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Plongez dans le monde fascinant de la diplomatie

26 Mai

Les livres de Maurice Gourdault-Montagne et Xavier Driencourt offrent une extraordinaire plongée dans le monde des diplomates, et rendent compte de l’importance du ministère des Affaires étrangères.

C’est sûrement un hasard, mais le résultat n’est pas neutre : deux grands ambassadeurs, et non des moindres, ont publié coup sur coup deux livres passionnants sur leur métier. Il s’agit de Maurice Gourdault-Montagne et de Xavier Driencourt. Le premier raconte son expérience de diplomate sur le terrain, mais aussi au Quai d’Orsay, auprès des présidents de la République et dans les cabinets ministériels ; le second s’attache plus explicitement à raconter son expérience en Algérie, sur la longue durée, y ayant été ambassadeur à deux reprises.

Ces deux livres sont une extraordinaire description du métier pas assez connu de diplomate et du rôle crucial du ministère des Affaires étrangères.

Rappelons que notre État s’appuie sur quatre fonctions régaliennes : l’armée (50 milliards d’euros de budget annuel), la police (20 milliards), la justice (10 milliards) et les Affaires étrangères (7,5 milliards).

Le ministère des Affaires étrangères est le plus petit des ministères régaliens en termes budgétaires ; son coût représente environ 250 euros par ménage, dépense infiniment utile quand on mesure l’importance stratégique du positionnement de notre pays dans le concert (pas toujours harmonieux) des nations, surtout en cette période de bouleversements géopolitiques.

Maurice Gourdault-Montagne a été attaché pendant une longue période à la présidence de la République. Le partage de cette expérience unique permet au lecteur de mieux comprendre l’interaction entre le président de la République, élu par les Français, et cette administration qui dépend de lui, mais dispose d’une légitimité naturelle du fait de son savoir-faire, de la qualité de ses membres et de son implantation mondiale.

Maurice Gourdault-Montagne a vu à l’œuvre cinq présidents d’âges très différents, certains férus de géopolitique, d’autres découvrant l’international avec leur accession à l’Élysée. Directeur adjoint de cabinet d’Alain Juppé quand celui-ci était ministre des Affaires étrangères, il a connu la complexité des périodes de cohabitation où assurer la continuité de l’État en période de fortes tensions politiques entre président et Premier ministre n’était pas une mince affaire.

Le Quai d’Orsay a toujours été là pour gérer les crises et appliquer les politiques tout en assurant une continuité du cap dans ces matières où on ne peut changer tous les cinq ans. Beaux sujets de réflexion pour le lecteur sur la relation entre la Nation, l’État et le monde politique.

Quant à Xavier Driencourt, il a été ambassadeur en Algérie à deux reprises. Il connaît merveilleusement bien le pays. Son livre permet de comprendre ce qu’est le travail de terrain d’un ambassadeur et de ses équipes. Il permet d’appréhender la difficulté du travail quotidien en période de crise quand la relation est sensible, comme dans le cas franco-algérien. Il faut à la fois une bonne connexion avec le Quai d’Orsay, avec le gouvernement, mais aussi avec les autorités du pays. Il faut avoir de bonnes connaissances théoriques tout en étant un homme de terrain, s’imprégner de l’histoire et de la géographie du pays, mais aussi avoir le contact avec la population… Il faut avoir accès aux personnes qui comptent pour être capable de gérer des situations de crise qui arrivent forcément. Au total, disposer d’une vaste palette de talents est indispensable.

Ces deux ouvrages devraient être étudiés en classe pour permettre aux jeunes Français de mieux connaître les fonctions régaliennes. Ce serait aussi une façon très efficace d’ouvrir les yeux de nos compatriotes sur l’extérieur, et de leur faire comprendre que la prospérité de notre pays dépendra de la façon dont nous saurons nous positionner vis-à-vis des autres. Ces deux ouvrages pourront aussi générer des vocations pour ce magnifique métier.

À lire et à faire lire… absolument.

Maurice Gourdault-Montagne, Les autres ne pensent pas comme nous, 13 octobre 2022, 396 pages

Xavier Driencourt, L’énigme algérienne: Chroniques d’une ambassade à Alger, 16 mars 2022, 251 pages

Les enfants : de véritables petits entrepreneurs !

