Archive | juillet, 2016

Quelles pistes pour l’élevage breton ?

9 Juil

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Article paru dans Terra magazine

Miser sur la qualité, segmenter le marché, exporter… Xavier Fontanet, ancien PDG d’Essilor en est convaincu : ce qui a marché pour les verres est applicable à l’élevage breton, aujourd’hui dans la tourmente.

« Certes, je ne suis pas un spécialiste du lait ou du cochon ». C’est pourtant à Xavier Fontanet qu’André Sergent, président de la chambre d’agriculture du Finistère, a demandé d’animer une soirée-débat, le 4 juillet dernier, sur l’avenir de l’élevage en Bretagne. Et son expérience à l’international, chez Bénéteau ou Essilor, lui a permis de captiver son auditoire pendant près de deux heures et de distiller, tout au long de la soirée, de précieux conseils. « Nos secteurs d’activité sont finalement assez proches : il nous faut, aux uns comme aux autres, beaucoup de capital pour faire du chiffre d’affaires ».

Segmenter

Comme il l’a fait chez Essilor, Xavier Fontanet conseille d’abord aux agriculteurs bretons de miser sur la qualité. « C’est ce qui a fait venir les Chinois à Carhaix. Eux n’ont plus confiance dans le lait qu’ils produisent et mettent sur le marché, il y a trop de tricheries ». Sans oublier de le faire savoir… « Il faut construire une histoire autour de vos productions. Mettre la terre, le climat en avant ».

« Avec des produits de commodité, la vie est très dure ». Plutôt que de se contenter de produire du volume, il faut commencer à segmenter le marché. « Il faut mettre des chercheurs dans la boucle et trouver quelque chose qui va vraiment vous différencier, qui va donner envie au consommateur de payer plus cher pour vos produits ». Et sans cesse s’adapter aux besoins du client. « Trouver des verres progressifs pour les Indiens, qui bougent sans cesse la tête, n’a pas été facile. Mais quand on l’a fait, ça nous a ouvert le marché ».

Un avis que partage volontiers André Sergent. « On en a marre de récupérer des miettes ! Il faut arriver à transformer nos contraintes en opportunités. Et profiter du bien-être animal, des antibiotiques ou des phytosanitaires pour nous différencier ».

Exporter

« Vous êtes au cœur du monde ». Pour Xavier Fontanet, il est temps de voir autrement la mappemonde. « Aujourd’hui, ce ne sont plus les kilomètres qui comptent mais le coût du transport ». Et, à ce petit jeu, Brest et le fret maritime s’en sortent largement gagnants. « D’ici, il ne revient pas plus cher d’expédier du cochon à Shanghai qu’à Marseille ». Un atout dont les Bretons n’ont pas encore conscience ? « Nous voulons mettre Brest au cœur de l’Atlantique, répond Jean-Christophe Cagnard, vice-président de la CCI de Brest, qui gère le port, propriété du conseil régional. Nous avons un projet de développement du port. Et une autoroute de la mer devrait voir le jour, du Portugal à Liverpool en passant par Brest ».

Mais exporter ne s’improvise pas… « Pourquoi ne pas mettre à profit les compétences des expatriés, avance Xavier Fontanet. Vous n’aurez aucun mal à trouver des Bretons qui ont passé une bonne partie de leur carrière professionnelle en Chine, aux USA ou en Inde. Ils connaissent le marché, ont un carnet d’adresses… et sont prêts à rendre service ».

Unis

« On y arrivera à une seule condition : être unis, estime Jakez Bernard. Je suis confiant dans l’avenir mais il faut que cessent nos divisions. Personne ne viendra au secours de la Bretagne ! Elle ne s’en sortira que parce qu’elle en aura la volonté ». Et le « jeune retraité » de Produit en Bretagne d’inciter acteurs économiques et élus « à toujours choisir la meilleure solution, celle qui nous fera gagner ».

