Archive | mai, 2016

Pour une fiscalité normale – Chronique aux Échos

26 Mai

S’il n’y avait que deux idées à faire passer aux Français en matière d’économie, ce seraient le concept de l’action-réaction et celui de la rotation d’actifs.

L’action-réaction, c’est le fait qu’une action provoque toujours une réaction qui va en sens inverse. Cette réaction est d’autant plus forte qu’elle a mis du temps à se mettre en marche.

La rotation d’actifs, c’est l’idée que pour toute activité, il faut derrière un investissement (et donc du capital qui y soit alloué et qui travaille). Pour produire des voitures, il faut des usines, et des stocks dans les réseaux de distribution ; si on veut produire deux fois plus de voitures, il faut deux fois plus d’usines et deux fois plus de stock. La relation entre l’activité et le capital est un chiffre constant.

Que se passe-t-il avec l’ISF ? L’action a consisté à augmenter la fiscalité sur le capital et les plus-values, pour se situer à un niveau double de ce qui est pratiqué ailleurs. La réaction nous arrive maintenant : le capital ne peut plus grandir, puisque tout est pris par l’impôt, et beaucoup de Français quittent le pays ; la base de capital s’effondre, et avec elle l’activité. L’atonie de l’économie et le chômage s’expliquent en grande partie par ce phénomène.

Il faut que tout le monde comprenne (et que les enseignants expliquent aux étudiants) que nous avons besoin les uns des autres : les employés ont besoin du capital, qui finance les entreprises dans lesquelles ils travaillent ; et sans employés ni clients, le capital ne fructifie pas ; les intérêts sont réciproques. Il faut aussi comprendre (comme l’expliquait Jaurès à son époque) que l’investisseur prenant tout le risque sur lui, rend un service immense à la société.

C’est pourquoi l’arrêt de l’ISF et le retour à une fiscalité normale sur la plus-value seraient une bonne chose pour l’ensemble de la société, et en particulier pour tous ceux qui peinent à trouver du travail en ce moment.

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Réconcilier travail et capital – Chronique aux Echos

19 Mai

Comment améliorer, d’un coup d’un seul, les comptes des entreprises, ainsi que nos retraites ?

On prélève aujourd’hui pour ces dernières près de 25 % sur les salaires. C’est la conséquence lointaine du cadeau empoisonné de la retraite à 60 ans. Roger Douglas (contemporain néo-zélandais de Francois Mitterrand) montrait à ses compatriotes qu’en travaillant 45 ans, en mettant de côté 10 % de son revenu et en plaçant la somme dans un fonds diversifié on pouvait assurer une retraite représentant 80 % de son dernier salaire. Trente ans après, son pari est largement tenu. Si l’on est un peu créatif, l’actionnariat salarié peut apporter une solution élégante et à la française au problème des retraites. La formule est rodée, de brillants précurseurs ayant montré sur la longue durée sa contribution à la bonne marche de l’entreprise. En mettant les salariés des deux côtés il répond à la question du partage de la valeur entre capital et travail. Au titre du capital qu’ils ont accumulé, il permet aux employés de voter les décisions stratégiques de l’entreprise en participant aux décisions du conseil. C’est la meilleure façon de permettre aux employés de contribuer et de participer à la création de valeur sur le long terme. Les hommes politiques en général ont été jusqu’ici réticents à pousser un système ou l’employé peut perdre, en cas de faillite, son travail et son capital.

La réponse est pourtant simple : monter des fonds diversifiés en calant, au cas par cas, la part investie dans l’entreprise. Cette technique permet d’étendre la formule aux PME non cotées qui emploient les gros bataillons de salariés. Certains candidats à la future élection présidentielle ont compris les bénéfices que le pays peut tirer de cette nouvelle approche, ils la proposent dans leur programme. Voilà une des lueurs d’espoir que perçoivent les entrepreneurs en cette période où, malgré les « Entreprises, je vous aime », la fiscalité en place laisse entendre que « le capital, en pratique, c’est toujours l’ennemi ».

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On ne peut pas créer la confiance si l’on tolère la médiocrité

17 Mai

Voir l’article dans son ensemble sur le site www.equationdelaconfiance.fr par DELOITTE

 

La confiance,

Pour Xavier Fontanet, l’excellence, facteur de joie au travail, est l’un des ingrédients de la confiance.
Un système de confiance permet, selon lui, de transformer les échecs en facteurs de progrès.
Il déplore la défiance qui s’est installée en France, et qui a provoqué un départ massif des capitaux vers l’étranger.