22 Mai

Une tribune de Xavier Fontanet et Lisa Kamen-Hirsig


« La retraite, on s’en fout, on veut pas bosser du tout ».


A chaque réforme défilent des cortèges de manifestants émaillés de ces messages peints à
gros traits sur des banderoles et scandés par des bandes d’étudiants.


Nous sommes nombreux à nous étonner de leur inculture économique : même pris de
passion pour la « lutte contre les inégalités » et son corollaire, le culte de la redistribution,
comment peuvent-ils ne pas comprendre que sans travail, il n’y pas d’argent à partager ?
Sans valeur ajoutée, pas de RSA, de revenu universel, d’allocations machinchouette et de
chèque bidulechose ?


Convaincus que le monde est coupé en deux, riches d’un côté, pauvres de l’autre, que les
premiers disposent de ressources infinies qu’ils se sont accaparées sur le dos des seconds

et qu’une bonne révolution permettra de remédier ces terribles injustices, ils se prennent
pour des Robin des bois, souvent encouragés par des parents ravis que leurs rejetons
reprennent la flamme romantico-socialiste.


Les jeunes enfants sont pourtant le plus souvent dotés d’un vrai bon sens économique et
d’un esprit quasi entrepreneurial. Tout d’abord ils comprennent instinctivement la nécessité
d’une mise de fond au démarrage d’une entreprise et le fait que la croissance dépend d’un
résultat qui permet d’investir, comme chaque ménage doit mettre de l’argent de côté, c’est-à-
dire dépenser moins que ce qu’il gagne, pour acquérir sa maison. Ils appréhendent
facilement les notions d’endettement, d’intérêt et de remboursement. Quand on leur parle de
retraite, (les auteurs de ces lignes peuvent en témoigner) ils saisissent spontanément la
nécessité d’épargner, de placer et de capitaliser: ils n’envisageant pas une seconde de ne
pas récupérer leurs billes.


Pour autant ils ne sont pas du tout individualistes. Ils sont convaincus qu’il faut aider les plus
faibles si ceux-ci acceptent de contribuer à hauteur de leurs possibilités : que celui qui ne
peut pas apporter 1 euro pour l’achat du sapin de Noël fabrique une décoration ou à balaie
les épines afin que la classe reste propre. Pour eux la solidarité ne va pas sans un certain
niveau d’exigence.


Véritables entrepreneurs en herbe, les enfants sont extraordinairement créatifs et attachés à
la reconnaissance des inventeurs. Le vol d’idées est pour eux aussi grave qu’un vol d’argent.
La redistribution égalitariste ne les séduit pas du tout, pas plus que l’idée de partager d’office
leurs salaires de laveurs de voiture avec un frère qui n’a rien fait au prétexte qu’il est petit.

Réalistes, ils savent bien que l’on ne peut prêter ou partager que ce qu’on possède. Ils
aiment l’argent de poche et ne confondent pas sens de la propriété (celui qui engendre
l’entretien, le soin) et égoïsme.


Comment est-il possible que les mêmes personnes défilent quelques années plus tard
réclamant de ne jamais travailler et de profiter de la générosité des autres ? Que s’est-il
passé entre temps ? Inutile d’être grand clerc pour répondre à cette question : entre temps,
ils ont fréquenté les bancs de l’école.
École qui leur enseigne que la Révolution française a été un moment de liesse et de justice
sociale, que la dépossession en vue de rétablir une égalité théorique est légitime, même au
prix de procès arbitraires et d’exactions aveugles.
École qui amalgame sciences sociales et économie, associant systématiquement l’économie
de marché au chômage et aux inégalités, le service public au bien public et fait l’apologie du

partage de la valeur sans évoquer les ressorts de sa création. De nombreux manuels
évoquent davantage les limites de l’économie de marché que l’augmentation du niveau de
vie qu’elle a permis sur la longue durée. Assez logiquement ils prônent l’intervention étatique
et les politiques keynésiennes.