Dégraisser le mammouth

« Le coût de la sphère publique grève le coût de production du cochon breton », affirme Xavier Fontanet, chiffres à l’appui. En France, elle représente 57 % du PIB, le produit intérieur brut, contre 44 % en Allemagne ». Une différence significative, qui plombe la compétitivité de nos éleveurs. La solution ? « Se mettre au niveau allemand et gagner 250 milliards d’euros sur la sphère publique ». Impossible ? « Bien sûr que non, rétorque aussitôt Xavier Fontanet. D’autres pays l’ont fait ». Et, selon l’éditorialiste, la France serait bien inspirée de s’y mettre aussi. « Certes, ça prendra une douzaine d’années. Mais ce seront des mesures choisies. Une fois le pays en quasi-faillite, comme la Grèce, les mesures sont imposées par l’extérieur. Et là, ça devient l’horreur ».

Partant du principe qu' »on ne peut dépenser plus qu’on gagne », le Canada a réduit ses dépenses publiques de 20 % en six ans, en ciblant l’administration, les régions… « Le pays a réduit les impôts dans le même temps et le PIB n’a pas bougé ». L’Allemagne a préféré réformer le marché du travail et instaurer une « solidarité exigeante ». Résultat : le taux de chômage est tombé au plus bas et le poids de la sphère publique a reculé de 10 % en quelques années seulement.

La Nouvelle-Zélande, « redoutable compétiteur pour les producteurs de lait », a mis fin à l’État providence. « Elle a estimé que donner un revenu, type RSA, à quelqu’un qui ne travaille pas est une atteinte à la dignité. Et prive les gens qui travaillent d’une partie de la récompense qui leur est due ». Elle a mis fin aussi aux soins gratuits, « qui ne responsabilisent pas les gens », et la retraite se constitue désormais par capitalisation. « Là aussi, la sphère publique a réduit son poids de 10 % ».

 

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“La Bretagne est la plus belle terre du monde”

9 Juil
Article paru dans Paysan breton
Expert du marché mondial depuis des décennies, Xavier Fontanet, ancien PDG d’Essilor, livre sa vision sur l’élevage breton face à des enjeux planétaires.

« On est aussi bon que les Allemands, nous sommes simplement plus chargés », a affirmé Xavier Fontanet, lors de son intervention à Briec (29).

Un marché mondial se conquiert. Xavier Fontanet, anciennement à la barre d’Essilor, groupe spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de verres correcteurs, le sait. Il a fait part de ses expériences lors d’une soirée débat organisée par la Chambre d’agriculture du Finistère, à Briec (29). « La Bretagne est la plus belle terre du monde. Il faut inventer des histoires à l’aide d’outils marketing, de recherche et développement », pense-t-il. Montrer ce que l’on sait faire, c’est une des solutions pour sortir son épingle du jeu dans un marché mondial tendu. « L’incapacité des prix à couvrir le coût de revient de nos productions doit amener une réflexion et des actions rapides sur les mécanismes de solidarité dans nos filières et sur la répartition de la valeur ajoutée vers l’amont », ajoute André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère.

Le jockey doit être un poids plume

Souvent décriée, la concurrence déloyale entre pays trouve son origine dans les charges payées par les sociétés, selon Xavier Fontanet. « Les entreprises françaises paient 1/3 de charges à l’État, ce qui représente 150 milliards d’euros de plus que les autres pays. On est aussi bon que les Allemands, nous sommes simplement plus chargés. Comment peut-on gagner une course hippique quand le jockey est plus lourd que son cheval ? », se questionne le spécialiste. Avec un PIB (produit intérieur brut) de 2 050 milliards d’euros, la sphère publique représente 1 170 milliards (soit 57 %), la sphère privée 880 (43 %).

« L’Allemagne, avec un système comparable au nôtre avec les Länders, présente une ventilation inverse entre public et privé, respectivement de 44 et de 56 %. Notre sphère publique est 69 % plus coûteuse que celle des Allemands (Voir tableau ci-dessous). Pour faire maigrir notre sphère publique, 260 milliards sont nécessaires », chiffre l’entrepreneur. Ce régime, de nombreux pays l’ont réalisé, afin de réduire leur dette, tout en conservant le même PIB.

