Archive | février, 2020

Grèves : pour un vrai service minimum – Chronique aux Echos

20 Fév

Les chiffres viennent de tomber : la croissance du dernier trimestre 2019 est négative à -0,1 %, alors que les onze précédents étaient en moyenne à +0,45 %. Les désordres du mois de décembre ont réussi à eux seuls à plomber tout le trimestre. La preuve est dans les chiffres : l’économie a été abîmée, sans compter les dégâts immatériels, moins visibles, faits à notre image. Nous étions jusqu’ici un pays où il fait bon vivre, aujourd’hui la perception de l’étranger est qu’on y fait la grève et que les villes y sont sales. Du chiffre d’affaires perdu demain pour le tourisme et des investissements étrangers qui ont moins de chances de se réaliser ! On a parlé de grève, mais est-ce une grève ? D’après le dictionnaire elle est « une cessation concertée du travail en vue de faire pression sur l’employeur pour obtenir satisfaction à des demandes exprimées et non satisfaites ». Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé : on a assisté à l’utilisation, par un certain nombre d’employés d’entreprises de la sphère publique, du monopole que détenait leur entreprise, dans des domaines clés de l’économie, pour pourrir la vie des citoyens afin de faire pression sur le Parlement et le gouvernement. C’est donc tout sauf une grève ! On doit d’abord acter que ça a coûté très cher à la communauté nationale (au lieu de minimiser les effets, comme l’ont fait un peu rapidement un certain nombre d’économistes) et donner les chiffres pour que les Français sachent ce que cela va leur coûter en impôt et en dette supplémentaire. Ca doit ensuite être qualifié de coup de force et de défi au fonctionnement de notre démocratie. Gouvernement et Parlement ne peuvent pas laisser passer cette instrumentalisation de la SNCF, de la RATP et de certains autres services publics concédés. Quand une entreprise a une position dominante, on contrôle sa politique de prix pour protéger les clients ! Une bonne raison après ce qui s’est passé de repréciser le droit de grève partout où il y a monopole. Un service minimum est (a minima !) la solution à mettre en place.

 

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5G : l’Europe a une carte à jouer – chronique aux Echos

20 Fév

Il est curieux qu’il y ait si peu de papiers pour expliquer que Nokia et Ericsson ont l’opportunité de prendre un leadership mondial dans la 5G. Quand on regarde les chiffres, ils sont pourtant bien placés : d’après « The Economist », au troisième trimestre 2019, ils possédaient 34 % de parts de marché mondial en installation, devant Huawei à 30 % et Samsung à 23 %.Le conflit entre Huawei et Trump leur ouvre les portes du marché américain. Il y a des adaptations techniques à réussir, voire un industriel américain à acheter, mais ce n’est pas le bout du monde pour des entreprises de cette taille, habituées aux problématiques des marchés mondiaux.

En toute objectivité, l’Amérique devrait être favorable à la constitution d’une couche de savoir-faire indépendante (fût-elle européenne) dans la longue chaîne qui mène des Gafa aux consommateurs finaux. L’Amérique ne représentant que 25 % du PIB mondial et l’Asie croissant plus vite, ce taux baissera forcément. Elle devrait comprendre qu’une Europe solide technologiquement et économiquement est un facteur d’équilibre qui n’est pas à leur désavantage. William Barr, ministre américain de la Justice, vient d’ailleurs de passer des messages allant dans ce sens, même s’il verrait bien du capital américain dans Nokia ou Ericsson. Concernant la Chine, les Chinois sont capables de comprendre le discours suivant : « Les bonnes affaires sont équilibrées, d’accord pour laisser prendre une part du marché européen à Huawei à condition que Nokia et Ericsson aient la même en Chine. » Les champions mondiaux européens sont souvent partis de positions inférieures à celle qu’ont Nokia et Ericsson aujourd’hui. Une petite incidente : Huawei a certes fait un parcours exceptionnel, mais l’affaire n’est pas cotée et distribue un fort dividende à ses actionnaires qui sont tous ses salariés. C’est donc un concurrent qui a lui aussi ses contraintes. Nous avons donc là un beau terrain de jeu qui va permettre de voir si les pays européens sont capables d’investir collectivement pour s’affirmer sur un sujet majeur.

 

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Réserve héréditaire : peut-on encore aider ses proches ?

13 Fév

 

Doit-on laisser les détenteurs de la richesse choisir la forme de leur engagement philanthropique ou celui-ci doit-il être encadré voire même guidé par l’État ?

Un rapport parlementaire en gestation va préconiser un changement de la réserve héréditaire. Des « voix autorisées » laissent entendre que l’une des raisons de cette initiative trouve sa cause dans la baisse des donations enregistrées en 2019 (-1,8 %) suite à l’arrêt de l’ISF.

