant d’imposer à notre société ce que nous croyons être un modèle rationnel, nous étouffons la liberté qui est une condition de son amélioration progressive. »

Hayek

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Le désordre

8 Mar


« L’obéissance à des règles mal conçues peut parfaitement devenir la source d’un désordre. »

 

Hayek

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Les passions

7 Mar

« Popularité, pouvoir, richesse et plaisir, toutes ces passions, même si elles semblent convenir un temps, soudain te domineront et te perdront. »

Marc Aurèle

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L’égalité

6 Mar

« L’égalité est la plus horrible des injustices. »

Goethe

Citation

Ne fais pas aux autres….

5 Mar

« Il faut t’interdire ce que tu condamnerais chez les autres. »

 

Kant

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L’essentiel

4 Mar

« Les trois quarts des hommes ne s’occupent des choses nécessaires que lorsqu’ils en sentent le besoin, mais justement alors il est trop tard. »

Napoléon

« General Motors, la leçon d’un retour » par Xavier Fontanet dans les Echos du 7 février 2013

3 Mar

General Motors repart d’un bon pied. L’entreprise descendait aux enfers depuis vingt ans avec des parts de marché aux Etats-Unis baissant de 40 % à 20 %. Le « reengineering » a fonctionné, ses chiffres doivent être connus et médités. La crise commencée à l’été 2007 entraîne des pertes de 14 et 20 milliards de dollars en 2008 et 2009. S’ensuit une remise à plat suivie de résultats : 5 milliards de dollars en 2010, 6 en 2011, 7 en 2012… Sur le terrain, les équipes et les syndicats ont fait un travail à peine croyable : le nombre de marques passé de 8 à 4, le nombre de modèles de 52 à 34, le nombre d’usines de 25 à 15, les concessionnaires de 6.000 à 3.500 , les cols bleus de 48.000 à 35.000, les cols blancs de 28.000 à 25.000. Les syndicats dans cette affaire ont joué un rôle historique en acceptant par réalisme de renoncer à l’emploi à vie ; les salaires horaires de Detroit sont passés de 72 dollars à 49 dollars ; pour les emplois moins spécialisés, ils sont convenus d’un salaire horaire de 32 dollars.

Les parts de marché ont globalement tenu car les marques conservées ont regagné l’espace libéré par des marques stoppées. Avec le redémarrage de l’économie, les volumes ont repris 15 % depuis 2009, l’entreprise a réembauché plus vite que prévu.

Leader aux Etats-Unis contre Toyota, devenu leader en Chine contre Volkswagen, distancé en volume et en qualité en Europe par le même VW mais avec des cartes à jouer autour d’Opel, l’entreprise a du champ et de beaux challenges devant elle. Celle qui fut longtemps l’orgueil de l’Amérique, la plus grosse affaire du monde, celle qui a ensuite mordu la poussière est de nouveau debout !

La fierté légitime de tous les partenaires dont le président Obama, qui a soutenu moralement et sans état d’âme cette gigantesque remise en cause, est à la hauteur des efforts consentis par tous.

Le message que nous passe l’Amérique est simple : les industriels savent faire. Mais, pour que les choses arrivent, il faut en plus le réalisme syndical et le support moral des politiques.

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