Choisir plutôt que de subir la rigueur

Le globe-trotter Xavier Fontanet a égrainé les solutions observées dans les différentes contrées visitées lors d’échanges commerciaux pour son entreprise. Il révèle ainsi qu’au Canada, « on ne peut pas dépenser plus que l’on gagne, et que si les entreprises ont du mal à trouver du crédit, c’est que l’État se sert avant ». Outre-Rhin, les « 9 millions de mini-jobs ont largement contribué à faire baisser le chômage. 100 milliards ont ainsi été économisés. La Nouvelle-Zélande a fait baisser progressivement la part de la sphère publique à 30 %, quand, en Suisse, le montant des taxes est laissé à la charge des régions. Une concurrence naturelle s’installe alors entre cantons, qui font tout pour être attractifs envers les sociétés ». L’économiste prédit que si la France augmente l’âge de départ à la retraite, 150 milliards d’euros seront épargnés. « Des solutions existent pour trouver ces montants importants et ce, sur une période de 12 ans ».

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Tout est bon dans le cochon breton

La venue d’industriels chinois laisse à penser que la Bretagne a des arguments à mettre en avant face à l’empire du Milieu. « Les fermes chinoises se situent près des villes. Chaque extension de mégapole détruit donc ces sites de production. Vous avez entre les mains plus que vous croyez. En ayant une stratégie de segmentation, sachez mettre en avant vos productions, comme une viande de porc de qualité supérieure qui fait vivre plus longtemps ou un lait de vache de haute qualité grâce au crachin breton. Si 15 % du chiffre d’affaires de viande porcine est réalisé par de la marchandise 25 % plus cher, un énorme pas sera franchi. Mais il faut pour cela saisir les finesses d’un marché.

La mondialisation rend les échanges de produits de commodité plus difficiles. Pourquoi ne recensez et n’interrogez-vous pas les Bretons expatriés depuis plus de 20 ans en Chine, Inde, Indonésie ou États-Unis pour devenir leader sur certains segments ? Quand on est pionnier sur un secteur, la rentabilité arrive rapidement ». Ce à quoi Jakez Bernard, ancien président de Produit en Bretagne, répond que « c’est la Bretagne que l’on doit vendre à l’international. Il est impératif que tous les élus et les acteurs se mobilisent, car personne ne viendra à son secours. La Bretagne s’en sortira d’elle-même », conclut-il.

 

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La stratégie du cochon breton en Chine – Le Télégramme

8 Juil

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« Je vais vous ouvrir les yeux en m’appuyant sur mon expérience à Essilor, qui a conquis la Chine ». Xavier Fontanet croit aux opportunités du marché mondial et estime que les producteurs bretons doivent améliorer leur stratégie commerciale. Pour lui, la réussite passe par la diminution de la sphère publique en France. Un leitmotiv vécu comme une « provocation » par un conseiller régional socialiste.

Xavier Fontanet, 67 ans, Morbihannais de naissance, d’une mère léonarde et de Joseph Fontanet, l’ancien ministre de Georges Pompidou, assassiné en 1980, a désarçonné la salle pleine de l’Arthémuse lundi soir à Briec. L’ancien directeur général de Bénéteau, P-DG d’Essilor, président du comité d’éthique du Medef, contributeur de la Commission pour libération de la croissance française de Jacques Attali, a développé avec entrain, en multipliant les références à ses amis du Cac 40, ou aux chefs d’État qu’il a côtoyé, son credo pour libérer la croissance. « Tout le monde a peur de la mondialisation, dit-il. Moi, j’ai vécu la mondialisation heureuse. Essilor au début était une petite entreprise de la Meuse dont le patron génial a inventé le verre progressif. On a conquis le monde. La mondialisation dès que l’on a un truc de plus, devient extraordinaire. Avec le cochon, les Bretons ont ce potentiel. Je pense que le porc breton est compétitif mais on a un drame national. La sphère publique c’est-à-dire l’État, les collectivités locales plus le coût du social, représente 57 % du prix Produit intérieur brut français. C’est beaucoup plus que l’Allemagne (44 %), la Nouvelle Zélande. Il faut donc commencer par baisser les coûts car nos entreprises paient beaucoup plus d’impôts et de charges. Voilà où est le différentiel de prix de 25 centimes le kilo pour le cochon ». Xavier Fontanet souhaite donc 250 milliards d’économie d’argent public sur 10 ans.