École niant les bienfaits de l’émulation en interdisant aux professeurs de noter leurs élèves
et de les évaluer objectivement.
École où l’on assume de ne pas recruter les meilleurs privilégiant une fois de plus l’équité à
l’efficacité. Il faut bien comprendre toute la portée des paroles d’Arnaud Dubois, responsable
de la préparation des professeurs des écoles à l’Université de Rouen : « Nous n’avons pas
choisi les élèves avec les meilleures notes, car ils auront une place ailleurs ».

Pour nos enfants, les moyens feront l’affaire. Que feraient-ils sinon ?
En dépit de la politique la plus redistributive du monde, la France entretient un système dans
lequel l’école reproduit plus qu’ailleurs les inégalités de naissance.

Pourtant elle ne remet pas en cause ses choix précédents ? continue de nier les différences entre personnes au
lieu de valoriser justement le génie individuel. La réponse au constat d’inefficacité du
socialisme est « ce n’était pas le vrai socialisme ; vite ! plus de socialisme ! »


Or, si l’une des principales contributions de la IIIe République est la mise en place d’une
scolarité obligatoire, ouverte à tous, elle misait alors sur l’excellence de ses professeurs, sur
des programmes exigeants et sur le sens de l’effort. On pourrait consacrer des livres entiers
aux Français d’origine modeste qui ont connu de très beaux parcours. Cette formidable
performance n’a pas été rendue possible par un culte de l’égalitarisme mais bien grâce à la
qualité des enseignants et aux vertus de la concurrence. Il y a quelques décennies encore,
l’école classait des élèves qu’elle notait et valorisait le travail et la responsabilité personnelle.
Le premier mot de notre devise est liberté : c’est bien parce que, dans l’esprit des pères de
notre système, cette idée devait dominer et conditionner les autres. Tant que nous
n’extirperons pas le romantisme révolutionnaire des programmes, nous noierons nos enfants
dans les eaux tièdes de l’égalité-fraternité avant de les ébouillanter dans l’égalitarisme
forcené.
Tant que nous continuerons d’enseigner l’économie en même temps que les sciences
sociales, champ extraordinairement vaste, nous continuerons d’effleurer les sujets en dépit
d’énormes efforts demandés aux élèves ainsi qu’aux professeurs et de dissoudre
l’individualité dans la classe sociale, condamnant d’avance le libre-arbitre et donc l’idée
même de personnalité et de responsabilité .
Tant que nous n’abandonnerons pas l’idée que l’État et son multiplicateur keynésien sont les
moteurs de la croissance, nous serons incapables de profiter d’une économie mondialisée.
Tant que nous présenterons l’entreprise comme un lieu de prédation, de financiarisation et
de destruction des ressources, nous créerons des générations d’assistés.
De nombreux pays ont choisi une autre voie : au lieu d’enseigner un mélange douteux de
macro-économie interventionniste et de sociologie, ils familiarisent les élèves avec la
comptabilité d’entreprise, les notions de chiffre d’affaires, de compte de résultat,
d’amortissement, de bilan… Ce qui importe à leurs yeux est de savoir gérer les comptes d’un
ménage, être à l’aise en entreprise et – pourquoi pas – reprendre un jour la menuiserie
familiale ou le magasin du coin de la rue.
On peut expliquer beaucoup de choses à partir des comptes d’une société: la nécessité de
faire du profit, les contraintes de son développement, les leviers de la dette, comment éviter
une faillite, l’importance des impôts et d’un État garant de la liberté d’entreprendre.

Un environnement éducatif et culturel marqué par l’ignorance économique la défiance envers
les entrepreneurs obère les possibilités d’innovation, ralentit inévitablement la croissance
d’un pays et dégrade le niveau de vie de ses habitants qui n’ont finalement plus rien à se
partager.

Xavier Fontanet est ancien chef d’entreprise et professeur de stratégie.
Lisa Kamen-Hirsig est enseignante et chroniqueuse.

L’entreprise, bouc émissaire de notre ignorance économique

10 Mai

Un article paru le 9 Mai 2023 dans Contrepoints.

Comment l’éthique des acteurs et le perfectionnement du système économique peuvent-ils assurer l’intérêt général ?

La période est propice à la recherche de boucs émissaires de toutes sortes. L’entreprise est un candidat idéal, surtout quand on sait la faiblesse de nos compatriotes en matière de connaissance de l’économie.