Lorsque vous dirigiez Essilor, la société est passée du statut d’entreprise française à celui de leader mondial de son secteur. Comment expliquer ce succès ? 

Je ne dirais absolument pas que le succès d’Essilor est directement lié à mon action. Les facteurs qui expliquent le miracle essilorien sont multiples. La stratégie s’est inscrite sur la longue durée. Nous avons réussi le passage entre la génération qui a inventé le verre progressif et a su l’implanter partout dans le monde et notre génération qui a su créer un vrai leadership en Europe en Amérique et en Asie. Il y a maintenant une nouvelle génération qui poursuit la tâche. La qualité des produits a été essentielle à cette réussite. Essilor est l’histoire d’une spécificité française que nous avons réussi à universaliser et à rendre indispensable, ce qui est le prérequis de toute réussite. Je ne crois pas à l’image du grand patron qui tire l’ensemble de l’entreprise derrière lui. Cela ne peut fonctionner qu’avec des gens très disciplinés ; or, on ne va jamais loin avec ces gens-là. Le succès demande de l’initiative. Lorsque vous dirigez des personnes intelligentes, il faut les inspirer, se reposer sur elles et leur faire confiance.

Vous avez travaillé sur le sujet de la confiance : vous êtes notamment l’auteur du livre « Si on faisait confiance aux entrepreneurs » paru aux éditions des Belles Lettres. Quelle est l’importance de la confiance dans le monde économique ?

L’entreprise est l’endroit où les gens passent le plus clair de leur temps. Il est donc dramatique que certains salariés ne se réalisent pas au travail. Cela devrait être un lieu de progrès et de développement personnel. Pour y parvenir, la confiance est indispensable.

La confiance en entreprise regroupe trois notions distinctes : la confiance en soi, la confiance envers l’autre, et la confiance dans la stratégie. Pour préserver les trois, il faut parvenir à emmener un groupe humain dans la bonne direction.

Quels sont les leviers pour alimenter cette confiance ?

Elle ne se décrète pas, mais se crée grâce à des actes quotidiens. Insaisissable, la confiance est d’abord un climat, un esprit indispensable au développement et à la réussite d’une société. Réciproquement, la réussite nourrit la confiance, tout cela forme un cercle vertueux. La confiance est un miracle et un mystère que des mots ne suffisent pas à expliquer. Il est facile de la mettre en œuvre sur un temps court, mais beaucoup plus difficile de la maintenir sur la durée.

Dans un système de confiance, les échecs deviennent des facteurs de progrès après analyse

Cependant, il y a un savoir-faire organisationnel et des comportements simples qui peuvent y aider. Dès que des personnes sont mises en position de prendre, chacune à leur niveau, des responsabilités définies avec discernement, elles progressent. Pour que ce mécanisme de progrès fonctionne, il faut bien dessiner l’organisation pour donner le maximum de responsabilités au plus de gens possible.

Il est essentiel de mettre en place un organigramme plat et d’apprendre aux dirigeants à fixer des objectifs justes et intelligemment précisés. L’appréciation de la performance doit également être juste, sinon tout l’édifice s’écroule.
Un bon dirigeant doit faire preuve de pédagogie. Il tient, avant tout, un rôle de professeur et d’inspirateur.

Quelle distinction faites-vous entre travail et métier ?

C’est la différence entre une personne qui coupe des planches et un menuisier. Le travail renvoie à une tâche. La notion de corvée est implicite derrière ce mot qui évoque la répétition et l’absence de toute créativité. Le travail est par ailleurs sécable : les employés sont interchangeables et ne détiennent aucun savoir-faire. C’est pourquoi je préfère parler de métier. Le métier est un travail tendu vers la production d’un produit ou d’un service visant la satisfaction d’un client. Il se compose d’un système cohérent de différentes tâches que l’on peut s’approprier et sans cesse améliorer. Il repose sur l’expérience. Plus on l’exerce, plus on l’enrichit en lui apportant de nouvelles composantes. Un métier donne de la dignité à celui qui le maîtrise. Il permet de s’épanouir, d’autant qu’il est mieux payé qu’un simple travail.

