Archive | mars, 2021

Dette covid : 8 conseils pour la rembourser

31 Mar

Un article paru dans CONTREPOINTS

Rembourser la dette ne se fera pas y en affectant une recette et en impliquant une seule population, fut-elle celle des entreprises : c’est l’affaire de tous !

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a suggéré récemment que les impôts sur  les bénéfices des entreprises soient utilisés pour rembourser la dette covid du pays :

« Les entreprises vont rendre ce qu’elles ont réussi à obtenir grâce à la protection de l’État[…] c’est une solution juste et efficace qui mérite en tout cas d’être étudiée. »

J’avoue que le propos m’a laissé pantois mais que je l’ai mis sur le compte de la fatigue.

En revanche, le ministre a été impeccable en réaffirmant fermement qu’une dette devait être remboursée.

Les paragraphes qui suivent visent à indiquer autant de pistes et réflexions fondées uniquement sur le bon sens et l’observation. Oublions pour un temps les discours des économistes en rappelant que Friedrich Hayek regrettait l’idée même d’un prix Nobel d’économie car selon lui cette science n’était pas assez établie pour en faire l’objet. Il craignait que ce prix donne trop de poids à ses récipiendaires.

1) L’exemple de l’Argentine

Le premier conseil que je donnerai est de communiquer sur ce qu’a été en 2004 la crise en Argentine, en citant les témoignages de ceux qui ont effectivement vécu dans leur chair cette effroyable période. Ceux qui ont travaillé dans des multinationales ont pu voir les choses de près à travers les filiales argentines.

Une fois la défiance sur la dette installée, il faut financer la perte de l’année et on ne peut pas en émettre de nouvelle pour assurer les remboursements. Le manque de cash est donc le double des calculs habituels.

Ce sont les fonctionnaires qui souffrent le plus. Ils pensent être protégés par leur statut, mais dans le cas d’une telle catastrophe cela ne tient absolument plus. Les baisses de salaires de la fonction publique sont allées jusqu’à 50 %. Les seuls qui ne subissent pas de pertes de revenus sont les militaires et les policiers.

Les dégâts sont épouvantables dans les hôpitaux à cause de la pénurie de médicaments.

Les retraités meurent au fond des campagnes car ils ne perçoivent plus leurs pensions.

Le secteur privé se débrouille tant bien que mal en ayant recours au troc.

Il serait très utile que chaque Français, et en particulier chaque fonctionnaire ait ces faits à l’esprit pour bien comprendre qu’il ne faut pas laisser la situation déraper. Tout le monde est concerné, absolument tout le monde.

2) Abandonner l’idée de l’impôt sur la fortune

Que les riches payent ! Un certain nombre de militants parés du titre d’économiste instrumentalisent la crise pour pousser leurs pions.

L’ISF sur les parts de sociétés ce sont trois milliards d’euros, et il faut 300 milliards. Le compte n’y est pas…. Les dégâts de l’ISF ont été mal mesurés parce que c’est un poison lent qui se diffuse dans l’économie. Force est cependant de constater que lorsqu’il a été supprimé par le Président Macron, l’exil fiscal a cessé, ce qui a expliqué une partie de la reprise économique avant la crise. Le bon sens commande de ne pas rouvrir ce dossier.

3) Le remboursement de la dette

Il ne peut être que l’effet d’un excédent budgétaire global issu de la conjugaison du retour de la croissance et de la diminution des dépenses publiques. Le retour de la croissance ne sera pas suffisant puisque même durant les bonnes années le budget était largement en déficit. Les deux sont indispensables.

4) Le dérapage des dépenses publiques

La première dérive est celle des dépenses sociales. Les Français partent beaucoup trop tôt à la retraite (séquelles de la décision de Mitterrand en 1983). Il faut faire comme nos voisins européens et partir au plus tôt à 67 ans.

La deuxième dérive est celle autour de l’emploi et de la préférence affichée à l’époque de Jospin pour un chômage bien rémunéré. À la même époque, les Allemands disaient : « il vaut mieux un job pas tout à fait satisfaisant que l’horreur du chômage même bien payé à la maison ». Trop nombreux sont ceux qui n’ont pas intérêt à travailler car ils perdent le bénéfice de leurs aides en cas de retour à l’emploi.

Le dernier gisement d’économies est évidemment la décentralisation qui a débouché sur la création d’un millefeuilles régional très coûteux. Un bon coup de balai est nécessaire en s’inspirant de ce qu’ont fait les pays voisins dont la décentralisation est beaucoup plus efficace.

5) Vendre des actifs

C’est une solution à envisager. L’État français en est propriétaire pour 1100 milliards. C’est largement plus que les 300 milliards de la dette. On nous expliquera qu’il est très difficile de vendre les actifs de l’État… Sans aller jusqu’à la vente de la Joconde, il est tout de même possible de taper dans cette cagnotte de 1100 milliards.