Pour tous ceux qui croient que l’entreprise est l’une des plus belles inventions de l’humanité, il existe un devoir de sauver ce soldat aussi injustement attaqué, en général par des gens qui n’ont jamais créé ni dirigé d’entreprise. C’est un peu comme parler de natation sans savoir nager ou de ski sans être jamais monté sur des skis. Il faut des experts et des intellectuels qui réfléchissent sur ces sujets. Le problème est le monopole de fait qu’ils détiennent sur les médias.

Ses pourfendeurs ne réalisent pas que l’entreprise n’existe que si elle rend un service jugé utile par le consommateur, qui est prêt à mettre son propre argent pour le payer. On expliquera que dans les faits, les entrepreneurs manipulent les clients par les politiques marketing. C’est parfois vrai, mais quand on a fait soi-même de la vente, on sait qu’il ne faut pas prendre le client pour un idiot : on peut l’abuser quelques temps, mais ça ne dure pas.

Dans le cas du monopole, l’entreprise peut exploiter le client avec la position de force que lui confère sa position sur le marché ; mais les autorités de la concurrence sont là pour s’assurer que la concurrence joue et protège le consommateur.

Les personnes capables de créer des entreprises, de les gérer ou de les faire grandir font un précieux travail pour la société. Il faut les choyer. Sont-elles d’ailleurs si nombreuses ? En fait, pas tant que cela. Il y a en France trois millions d’entreprises, c’est beaucoup, mais c’est aussi assez peu ; les chefs d’entreprise représentent au plus 5 % de la population, une denrée finalement assez rare.

Attaquer le profit

Le grand jeu, c’est évidemment d’attaquer le profit et l’angle le plus courant consistant à expliquer que le profit est le résultat d’une exploitation, celle des employés (notez les jeux possibles avec les mots : résultat d’exploitation, profit, profiteur, on parlera de marge par la suite).

L’exploitation a existé et existera, mais elle n’est pas la règle, grâce encore à la concurrence qui ne fait que se développer, sur la longue durée, surtout avec la mondialisation. Si les gens ne sont pas contents, ils peuvent facilement changer, et les entreprises où l’ambiance de travail est mauvaise se font très vite dépasser par celles où on a plaisir à travailler. La concurrence, toujours elle, veille.

Le mécanisme de formation de la marge est en général mal compris, et c’est une source d’erreur d’appréciation. Dans chaque système concurrentiel on trouve des suiveurs dont les rentabilités sont médiocres. Par contre, le numéro deux est rentable et le numéro un très rentable. Ce dernier se trouve être aussi le plus efficace à cause de l’effet d’expérience qui lui confère sa part de marché (voir les émissions BFM Stratégie : Retour sur les fondamentaux, cours n° 164).

Il faut voir la marge comme la récompense donnée par les clients à l’entreprise la plus efficace.

Nous avons là un merveilleux système d’allocation qui donne plus de moyens à celui qui consomme le moins de ressources pour continuer à se développer. Les Allemands comprennent bien mieux ces réalités que les Français, et leur prospérité trouve probablement là une de ses meilleures explications.

La fameuse déclaration de Helmut Schmidt, formulée le 3 novembre 1974, c’est-à-dire il y a près de 50 ans, y est pour beaucoup : « Le profit d’aujourd’hui est l’investissement de demain et l’emploi d’après- demain ».

Pour nos voisins, le profit est l’ami de la croissance et de l’emploi. D’ailleurs, patron en allemand se traduit par… donneur d’emploi !

Capital, dividendes, marchés financiers, ces ennemis

Le démarrage de l’entreprise, qu’on peut situer en Perse (code d’Hammourabi) suppose une personne qui met de l’argent (provenant de ses économies) pour financer l’entreprise. Il embauche des collaborateurs qui sont payés, que l’entreprise marche ou pas, alors que lui ne s’y retrouve que si l’entreprise fait de la marge. Il rend donc un service, d’abord en trouvant l’idée, ensuite en assumant seul tout le risque.