Le statut suivant correspond à celui de champion : la maîtrise du métier permet de devenir champion de sa ville, puis de son pays, et enfin, du monde. Quand on y parvient, une nouvelle dimension s’ouvre. Pas facile cependant, car lorsque l’on passe d’attaquant à cible, le nombre de challengers augmente. Tout le monde vous regarde et veut vous dépasser. Le grand défi est de bien se prémunir contre l’arrogance qui vous guette, la difficulté est de continuer à cultiver un esprit offensif, bref d’être un leader avec un esprit de challenger. Cela nécessite une démarche d’excellence.

La position de champion atteinte, on est en mesure de devenir bienfaiteur.

Quelle est pour vous la valeur de l’échec ? 

Dans un système de confiance, les échecs deviennent des facteurs de progrès après analyse. Celui qui a connu l’échec est d’ailleurs souvent mieux armé que les autres, s’il a fait l’effort d’en comprendre les origines. Plus encore : sans avoir connu un échec, un manager ne peut pas être complet car il risque de ne pas être en position d’apprendre.

Vous avez déclaré que la prise de responsabilité est intrinsèquement liée à la prise de risque. Pourquoi ?

Une prise de responsabilité représente forcément un risque. Sans prise de décision, la réussite n’a aucune valeur. Or, les véritables décisions sont porteuses de risques : elles impliquent qu’il y a un bon et un mauvais choix. Sans prise de risque, il n’y a pas de réelle prise de responsabilité. J’irai plus loin en disant que la personnalité ne se développe que dans la prise de responsabilité, et donc dans l’acceptation du risque.

L’excellence est-elle liée à l’idée de bonheur au travail ?

J’en suis persuadé. Cette notion est pour moi capitale car l’excellence procure de la joie. Elle transforme le métier en « jeu ». L’excellence est un ingrédient de la confiance. Au contraire, la médiocrité représente un danger ; elle est mortelle. Dans un travail collectif, si une partie de l’équipe ne fait pas sa part, l’ensemble est en péril. On ne peut pas créer la confiance si l’on tolère la médiocrité.

Dans son domaine, chaque entreprise doit viser l’excellence mondiale. Quelle que soit votre responsabilité, il faut aller au fond des choses et être top mondial : voilà le secret.

Constatez-vous un déficit de confiance dans l’économie aujourd’hui ?

Bien sûr. L’environnement actuel se caractérise par un système de défiance absolue dans lequel nous nous sommes laissés enfermer. La fiscalité en est la cause en large partie : certains ont attisé la jalousie sous couvert d’égalitarisme. Il est impossible de construire la confiance dans une société focalisée sur ce qui se passe mal.

Ce système de défiance à grande échelle a des conséquences dramatiques. En vingt ans, plus de 20% des masses capitalistiques ont quitté la France. C’est une conséquence qui prend ses racines dans un problème plus large : le capital de l’Etat ne peut pas être injecté dans les entreprises, puisqu’il est consacré à accorder des subventions sans contreparties. Ce système affaiblit l’économie réelle et contribue à installer les gens dans la dépendance.

La fiscalité telle qu’elle est menée ruine l’économie française, et les droits de successions causent la perte de contrôle de nombres d’entreprises. Aujourd’hui, il serait impossible de construire une entreprise comme Essilor.

Un dirigeant doit-il avoir confiance en lui ?

Oui, à condition qu’il s’agisse bien de confiance et non d’arrogance. Il est important de ne pas confondre ces deux notions. Un bon dirigeant doit être convaincu, mais aussi douter. Je parle ici d’un doute constructif. Il doit faire preuve d’un mélange de certitudes, de convictions et de doutes. Les mots ne suffisent pas à exprimer cette notion car tout se traduit dans l’action. La prise de décision permet de trouver l’équilibre entre le doute et la confiance en soi.

Je suis convaincu que le salariat est appelé à disparaître

L’audace, la témérité et le courage entrent en compte dans cet exercice. Attention à ne pas confondre ces termes, qui renvoient à des caractéristiques différentes !

Y’a-t-il un problème de formation en France ?

Ce sujet est majeur. L’école républicaine est fermée sur elle, elle a peur. Elle ne parvient pas à transmettre la confiance. C’est un modèle de défiance, fondé sur la crainte doublé d’une profonde  méconnaissance du monde de l’entreprise. Or ce que l’on ne connait pas suscite de la peur et du rejet. Nous devrions nous inspirer des Pays Bas ou de la Suisse, où l’apprentissage est beaucoup plus important qu’en France.

Pensez-vous que la société française manque de confiance envers les entrepreneurs ?