Le sujet en fait est central et ne peut être traité en catimini. Il touche à la fois à la conception que nous avons de la propriété, à l’idée qu’on se fait de la famille, à l’harmonie des relations entre les générations et plus fondamentalement à la conception même de la fraternité.

Doit-on laisser les détenteurs de la richesse choisir la forme de leur engagement philanthropique ou celui-ci doit-il être encadré voire même guidé par l’État ?

Pourquoi instaurer un vrai débat ?

Avant d’inscrire les propositions à l’ordre du jour du parlement (qui n’en manque
pas ! ), il serait souhaitable que s’instaure un vrai débat de fond, d’autant qu’il y a bien d’autres variables à mettre dans la balance.

La première est l’allongement de la durée de vie qui modifie les rapports entre la vie active et ce que l’on nomme improprement la « retraite ».
Les chiffres sont connus, ce n’est pas la peine d’y revenir.

Le travail dans la sphère bénévole

Le point sur lequel on insistera c’est l’émergence d’une population de retraités actifs dont le nombre et le poids économique est plus important qu’on le croit. Le secteur du bénévolat, fondamentalement animé par cette population, représente environ 17 millions de personnes aujourd’hui avec des activités dans de nombreux domaines : éducatif, social, sportif et artistique pour ne citer que les principaux.

Cette activité connaît une croissance régulière et de ce fait des besoins de financement de plus en plus importants.

Il faut rappeler que la sphère sociale de l’État a débuté en complétant progressivement des tâches d’intérêt général initiées par les congrégations religieuses, certaines entreprises et une multitude de personnes aisées.

Le travail de la sphère bénévole tangente donc une grande partie du travail de la sphère publique non régalienne et pourrait s’y substituer. En une période où on cherche partout les économies dans la sphère publique une coordination entre le travail des associations bénévoles et l’État tombe sous le sens.

Qui a le plus besoin d’argent ?

Il est une deuxième conséquence de l’allongement de la durée de vie : les héritiers sont aujourd’hui des retraités qui ont moins besoin d’argent que leurs enfants voire leur petits-enfants.

Curieusement, cette idée est peu répandue.

Il est possible que certains groupes voyant dans la famille une source d’inégalité n’apprécient pas l’idée que certains jeunes puissent être avantagés du fait de l’aisance de leurs grands- parents et arrière-grands-parents. Ils verraient mieux des systèmes où l’héritage est taxé afin que l’État assure lui-même la redistribution… mais là, soyons clairs, le communisme avancerait masqué sous les traits d’une prétendue équité car nous aurions là une spoliation caractérisée.

Voilà pourquoi des débats de fond s’imposent !

Le pragmatisme avant tout

Pour en revenir au point de départ, sachant « qu’on ne touche à la loi que d’une main tremblante », avant de se lancer dans une modification de la réserve héréditaire on pourrait suggérer de faire preuve de pragmatisme : d’abord en augmentant très largement les montants déductibles de l’IFI et des revenus en cas de donation.

Ensuite, les donations de son vivant à ses petits-enfants voire même à ses arrière-petits-enfants pourraient être favorisées fiscalement.

Il y a fort à parier que si l’affaire est bien menée les ministères auront énormément d’opportunités de trouver de substantielles économies.

Cerise sur le gâteau : de nombreuses difficultés dans le financement du logement ou de jeunes entreprises trouveraient une solution rapide et, osons le mot, naturelle !

 

(Article paru dans Contrepoints)

 

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Ce que cache le débat sur la privatisation d’ADP – Chronique aux Echos

7 Fév

 

Les discussions sur la retraite étouffent en ce moment d’autres débats de fond. Il en est un qui pose un problème stratégique intéressant, c’est le référendum d’initiative populaire sur la privatisation des Aéroports de Paris. On est en train de dépasser le million de signatures. Très loin des 4,7 requis pour qu’il ait lieu, mais qui sait ?

De façon surprenante (on reconnaît là le goût de nos concitoyens pour les débats conceptuels), le débat porte jusqu’ici presque exclusivement sur des questions de principe : « Faut-il garder cet actif car il est stratégique ou peut-on le vendre sur le marché ? » Sur le plan économique, on fustige en cas de privatisation le fait que l’Etat se prive de dividendes (savoureux quand on lit les discours scandalisés sur ceux du CAC 40), on évoque rarement les liquidités que l’opération pourrait ramener à notre Etat surendetté.

Un leader mondial français

Pour nos voisins européens, les choses sont déjà tranchées, ils ont choisi de privatiser. Il est pratiquement impossible de trouver un article où on explique qu’il y a une opportunité phénoménale de créer un leader mondial français sur ce très grand métier de gestion d’aéroports compte tenu de la force que vient de prendre Vinci en reprenant la gestion de Gatwick ! Vinci ADP, fondus en une société, sera un leader très net, et ce sur une base mondiale !