En y réfléchissant un tant soit peu, l’entrepreneur qui aujourd’hui risque son capital dans les machines-outils, abandonne la liquidité de son argent en s’exposant à une concurrence étrangère tout en fournissant du travail à ses compatriotes ne rend-il pas lui aussi un formidable service à ses concitoyens ? Cet entrepreneur est un saint laïc ! Ici encore, le capital est ami de l’emploi.

Reste encore à attaquer le dividende, autre ennemi de l’emploi. Effectivement, le dividende ne doit pas être versé en périodes de croissance, au moment où l’entreprise doit se développer plus vite que ses concurrents pour atteindre avant eux le bas de la courbe d’expérience, quand le marché se stabilise. Versé au mauvais moment, il abîme l’entreprise, mais dès que la croissance tombe, il ne pose aucun problème et peut légitimement revenir à celui qui a mis les fonds au départ.

Ce qu’oublient ceux qui attaquent les dividendes, c’est que dans la grande majorité des cas, ils servent à financer les jeunes entreprises ayant des besoins d’investissement largement supérieurs à leurs résultats. C’est précisément grâce au dividende que s’opère un transfert naturel entre les métiers en progression et nécessitant des liquidités parce que leurs bénéfices sont insuffisants pour financer leur croissance, et ceux qui peuvent donner des liquidités parce que leur marché ne croît plus.

Plus on analyse l’économie plus on se rend compte qu’elle est bien conçue, à condition que les gens se comportent correctement.

Ah oui, on a oublié de taper sur le marché financier ! L’auteur de ces lignes ne va pas dire qu’il n’y a pas de problème. Il y a bien sûr des escrocs, comme partout, mais aussi des gens bien. Le marché financier est lui aussi une géniale invention de l’humanité. Les Gênois puis les Vénitiens et les Hollandais lui ont donné une forte impulsion avec l’idée de la société par action, vecteur qui permet à tout un chacun, dans la mesure de ses moyens, de participer à la création de valeur.

De quelle rentabilité s’agit-il ?

Regardons simplement les faits : la rentabilité du marché (mesurée sur une très longue période avec le dow jones, qui existe depuis 200 ans, ou le CAC sur 40 ans) est de l’ordre de 5/6 % hors dividendes, c’est-à-dire 6/7 % tout compris.

Cette rentabilité est certes plus élevée que la croissance de l’économie, mais ce marché financier est ouvert à tout le monde. Il n’est pas une foire d’empoigne, il est régulé par l’Autorité des marchés financiers qui veille à ce que seules les sociétés dont les fondamentaux ont été vérifiés y soient admises. Parallèlement, des commissaires aux comptes vérifient la véracité des résultats annoncés. Enfin, les analystes financiers décortiquent en permanence les stratégies pour le compte des investisseurs. Sur les 50 000 sociétés cotées dans le monde, il y a eu bien sûr des erreurs, comme l’affaire Enron, mais les sanctions ont été redoutables puisque l’entreprise qui avait certifié les comptes a tout simplement disparu.

L’a-moralité de l’économie de marché

Là encore, ce n’est pas l’outil qu’il faut mettre en cause comme étant intrinsèquement pervers. L’économie de marché n’est ni morale ni immorale, elle est a-morale. Ce qui importe, c’est l’éthique des acteurs, c’est là qu’il faut porter son regard.

Pour l’auteur de ces lignes, quand le comportement des acteurs est éthique (ou moral), l’équilibre du marché permet d’atteindre spontanément l’intérêt général.

Autrement dit, on va mélanger trois ingrédients, dont aucun n’a la cote, pour aboutir à un produit merveilleux :

  1. La concurrence qui est détestée, mais qui est un élément clé du fonctionnement des marchés modernes.
  2. L’intérêt particulier qui représente l’égoïsme, et sur lequel on ne peut pas fonder une société ; il n’y a pourtant rien de mal à défendre son intérêt dans le respect de celui des autres, mais l’idée n’a pas la cote.
  3. La fidélité, qui évoque les chaînes dans une société où est vantée la liberté.

Quand on analyse les entreprises solides, grandes ou petites, on découvre qu’elles sont fondées sur la fidélité de leurs clients, de leur personnel, de leurs fournisseurs et de leurs actionnaires. La fidélité permet la croissance à long terme, ce que ne peut faire une entreprise qui passe son temps à trouver de nouveaux clients ou employés parce qu’elle n’arrive pas à conserver les siens.