C’est une évidence. En France, beaucoup pensent que l’entrepreneur vole de l’argent en exploitant les salariés. Partout ailleurs dans le monde, c’est l’inverse : on comprend que l’entreprise est le moteur d’un pays. Mais la situation est en train d’évoluer, notamment grâce à la jeunesse : les jeunes sont de plus en plus entrepreneurs. Il faut qu’ils s’emparent de ces sujets. Tout le travail consiste à leur expliquer les mécanismes économiques qui font fonctionner la société.

Quel est votre regard sur le statut d’auto-entrepreneur ?

C’est une idée formidable. Je suis convaincu que le salariat est appelé à disparaître. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, je serais certainement auto-entrepreneur. Les experts comptables ou les responsables des ressources humaines, par exemple, ont tout intérêt à profiter de ce statut qui leur permet de travailler pour plusieurs entreprises. Un nombre croissant d’entreprises fonctionne en faisant appel à des autoentrepreneurs, ce qui crée des systèmes agiles et efficaces. Bien sûr, il reste des points à affiner, comme la mise en place d’une obligation de diplômes dans certains secteurs à risque, comme l’électricité.

A quels facteurs attribuez-vous cette mutation du marché du travail ?

Internet a fait sauter un grand nombre de verrous, et la demande de travail explose littéralement. Informaticiens, plombiers, juristes : toutes les professions se restructurent sous l’effet des nouvelles technologies. L’Allemagne a tout compris avec la mise en place des temps partiels. Certains ont essayé de minimiser le succès de cette idée en parlent de « mini-jobs », mais c’est une véritable réussite. On parle bien ici de métier, et non de travail. 9 millions de postes ont été créés et 3 millions de personnes cumulent au moins deux emplois. Nous nous dirigeons vers un système combinant CDI à temps variable avec intéressement, temps partiel et auto-entreprenariat.

 

Emission – L’Entreprise BFM avec Philippe Bloch

15 Mai

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Avec Philippe Bloch (fondateur des « Columbus Café »), Arnaud Le Gal (rédacteur en chef aux Echos) – Une rencontre avec les patrons fondateurs des plus belles entreprises de France. – Les conseils des experts : en fiscalité, banque, business, droit… – Les nouvelles idées de business, repérées par la rédaction des Echos. Le dimanche à 8h00 et à 13h00 L’entreprise BFM, l’émission qui donne envie d’Entreprendre sur BFM !

 

Si vous voulez écouter l’émission du 14 mai où j’étais invité, voici  le lien vers le podcast

à bientôt

Trop de loi nuit à l’emploi – chronique aux Échos

14 Mai

Une femme méfiante avait écrit un livre très détaillé où était consigné ce que devait faire son mari au cas où un accident lui arriverait ; après quarante ans, le livre comportait 3.000 pages. Un jour, la femme tomba dans un puits, le cas n’était pas prévu et le mari l’y laissa.

Histoire triste, mais riche d’enseignements ; mieux aurait valu une simple phrase comme celle-ci : « Les époux se doivent bienveillance et assistance dans toutes les circonstances de la vie. » Cette simple phrase est aussi efficace et 100.000 fois plus courte que le cahier de la malheureuse femme. Plus important, cette phrase couvrait le cas de la chute dans le puits !

Vous l’avez compris, notre Code du travail est tombé dans ce travers, car il entre trop dans le détail. C’est une impasse, quand on sait qu’il y a 3 millions d’entreprises et donc autour de 500.000 métiers différents dans une économie développée comme la nôtre. Cette prolifération a une conséquence bien plus grave : ce code (et par voie de conséquence le chômage) est le double fruit d’une incompréhension profonde du fonctionnement de l’entreprise et de la défiance (elle-même fille du colbertisme et du jacobinisme). Partout dans le monde où règne, au contraire, une harmonie sociale, le chômage est bas, voire nul, même quand la croissance est faible comme c’est le cas au Japon. Les Américains viennent de donner à la Suisse une mission de conseil pour les aider à développer l’apprentissage, domaine où ils reconnaissent leur retard. Pourquoi ne ferions-nous pas comme eux et n’ouvririons-nous pas, pour une fois, les fenêtres sur l’extérieur ? Nous demanderions à ce pays, où le chômage n’a pas dépassé 4 % depuis quarante ans, un petit coup de main. Il s’agirait de faire un diagnostic, de nous expliquer comment ils ont réussi à concentrer leur Code du travail en moins de 30 pages (1 % du nôtre) et de nous raconter comment ils fonctionnent entre eux.
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