Et dire que la France a été un des tout premiers pays à imaginer de concéder des services publics. C’était en 1853, il y a cent cinquante ans, sous Napoléon III, il s’agissait de la distribution de l’eau. Cette avance conceptuelle a permis à notre pays d’abriter aujourd’hui les leaders mondiaux de son traitement et des métiers associés ; des sociétés prospères en forte croissance positionnées sur des métiers à de gigantesques potentiels. Nos ancêtres avaient de la vision. Cent cinquante ans après, dans les débats sur la privatisation, posons-nous la question : la décision de nos anciens, on la regrette ou pas ?

 

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La Suisse… si loin, si proche

4 Fév

Les discussions sur les retraites empêchent de tirer la conséquence des débats qui ont suivi l’épisode des « gilets jaunes » et c’est dommage. Quand on lit les rapports, le mot qui revient

le plus est celui de « proximité ». Tous ceux qui ont voyagé peuvent attester que le pays occidental qui a réussi le mieux à combiner mondialisation heureuse avec ancrage local des citoyens, c’est la Suisse.

La raison de cette harmonie est la structure de son Etat décentralisé en trois étages : fédéral, cantonal et communal. Chaque niveau dispose de ses recettes, assume ses coûts et, subsidiarité oblige, n’abandonne à l’échelon supérieur que les compétences qu’il ne parvient à exercer lui-même. Le coeur du système ce sont les 26 cantons qui se livrent une saine concurrence pour attirer les entreprises, le tout cadré par l’obligation de garder un bilan équilibré (il n’y a pas d’Etat providence pour combler les trous !). Les budgets sont votés chaque année par les citoyens eux-mêmes. Les élus gardent leur job et sont payés pour le temps passé (en général une semaine par mois) ; il n’y a donc pas de politicien de métier, et les Assemblées sont un fidèle reflet de la société.

L’autre domaine d’excellence c’est l’éducation, les deux tiers des enfants passent par la filière professionnelle (apprentissage dit « dual »), qui jouit d’un statut égal à celui de la voie générale. Ce sont des assurances privées qui assurent la retraite et la couverture santé. Le PIB par tête en Suisse est le double du nôtre alors qu’il était le même à la mort du regretté Pompidou et le chômage est à… 2,7 %.

Tout ceci est divinement expliqué dans un petit livre dont la lecture est accessible à tous, « Le Modèle suisse », écrit par François Garçon, qui a gardé les deux nationalités. On ne saurait trop, en ces temps troublés, recommander aux députés, aux sénateurs et au gouvernement de décortiquer et méditer cette petite merveille qui donne toutes les pistes permettant à chacun de nous de rester bien ancré dans son territoire tout en vivant pleinement la mondialisation.

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Les entreprises françaises au firmament

3 Fév

On connaît aujourd’hui la performance financière du CAC 40 en 2019, elle est encore très bonne. Dividendes records, lit-on, c’est vrai, mais l’essentiel est la croissance du CAC sur la longue durée. Prenons du recul et jetons un regard sur les quinze dernières années : dividendes, investissements et capitalisation ont été multipliés environ par trois. Au passage, les dividendes de 60 milliards sont effectivement les plus élevés jamais enregistrés, mais ils ne sont pas excessifs si on les ramène à la capitalisation de 1.800 milliards, c’est environ 3 %. Ce qui est remarquable et rassurant, c’est la croissance annuelle de la valeur des entreprises sur la période (entre 6 et 7 %), bien plus rapide que celle de l’économie française. A l’évidence, nos entreprises se débrouillent très bien dans le grand bain de la mondialisation, une preuve de plus que les Français peuvent en bénéficier.

Les vertus de la capitalisation

Il y a un deuxième message peut-être tout aussi important en cette période où tout le monde discute de retraite et de répartition : on a tous en mémoire la chute de 2008, un des arguments avancés contre la capitalisation ! Eh bien la chute a été très largement récupérée ; comme quoi se reposer sur des actions pour financer une retraite lorsqu’on n’appelle chaque année qu’une petite partie de l’épargne investie, n’est pas si risqué que ça. Ajoutons que le CAC 40, à force de croître plus vite que l’économie française, est aujourd’hui diversifié géographiquement, diversification que n’offre pas le système de la répartition ou tous ses oeufs sont mis dans un seul pays.

C’est ce qu’ont bien compris tous nos voisins. Au lieu de miser sur la seule répartition, et fustiger par principe les marchés financiers qui croissent plus vite que l’économie, ils ont fait preuve de réalisme. Ils ont décidé de profiter de cette dynamique et appuient désormais leur retraite sur un deuxième pilier, la capitalisation.

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