Mis ensemble, ces trois composants permettent d’atteindre un état d’équilibre très satisfaisant : la fidélité en milieu concurrentiel est la preuve que l’intérêt de chacun a été satisfait puisque dans le cas contraire, la concurrence permet à tout moment de changer. Les choix sont libres. En respectant l’intérêt de chaque participant, on atteint l’intérêt général, que l’on peut aussi nommer bien commun. Et c’est la concurrence qui a permis ce petit miracle.

Comprendre et faire comprendre les bienfaits de la concurrence

Soyons réalistes, cette organisation de l’économie dure depuis cinq millénaires. Elle n’est pas parfaite du fait du comportement de certains acteurs, mais reconnaissons aussi que les expériences tentées pour en sortir n’ont pas été brillantes et ont conduit, au mieux, à des effondrements de richesse, au pire, à des hécatombes humaines.

Plutôt que de vouloir changer le système, cherchons à le perfectionner et à associer le maximum d’acteurs à ses bénéfices (actionnariat salarié, retraites par capitalisation, etc.). Veillons aussi à ce que les autorités puissent travailler dans les meilleures conditions, que ce soit l’antitrust ou les autorités de marché. C’est le noble rôle de l’État régalien.

Un marteau n’est ni bon ni mauvais en soi, ce qui importe c’est l’esprit qui anime celui qui tient son manche. L’invention du marché, de l’entreprise et des actions sont des manifestations du génie humain. Apprenons à mieux utiliser ce formidable outil.

Il faut comprendre et accepter la concurrence : elle est généreuse avec la baisse des prix ; elle stimule constamment les concurrents et les fait progresser ; elle permet de casser les monopoles. Et en dernier ressort, elle est l’autre nom que l’on peut donner à la liberté.

Nos concitoyens sont talentueux, on le voit avec la performance des leaders mondiaux du CAC40. Le jour où ils comprendront les ressorts de l’économie, l’harmonie nécessaire à la bonne marche de l’économie reviendra. Pour cela, lançons une grande initiative pédagogique à destination de tous les Français, grands et petits.

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Les limites du système social français mises en lumière par la crise des retraites

25 Avr

La retraite ! Il fallait évidemment faire quelque chose, ne jetons pas la pierre au gouvernement ! Et c’est forcément compliqué de demander aux gens de travailler plus.

Il n’empêche que ça aurait dû se passer mieux. Réfléchissons aux raisons de cette tourmente qui a surpris tous nos voisins européens et comment améliorer notre fonctionnement dans le domaine social.

Les retraites dans le domaine social

Nous sommes en effet dans le domaine social dont l’origine remonte au XVIe siècle avec Vincent de Paul qui s’est engagé dans la fondation de congrégations et d’œuvres sociales religieuses (enfants abandonnés, accidents de la vie, hospitalisations…). Les grandes entreprises ont, elles aussi, investi le domaine, initiative très injustement qualifiée de paternalisme. Puis, progressivement, l’État s’est saisi du sujet.

On a connu plus tard la naissance des syndicats patronaux et salariés. Progressivement, la sphère sociale a été gérée, dans le cas européen, par une sorte de ménage à trois.

C’est évidemment en France que l’État est devenu le plus actif et c’est ce qui explique les 57 % (avant le covid) de sa sphère publique et sociale (25 % pour le régalien et 32 % pour le social : record du monde).

Les préoccupations financières ont renforcé l’emprise de l’État : « je comble les trous des caisses mais j’ai un droit de regard sur ce qui se passe dans vos réunions ».

Petit à petit, nos concitoyens ont pris l’habitude de déléguer à l’État de plus en plus de responsabilités : « avec les impôts que je paye, je ne vais pas en plus m’occuper de tout cela ! ».

On a vu très vite venir les exhortations de l’État et du politique : « là, il y a un problème, je laisse syndicats et patronat discuter, et s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, je légifère. »

Puis est arrivé le funeste concept de l’État providence, qui a donné la fausse impression que l’argent tombait du ciel. Le « quoi qu’il en coûte » du covid n’a pas arrangé les choses, les Français ayant complètement perdu la notion des coûts du système social.

