Archive | juin, 2014

Un test régional pour les réformes – Chronique aux Echos

19 Juin

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Pour tester la régionalisation et réduire la dette du pays, le gouvernement devrait s’inspirer de la méthode du LMBO (« leveraged management buy-out », rachat d’une entreprise par ses salariés). Une région, (disons 3 départements, soit 3 % du pays), décidée à bouger les lignes (on y travaille 42 heures par semaine, on y prend sa retraite à 67 ans, on y traque toutes les petites tricheries, on y réduit la bureaucratie), reprendrait sous sa responsabilité le social et une partie de la sphère publique (justice, police, éducation, équipement), ainsi que sa part de la dette.

L’idée sera de faire un test de réforme profonde au niveau régional. Si elle a un PIB de 60 milliards, elle reprendra pour 60 milliards de prêts (la dette publique étant à 100 % du PIB).

Elle versera à l’Etat des royalties de 3 % pour payer sa part de défense, gouvernement et affaires étrangères – il s’agirait bien d’un test, et pas d’une sécession. On appliquera une politique à la Schröder pour le social et s’inspirera pour le régalien de la gestion des cantons suisses. Le poids de la sphère publique passera de 57 % (notre taux actuel et ce qu’il était en Allemagne en 2003) à 44 % (le taux outre-Rhin aujourd’hui). L’économie sera ainsi de 13 % du PIB, 3 % seront envoyés à l’Etat central, resteront 10 %, soit 6 milliards, pour rembourser la dette.

Tout le monde sait que la situation actuelle, résultat de quarante années de surinvestissement dans la sphère publique, n’est plus tenable. Réduire un investissement à rendement négatif est rentable, ce qu’ont montré de nombreux pays. Les entreprises refleuriront comme elles l’ont fait partout où l’on s’est réformé.

La centralisation empêche l’expérimentation sur le terrain alors que celle-ci est toujours source de progrès. Pour que ça marche, il faut trouver une région qui remette les valeurs du travail au centre de son action avec des gens prêts à l’assumer, dans le privé et le public, du haut en bas de l’échelle sociale. S’il s’en trouve une, sommes-nous prêts à lui faire confiance pour y lancer un test ?

Nouvelle tribune dans OUEST FRANCE

18 Juin

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Territoires : le bon exemple suisse
Par Xavier Fontanet

Le gouvernement a annoncé une réforme territoriale, très bien !
Suggérons-lui d’étudier les pays qui ont la meilleure organisation régionale. Pour tous ceux qui ont
voyagé, la Suisse sort du lot. Ce pays marche comme une horloge.
Son Produit intérieur brut par tête, qui était le nôtre il y a quarante ans, est aujourd’hui le double. Son taux de chômage ne dépasse pas 3 %, sa dette plafonne à 30 % du PIB. Il abrite trois des cinq plus grandes entreprises européennes, son commerce extérieur est florissant et ses comptes publics équilibrés.

Les Suisses vous diront que leur force est dans leur organisation en cantons. Ils sont donc globaux et
locaux ! La constitution suisse définit précisément la répartition des fonctions entre le fédéral (l’État central), qui se voit confier la défense, les Affaires étrangères et la monnaie, et les vingt-six cantons (d’une taille moyenne équivalente à celle d’un demi-département français) qui gèrent localement justice, police, équipement et…
Éducation. Résultat : les doublons sont impossibles par construction et les deux tiers de la dépense publique
sont gérés au niveau local. Les performances de cette sphère publique décentralisée sont très brillantes (délinquance au tiers de la nôtre), mais c’est surtout le système éducatif qui surprend. Dans les deux
classements mondiaux (Pisa pour le secondaire et Shanghai pour le supérieur) la Suisse se trouve dans les cinq premiers, à côté des Asiatiques et des Anglo-saxons. La France, elle, hormis pour la gestion où elle est bien placée, est dans les quinzièmes sur les deux classements.
Les Suisses montrent qu’une université ou un collège de classe mondiale peuvent être dirigés au niveau local. Là ou les choses deviennent encore plus intéressantes, c’est quand on se penche sur les coûts. Les Helvètes adorent les
chiffres et les comparaisons : chez eux, la sphère régalienne, c’est-à-dire l’État, hors tout ce qui touche au domaine social (santé, retraite, travail, famille), représente à peine 20 % du PIB, alors que le même chiffre, chez nous, est de 26 %. Leur système décentralisé est à la fois moins cher et plus performant.

