Archive | avril, 2022

L’âge de la retraite à 65 ans, un minimum ?

16 Avr

Pour l’ancien chef d’entreprise et professeur de stratégie Xavier Fontanet, la réforme de la retraite est rendue nécessaire par l’enflure des coûts de la sphère publique et de son endettement.

La réforme de la retraite ne peut plus se penser aujourd’hui en dehors d’une politique de réduction des dépenses publiques et sociales visant à donner de la place aux dépenses militaires et redonner de la compétitivité à notre économie, plombée par une sphère publique et sociale bien plus coûteuse que celle de nos voisins. Les dépenses de retraite sont de très loin la première dépense publique avec 14% du PIB : sept fois les dépenses consacrées à notre armée ! En 1983, le président Mitterrand a pris deux décisions très lourdes : la première a été d’avancer l’âge de la retraite à 60 ans ; la deuxième de s’appuyer sur un système « 100% répartition ». Deux erreurs funestes qui se sont cumulées et qui ont très grandement affaibli la compétitivité des entreprises françaises, parce que tout le monde oublie que les charges sociales entrent dans les prix de revient.

Une erreur colossale

Sur la nécessité d’avoir un équilibre entre les cotisants et les pensionnés, les chiffres sont connus mais ce n’est pas inutile de les rappeler : l’espérance de vie était de 75 ans en 1983, elle est aujourd’hui de 83 ans ; quand le nombre des cotisants à l’époque était de quatre actifs par pensionné, il est aujourd’hui de 1,4, soit dans un rapport de 1 à 3.  La productivité du travail a certes augmenté, mais de moins de 1% l’an : ayant progressé de 50% en 40 ans, le système est déséquilibré. La deuxième décision tout aussi importante a été le choix de la répartition. Il faut rappeler que le CAC 40, à l’image de tous les marchés financiers mondiaux, a vu sa capitalisation multipliée par 13. La preuve la plus flagrante de l’erreur consistant à se reposer sur la répartition est donnée par le poids des dépenses consacrée à la retraite dans les pays qui ont parié sur la capitalisation comme la Nouvelle-Zélande ou la Suisse, où il est de 7%. Cet écart désavantage les entreprises qui exportent.

L’erreur de François Mitterrand et de ceux qui l’ont conseillé est donc colossale. Retarder l’âge de départ à la retraite serait une mesure extraordinairement efficace, qui réduirait le nombre des pensionnés tout en augmentant celui des cotisants. L’évolution en ce sens peut être très rapide : la plupart des pays européens ont repoussé l’âge de départ à 65 ans voire 67 ans.

Pas de solidarité sans exigence

Cela étant dit, on ne peut pas parler sérieusement de la retraite sans évoquer l’actionnariat salarié. Un calcul très simple que chacun peut faire avec un tableur démontre que si l’on met chaque mois 7,5% de son salaire de côté pour le placer sur les marchés financiers ou dans son entreprise, on se constitue au bout de quarante-cinq ans (avec une rentabilité de 5%) un capital qui permet de doubler sa retraite. Il suffit de regarder la situation de ceux qui partent à la retraite dans les entreprises qui pratiquent l’actionnariat salarié depuis cinquante ans pour s’en persuader. La haute fonction publique a par ailleurs une partie de sa retraite capitalisée dans le système « Prefon », qui fonctionne très bien, avec trente ans d’expérience.

Mais pour que ces changements se passent bien, il faut revenir au postulat de base, corroboré par les expatriés qui ont pu assister dans les pays où ils travaillaient aux réformes de retraite drastiques, comme au Canada, en Nouvelle-Zélande ou en Allemagne. La réussite a toujours reposé sur la capacité des dirigeants à expliquer à la population la nécessité d’une réforme due à l’enflure des coûts de la sphère publique et de son endettement. Ces mesures passeront d’autant plus facilement que nos concitoyens seront convaincus que la solidarité, qui est le ciment de la société, n’est pas incompatible avec un certain niveau d’exigence. Les événements actuels nous montrent que nous ne sommes pas à plaindre, et que défendre notre mode de vie mérite bien de sortir de notre confort.

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L’élection présidentielle devant les défis d’une économie de guerre

11 Avr

« Nous sommes entrés dans une économie de guerre », soutient Xavier Fontanet. L’ancien chef d’entreprise fait le point sur les défis économiques et sociaux que devra relever le prochain président de la République.