Plus grave encore, cette implication de l’État a politisé les syndicats, ravis de ce nouveau champ d’action qui leur était offert : interagir directement avec les politiques, et ce, d’autant plus qu’ils avaient de moins en moins de support dans l’entreprise.

Il y a 50 ans, 30 % des employés étaient syndiqués, aujourd’hui, ils sont moins de 10 %. L’État a évidemment compensé la baisse des cotisations par des aides financières pas toujours très lisibles : un audit général communiqué au grand public ne ferait pas de mal à la démocratie.

La grève

Une incidence dans toute cette affaire, le droit de grève a évolué : on ne devrait pas utiliser le même mot pour qualifier une grève des employés voulant améliorer leur situation financière dans le cadre de l’entreprise et l’action d’un syndicat utilisant son monopole sur une profession dans un domaine indispensable à la vie des Français (essence ou transport), pour peser sur une discussion parlementaire en empoisonnant la vie des concitoyens.

Ce mélange des genres met en danger notre démocratie, sans parler du levier donné aux Black Blocs lors des manifestations.

Les problématiques réelles de la retraite

Les limites du système sont aussi apparues dans la présentation des problématiques de la retraite puisque les considérations financières ont été pratiquement absentes. Impossible de savoir si le système est en équilibre, si les déficits étaient de l’ordre de 10 milliards ou plutôt entre 30 et 40 milliards comme annoncé par le Commissaire au plan.

Le rapport du COR n’a pas été expliqué au public et a été considéré obscur par ceux qui l’ont lu, le qualifiant même de sorte d’auberge espagnole où on trouvait toujours des chiffres permettant  de défendre n’importe quelle thèse.

Une seule chose est sûre : partout ailleurs dans le monde, on part au plus tôt à 65 ans et l’allongement a été admis sans difficulté.

Le cas emblématique est celui de l’Allemagne : pourquoi cela s’est-il si bien passé ? Schroeder était aux commandes ; les dépenses publiques allemandes étaient montées à 57 % du PIB, essentiellement dans le cadre du rattachement de l’Allemagne de l’Est. Schroeder a jugé ces niveaux de dépenses trop élevés et a annoncé qu’il fallait les baisser de 12/13 points. Il a commencé à expliquer que l’argent manquait, il a convaincu et a maintenu sa politique, en prévenant que l’État ne comblerait plus le déficit des caisses de retraites.

Il a ensuite a invité patrons et syndicats à régler eux-mêmes le problème et tout s’est passé très rapidement ; l’âge de départ à la retraite a été repoussé à 65 ans et les citoyens, confrontés à la réalité des chiffres ont adopté une posture raisonnable.

L’État doit se recentrer

Une leçon simple à tirer de cet épisode : l’État doit se recentrer.

Il y a trois domaines dans l’économie : l’économie privée, l’État (régalien par nature) et la sphère sociale.

Dans la très difficile période qui s’ouvre sur le plan géopolitique, l’État doit placer toute son énergie dans ses fonctions régaliennes : armée, affaires étrangères, police, justice, immigration. La tâche est immense et le travail sera dur, très dur.

Le domaine social doit être impérativement redonné aux syndicats et au patronat, qui ont montré récemment qu’ils pouvaient tout à fait se mettre d’accord sur un sujet pointu : le partage de la valeur.

Revenons à des formules très simples, celles que nous enseignaient nos parents et grands-parents : « qui trop embrasse, mal étreint » et « à chacun son champ, les vaches sont bien gardées ».

Les responsabilités seront mieux définies, chacun saura ce qu’il a à faire. Cette redistribution des rôles simplifiera les choses, elle permettra aux entreprises de redonner toute leur mesure (la plus grande d’entre elles, le CAC40, montre de quel bois notre sphère privée est faite), et au Parlement de retrouver son rôle. Et la confiance reviendra.

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La science au secours de l’agriculture

3 Avr

Il y a d’autres façons de poser le problème des nappes phréatiques que celle qui consiste à organiser des manifestations comme celles à Sainte-Soline, quand on sait très bien qu’on donne aux black blocs une nouvelle occasion de mettre en danger, parce qu’il s’agit de cela, la vie de nos gendarmes et de nos policiers.