6) Revoir la fiscalité sur les donations

C’est le levier le plus puissant pour mettre des liquidités dans l’économie en direction des jeunes, ce qui a été fait récemment en Suède. Avec l’allongement de la durée de vie ce sont les retraités qui héritent aujourd’hui. Il faut donc absolument permettre les donations de son vivant au profit des enfants, petits-enfants, voire arrières petits-enfants. Par exemple la nue-propriété de son logement permettrait d’appuyer de petits prêts suffisants pour passer la dure période actuelle.

Dans les pays très égalitaires comme la France, la réponse sera que cela ne profite qu’aux riches… encore une idée contre laquelle lutter. Car si une partie de la population parvient à régler elle-même ses problèmes, l’effort de l’État sera moindre et il pourra se consacrer à ceux qui sont vraiment démunis.

7) Favoriser fiscalement les donations aux fondations

Elles sont des parties prenantes très importantes de l’économie. La France compte 17 millions de bénévoles, 4000 fondations pour 24 milliards d’euros d’activité. Les Français sont très généreux et la force de frappe des fondations est très importante. Elles peuvent s’approprier des activités relevant aujourd’hui de la sphère publique : social, éducatif, culturel, artistique et sportif et lui permettre ainsi de s’alléger d’autant.

8) Proposer l’actionnariat salarié

C’est une façon très élégante de résoudre le problème de la retraite en y introduisant la capitalisation, ce que nous nous sommes interdits alors que la bourse a été multipliée par 15 depuis la décision de Mitterrand. La haute fonction publique dispose de la Préfon, il faut l’étendre et placer l’argent… pourquoi pas dans le CAC40.

Conclusion

Rembourser la dette ne se fera pas en y affectant une seule recette et en impliquant une seule population, fut-elle celle des entreprises. Il faut un panel de mesures coordonnées dans un plan d’ensemble.

C’est l’affaire de tous, y compris et peut-être en premier ressort de la fonction publique et des décideurs de la sphère sociale.

Cours de stratégie sur BFM Business

10 Mar

BFM Stratégie (Cours n°131): Stratégies en cas de ruptures

Dans le cours n°131, le thème « Stratégies en cas de ruptures » est décrypté par Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor dans l’émission BFM Stratégie présentée par Frédéric Simottel sur BFM Business.

Pour écouter cette émission, voici le lien vers le site de BFM Business

Entreprises à mission, concurrence et intérêt général – Les Echos

4 Mar

C’est bien de se poser des questions, c’est comme cela que le monde avance. Des questions sur l’économie de marché et sa capacité à contribuer à l’intérêt général. Rares sont ceux qui contestaient, il y a dix ans, qu’elle avait rendu un grand service à l’humanité en faisant sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Sentiment renforcé, au moment de la chute du mur de Berlin, qui marquait la fin de l’expérience désastreuse de l’économie administrée. Les choses ont changé, au vu des difficultés des classes moyennes dans les pays développés, avec la prise de conscience que l’on tire trop sur les ressources naturelles ; d’où les discussions autour des concepts de raison d’être et d’entreprise à mission.

Chaque erreur permettant de progresser vers la vérité, il n’est pas inutile de revenir à l’acte qui fonde l’économie de marché : la vente. Quand les clients sont satisfaits et confiants, l’entreprise trouve naturellement sa raison d’être : rendre un service concret, à un client bien identifié, dans un domaine précis. Pourquoi, grands dieux, aller chercher plus loin ?

Certes, il revient aux autorités de veiller à ce que les cas de monopole et monopsone (un acheteur puissant épuise ses fournisseurs à coups de baisses de prix) ne perdurent pas. Avec la mondialisation, la concurrence est devenue la règle ! Concurrence – le mot est lâché – qui a mauvaise cote. Elle a pourtant un rôle de contrôleur : quand les profits sont trop élevés, ils l’attirent et elle fait baisser les prix. Elle est aussi générosité active en forçant le partage des gains de productivité entre actionnaires et clients. Exigeante, elle contraint chacun à l’amélioration et au qui-vive. Facteur d’égalité enfin, elle remet en cause les situations établies. La concurrence est l’expression de la liberté dans la sphère économique ; la fidélité, le signe que le bien commun a été atteint.

Comportement responsable

Mais si nous tenons à notre faculté de changer de fournisseur quand nous sommes acheteurs, il faut accepter d’être flexibles quand, dans notre activité professionnelle, on est soi-même en position de producteur. Beaucoup ne jurent que par les produits « low cost » d’Asie sans comprendre qu’ils vident des usines et forcent des voisins à changer d’activité. Les classes moyennes souffrent moins de la mondialisation ou de l’économie de marché que de n’avoir pas su mesurer les conséquences des actes posés.

Lutter farouchement contre la pollution… Evidemment ! Bâtir une stratégie d’économies des ressources non renouvelables… Ca ne se discute pas ! Mais se lancer dans l’aventure de l’entreprise à mission va-t-il vraiment améliorer l’économie ? N’est-il pas plus efficace de s’assurer que la concurrence reste saine et que chacun de nous veille à se comporter de façon responsable quand il est acheteur, et se soucie de ses clients quand il est fournisseur. L’économie de marché n’est après tout pas si mal faite, c’est sans doute pour cela qu’elle dure depuis si longtemps.

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