« La guerre est un accélérateur de l’histoire » disait Lénine. Même si l’auteur de cette formule n’est pas recommandable, elle a sa part de vérité. La coïncidence entre l’agression de l’Ukraine par la Russie et l’élection présidentielle exige pour le citoyen, comme pour tous les candidats, d’élever le débat. Il leur faudra affronter les sujets du pouvoir d’achat, de retraite, de sécurité, de politique d’immigration et de mesures assurant le respect de notre planète mais il faudra le faire en adoptant la bonne perspective stratégique : la défense du concept même de démocratie.

On pensait que la paix était une situation acquise. L’Europe a été construite pour éviter la guerre et nous pouvons dire qu’elle est de ce point de vue un magnifique succès. Mais depuis trente ans, le monde a changé avec l’émergence de la Chine et cette agressivité rallumée de la Russie qui nous rappelle que la guerre est toujours présente dans la nature humaine. Nos plans sont donc à revoir et vont demander des efforts à chacun de nous. Cette guerre révèle une segmentation du monde avec d’un côté les pays qui ont fondé leur organisation sur la liberté et la démocratie, et de l’autre côté des pays où l’individu compte moins et où le pouvoir est entre les mains d’autocrates. Derrière la guerre actuelle, se profile un choc de civilisation.

Partons de l’idée, en espérant qu’elle reste d’actualité, qu’il y a un consensus dans notre pays sur la démocratie et que même si celle-ci est bourrée de défauts, notamment la difficulté à avoir des visions de long terme, la volonté commune de la préserver est claire, tout comme celle de refuser de nous orienter vers des organisations de société comme celles qu’on observe par exemple en Russie. Prenons pour preuve le fait que certains candidats qui avaient des indulgences pour Moscou, ou au moins son dirigeant, font du rétropédalage depuis le début de la guerre. Si nous partons de ce principe, les décisions à prendre pour l’avenir sont plus simples qu’on veut bien le dire : d’abord augmenter significativement le budget militaire. La plus grosse dépense à réduire est celle de la retraite : il très facile de frapper fort en haussant significativement l’âge de départ sachant que certains pays (le Japon) envisagent d’aller jusqu’à 70 ans !

Compétitivité et attractivité

Les défenses du pouvoir d’achat sont tout à fait légitimes mais il faut tirer une conclusion de l’observation des cinquante dernières années. Ce sont la quête de la compétitivité et la recherche de l’attractivité qui sont les meilleures garantes du gain de pouvoir d’achat. C’est ce que montrent de façon éloquente les performances économiques de la Suisse, de l’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas, et l’on ne parle pas de petits chiffres. Le PIB par tête de la Suisse a plus que doublé par rapport au nôtre. Un excès de dépenses sociales freine les entreprises les empêche d’exporter : « Trop de social tue le social. »

Nous sommes entrés dans une économie de guerre puisque la Russie joue sur les approvisionnements énergétiques et agricoles. La situation a le mérite de simplifier les choses et d’accélérer le recours aux énergies nouvelles pour réduire la dépendance à des fournisseurs qui peuvent devenir des ennemis. Il faut reconstruire des centrales nucléaires, pousser toutes les énergies nouvelles : solaire, éolienne et aussi la méthanisation qui permettra une économie agricole circulaire, transformant les effluents animaux en engrais naturels et en gaz. Même transformation pour les matières premières où les filières de recyclage doivent devenir les mines du futur sachant que nous avons parmi nos entreprises des leaders mondiaux en la matière.

Les conditions de la confiance

L’argent ne peut pas tomber du ciel ! Il faudra adopter chacun des attitudes responsables à son égard comme l’ont fait les Allemands avec l’adoption de principes comme celui-ci : « Il vaut mieux un job pas tout à fait satisfaisant que l’horreur du chômage (même bien payé) à la maison. » La bonne marche d’une économie dépend de la qualité de l’État régalien qui assure le développement harmonieux de toutes les énergies ; cela suppose une justice et une police en bon état de marche. Il faudra être prêt à accueillir des réfugiés des pays de l’Est, ce qui exige de repenser le système de gestion des migrations qui, soyons clairs, ne fonctionne pas actuellement de façon satisfaisante.

Les instances religieuses orthodoxes liées au pouvoir à Moscou ont soutenu voire encouragé les hostilités. Ces confusions entre les différents ordres (légal, moral et religieux) confirment la justesse du choix de notre pays en faveur de la laïcité. Mais tout cela ne suffit pas ! La République est un mode d’organisation, elle ne tient pas lieu de raison d’être. Nous attendons en dernier ressort de celui ou celle que nous élirons dans le mois qui vient, la capacité à créer et faire durer un vrai climat de confiance. Plus encore, faire que tous les citoyens, au-delà de leurs différences, aient le sentiment de partager une histoire et un destin commun, ce que nous montre en ce moment, de façon admirable, l’héroïque peuple ukrainien.