Il y a donc une vraie valeur à régionaliser si on y va à fond.
De l’exemple des Suisses, il faut encore retenir deux dimensions auxquelles ils sont très attachés et qui ne sont pas neutres. D’abord la votation : chaque budget cantonal et municipal peut être contesté par un référendum populaire local, les élus doivent être attentifs à une bonne tenue des comptes. Ensuite, les cantons suisses se livrent une dure concurrence pour attirer les entreprises. L’an dernier, on ne parlait que du déménagement de Bartarelli, un des hommes d’affaires suisses les plus brillants. Ce dernier avait forcé la ville qui le perdait à baisser ses dépenses et permis à celle qui l’accueillait de baisser ses impôts ! La concurrence, quand on ne repose que sur soi, est rude et
demande de la flexibilité !

C’est une très belle perspective de jouer la décentralisation, mais il faut deux conditions : l’État doit faire confiance aux citoyens et à leurs représentants régionaux pour leur abandonner du pouvoir, notamment dans l’éducation, la justice et la police. Mais les citoyens doivent aussi être prêts à se prendre en main et vivre dans un monde beaucoup
plus concurrentiel.

 

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Si Jaurès revenait…

12 Juin

 

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Jean Jaurès avait compris l’essence de l’entrepreneur. Un de ses articles, daté du 28 mai 1890, devrait être distribué et médité. « Lorsque les ouvriers accusent les patrons d’être des jouisseurs qui veulent gagner beaucoup d’argent pour s’amuser, ils ne comprennent pas bien l’âme patronale. Sans doute il y a des patrons qui s’amusent, mais ce qu’ils veulent avant tout, quand ils sont vraiment des patrons, c’est gagner la bataille. Il y en a beaucoup qui, en grossissant leur fortune, ne se donneront pas une jouissance de plus. Ils sont heureux quand ils font un bel inventaire de se dire que leur peine ardente n’est pas perdue […] Dirige celui qui risque ce que les dirigés ne veulent pas risquer. Est chef celui qui procure la sécurité aux autres en prenant pour soi tous les dangers. Non, en vérité le patronat, tel que la société actuelle le fait, n’est pas une situation enviable, et ce n’est pas avec des sentiments de colère et de convoitise que les hommes devraient se regarder les uns les autres, mais avec une sorte de pitié réciproque qui serait peut être le prélude de la justice ! »

Notre président a récemment érigé Jaurès en modèle, c’est très bien. Ecoutons donc les messages de tolérance qu’il nous donne. Jaurès nous incite à la bienveillance réciproque et à reconnaître le courage des dirigeants d’entreprise.

Les Français doivent comprendre que chacun a son rôle et que le patron rend service à la société, même quand sa richesse est importante, car il la met à risque. Reconnaissons humblement que nous faisons fausse route en restant le pays au monde qui matraque le plus (et de très loin) le capital. A minima, baissons les taux de l’impôt sur les sociétés et retirons de l’ISF, cette spécificité française, tout ce qui est durablement investi à risque. Jaurès, s’il revenait, n’hésiterait pas.

 

Retrouvez l’article dans son contexte

 

La crise n’est pas mondiale !

5 Juin

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Il y a sept ans, le rapport Pébereau recommandait de faire baisser la dépense publique (Etat et sphère sociale) et de rembourser notre dette. Cette dernière représentait alors 60 % du PIB et les dépenses publiques 52 %. Malheureusement, le rapport n’a pas été suivi. Depuis, la sphère publique est montée à 57 % et la dette à 95 %.

La sphère privée – les entreprises – a subi 100 milliards d’euros de charges supplémentaires. Malgré ce matraquage fiscal, les déficits ont continué et la dette a grossi de 700 milliards d’euros. On scrute mois après mois les chiffres de l’activité, ils sont plats. Le PIB marchand (43 % du PIB) a décru de 906 à 874 milliards entre 2007 et 2012. Bilan : 700 milliards de dépenses supplémentaires à gauche comme à droite ont produit une baisse du PIB de 32 milliards d’euros !

Le jour où les hommes politiques des deux camps arrêteront de se rejeter les responsabilités, nos concitoyens pourront commencer à comprendre la vérité : la crise, ce n’est pas l’économie mondiale, ce sont nos politiques de surinvestissement dans la sphère publique qui la provoquent. Comment voulez-vous qu’une monture avance quand le cavalier est 30 % plus lourd qu’elle ? Les 50 milliards d’euros d’économies annoncés vont dans la bonne direction, mais ce n’est qu’un tout petit bout du chemin !

Le scrutin du 25 mai a révélé… l’Italie. Elle devient une des stars de l’Europe grâce au remède que lui impose son nouveau leader. Il y va fort et démontre que, en bougeant les lignes, on peut rendre le moral au pays et l’avoir derrière soi. L’Italie et son Nord industriel vont prendre notre place auprès de l’Allemagne.

 

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La mauvaise nouvelle, c’est que la France est en deuxième division, notre immobilisme, notre absence de consensus et le dogmatisme de nos gouvernants nous ayant isolés. La bonne nouvelle, c’est que tous les pays ont fait le pari de la réforme. L’Europe finira par nous persuader de nous y mettre maintenant.