Le discours a fait bondir Martin Meyrier, conseiller régional socialiste. Il a défendu la nécessité des dépenses publiques pour l’aménagement du territoire de régions comme la Bretagne, en prenant l’exemple de la stratégie numérique de la région pour ne laisser personne au bord de la route.

Les clefs chinoises


« Si les Chinois viennent en France, c’est qu’ils ont des problèmes et que nous avons des opportunités, continue l’économiste. Ils ont un problème de fiabilité comme on l’a vu avec le lait. Ils ont également un problème de terres agricoles. Elles disparaissent en quantité vue l’expansion des villes. Il y a donc une énorme opportunité avec les Chinois. Mais il faut discuter, demander des contreparties, ne pas se limiter à un seul client mais aller voir les concurrents. Cela demande beaucoup de travail sur le terrain, en Chine pour regarder les habitudes de consommation. Il faudra peut-être arriver à produire un cochon avec un goût spécial qui leur plaira ». « Quand vous travaillez avec des Chinois, il faut travailler en réciprocité, ajoute-t-il. Il est idiot d’attendre qu’ils rachètent nos entreprises. Ce sont les champions de la culture du poisson, des algues. Il faut leur demander de la technologie d’élevage car ils sont prêts à échanger leur savoir-faire. Si on ne fait pas ça, on se fait broyer ». Xavier Fontanet insiste. « Envoyer un cochon de Brest à Shanghai par mer n’est pas plus coûteux que de l’envoyer à Marseille. La Bretagne est divinement située ». C’est toujours ça de gagné.
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Le microclimat de Vitré Chronique aux Echos

7 Juil

A Vitré (Ille-et-Vilaine), le vendredi 1er juillet, 125 artisans âgés de 60 à 85 ans et membres du club bénévole L’Outil en main ont reçu le prix national du Cercle des entrepreneurs. Ils consacrent bénévolement leur temps libre à 150 jeunes de l’agglomération, auxquels ils transmettent leur savoir-faire. Résultat : aucun décrochage scolaire grâce à cet apprentissage original, qui devrait faire des petits partout en France, sachant que 98,5 % des jeunes de Vitré réussissent le bac.

Coïncidence ? Vitré est la ville de France où le taux de chômage est le plus bas (5 %) avec un tissu industriel représentant 44 % de l’emploi (l’Allemagne est à 30 %). Quand on demande à son maire, Pierre Méhaignerie, les raisons du succès, il en donne essentiellement cinq.

1) L’éthique du travail : l’entreprise est aimée et toute la sphère publique se met à son service ;

2) Une fiscalité locale largement inférieure à ce qui se pratique aux alentours ;

3) Une maison de l’entreprise qui rassemble en un seul lieu, sous la direction d’un directeur élu par les entreprises, tous les services administratifs ;

4) De bonnes écoles et un investissement culturel et sportif important ;

5) Un parc immobilier industriel possédé par la ville, loué aux entreprises afin de faciliter leur implantation et qui peut leur être revendu si elles le souhaitent.

La ville de Vitré a compris depuis longtemps qu’une entreprise se comporte comme un être vivant. Elle végète dans les climats hostiles et s’épanouit pour le bien-être de tous quand elle sent un climat de confiance.

Notre pays, dans son ensemble, ne donne pas à l’entreprise la place qu’elle mérite dans la société. Cette erreur se paie par un chômage élevé et se mesure à la dégringolade dans le classement des implantations de multinationales. Tout cela rend encore plus exemplaire la performance de Vitré et doit inciter les maires de France à s’inspirer de cette précieuse expérience.

Xavier Fontanet

Xavier Fontanet est professeur de stratégie à HEC.
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