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Économie : le modèle occidental de l’épargne investie

3 Avr

Le conflit ouvert entre les démocraties occidentales et la Fédération de Russie est aussi celui de deux modèles économiques. Pour l’ancien chef d’entreprise Xavier Fontanet, l’économie de marché des pays de l’Ouest repose sur l’utilité sociale de l’épargne investie.

L’agression caractérisée de l’Ukraine par la Russie nous permet de mettre en évidence une confrontation entre deux visions du monde et doit nous amener à réfléchir aux fondements de notre société, notamment s’agissant de l’économie. L’Europe, les Amériques, le Japon, la Corée, Taïwan, l’Inde font confiance au marché, à la libre concurrence, à l’initiative individuelle et à la détention privée du capital pour faire vivre leurs économies. Ces pays sont des démocraties : elles sont constamment animées par des débats visant à remettre en cause différents aspects de leur fonctionnement. 

La possession du capital

S’agissant de l’économie, les débats les plus fréquents portent sur la légitimité de la possession du capital, sur son utilité sociale et les risques que fait courir à la société une concentration excessive de sa détention. L’activisme de certains contempteurs des inégalités observées en Occident prête aujourd’hui à sourire quand on découvre les fortunes des oligarques russes et leur rapport au PIB du pays (plus de 60 % du PIB russe en 2000 selon une estimation de la Banque mondiale ). Il est très difficile d’avoir les vrais chiffres mais tout porte à penser que les concentrations dans ce pays sont bien plus importantes que ce qui existe dans les économies de marché. Ces fortunes ont d’ailleurs été constituées en majorité par des détournements effectués à la fin des années Eltsine. C’est en outre un bel exemple de rentes, car les connexions politiques auxquelles elles ont été associées empêchent de faire fonctionner le mécanisme régulateur de la concurrence.

Une autre différence essentielle porte sur l’origine de la richesse : en Europe ou en Amérique, c’est la créativité des détenteurs de capitaux qui ont créé de nouveaux métiers ou la justesse de leurs investissements quand il s’est agi de prendre le leadership dans des métiers existants. La richesse est toujours passée par la « case risque » et elle est constamment remise en cause, car le numéro un est toujours concurrencé par l’ensemble de sa profession. Même si tout est loin d’être parfait en Occident, on peut aussi rappeler que son PIB par tête est quintuple de celui des Russes qui sont pourtant détenteurs de matière premières précieuses, ce qui n’est pas le cas de l’Europe.

L’utilité sociale du capital

Il faut aller plus loin et expliquer la dimension sociale du capital en économie de marché. Pour cela il faut faire œuvre de pédagogie et rappeler certains mécanismes économiques. Une règle peu expliquée est le concept de rotation d’actifs : en clair, si vous voulez produire 1 million de voitures, il vous faut 5 milliards d’euros d’investissement ; pour produire 2 millions de voitures il en faut le double, soit 10. Le rapport entre activité et investissement est une constante ; investissement, activité et emploi sont donc irrémédiablement liés. L’argent ne tombant pas du ciel, il vient forcément d’une épargne qui a permis de constituer le capital initial, le résultat réinvesti l’augmentant par la suite afin de permettre à l’entreprise de grandir et d’embaucher. La rentabilité des entreprises conditionne la santé de toute société plongée dans une économie de marché. Le capital est une épargne accumulée et constamment mise à risque.

Une épargne investie

La vérité est que l’utilité sociale du capital est considérable, ce que les Allemands ont parfaitement compris depuis vingt ans avec la fameuse phrase du chancelier Helmut Schmidt, déjà évoquée ici : « Les profits d’aujourd’hui sont l’investissement de demain et l’emploi d’après-demain. » En France, les capitaux propres des 3 millions d’entreprises portent 22 millions d’emplois et leurs familles ; par le biais de leurs impôts, les entreprises financent la fonction publique, dont la mission est de créer le cadre à l’intérieur duquel l’activité économique peut fonctionner de façon aussi satisfaisante que possible. Nos entreprises sont donc des piliers de la société, on ne le rappellera jamais assez. Dans ce monde concurrentiel, le rôle du capital est central, même s’il est mal accepté, alors qu’il ne peut se comprendre sans référence au concept de destination universelle des biens. Il est regrettable que les mots aient été déformés voire détruits. S’il fallait un vocabulaire plus proche de la réalité, plutôt que d’utiliser le mot « capital » qui a tendance à trop échauffer les esprits, pourquoi ne pas parler d’ « épargne investie » ?

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