Cela d’autant plus que de nombreuses découvertes et de nouvelles technologies donnent en ce moment les moyens de reconstruire la qualité des sols et lutter efficacement contre l’assèchement des nappes.

Les causes de l’assèchement des sols

Pour cela, intéressons-nous à l’histoire.

L’agriculture sous sa forme actuelle a environ 7500 ans. Auparavant l’Homme était un chasseur- cueilleur.

L’utilisation d’engrais chimiques est une conséquence de la Première Guerre mondiale et donc une affaire récente. Les Allemands ont été dépouillés de leurs colonies et obligés de se nourrir avec les seules ressources de leur propre sol.

Arrivé au pouvoir, Hitler demande aux chimistes de réfléchir aux moyens d’améliorer les rendements agricoles. Cette demande fut exécutée très efficacement mais les engrais sont fondamentalement dérivés des explosifs et les phytosanitaires des gaz asphyxiants.

En 1945, les Américains débauchent les plus brillants des chimistes allemands et grâce à leur expertise ils développent l’industrie chimique américaine avec une agriculture intensive combinant labours profonds et engrais sophistiqués.

Des signes concordants montrent qu’est atteinte en ce moment la limite du système.

Le premier signe c’est l’augmentation de la profondeur des labours qui demande de faire appel à des tracteurs dont la puissance et la consommation deviennent déraisonnables.

Le deuxième signe c’est la quantité d’engrais utilisée par hectare qui double en 20 ans alors qu’on aurait pu s’attendre à un effet d’expérience et une consommation en décroissance.

La raison est très simple : la terre s’appauvrit en matière végétale et animale. La quantité de vers de terre au m3 s’effondre et on se prive de l’énorme travail qu’ils produisaient en créant des galeries souterraines d’environ 5000 km/ha. Les plantes deviennent paresseuses et attendent de plus en plus que leur nourriture vienne de l’extérieur au lieu d’aller la chercher elles-mêmes avec leur système racinaire.

Le résultat est qu’au fil du temps le sol se durcit, avec une double conséquence :

  1. Le ruissellement s’accélère, les excédents d’engrais vont dans les rivières
  2. Les nappes phréatiques s’assèchent progressivement

Cette lente dégradation se retrouve dans le prix des terres surexploitées : dans certaines régions elles sont trois fois moins chères à l’hectare que des terres fraîches.

L’agriculture c’est de l’industrie lourde. Il faut plusieurs euros de capital pour faire un euro de chiffre d’affaires. Au bout du compte les bénéfices de la culture ne compensent plus la perte de valeur des terres. Les agriculteurs se ruinent en travaillant, d’où leur désespoir.

Science et technique peuvent apporter des réponses

La première idée consiste à utiliser les effluents animaux et humains dont on a eu tendance à se débarrasser via le tout-à-l’égout alors qu’ils représentent une énorme valeur.

La seconde consiste à profiter de la mise au point et du perfectionnement des techniques de méthanisation. Celle-ci permet de capter très tôt les effluents et réduit drastiquement la durée pendant laquelle ils émettent du méthane. Elle les mélange avec des déchets de culture, extrait le méthane qu’ils contiennent, produit des engrais naturels et de la chaleur pouvant servir au chauffage domestique.

Cette technique beaucoup plus développée en Allemagne qu’en France y représente une activité significative au niveau macroéconomique, de l’ordre de 10 milliards d’euros.

La méthanisation démarre chez nous en ce moment et peut avoir un énorme impact surtout dans les régions d’élevage où la densité des effluents est forte.

Nouvelle révolution en perspective : faire digérer les résidus de méthanisation par des vers de terre. Les produits de cette opération peuvent être déposés au pied des plantes et redonner vie au sol en leur réapprenant à se nourrir grâce à leurs racines.

Ces opérations vont avoir deux effets : remonter la valeur des terres et augmenter les captations de CO2 d’un facteur très important.

Les plantes et surtout leurs racines vont grandir (ces dernières pouvant être multipliées par un facteur de 2,5). Les 12 millions et demi d’hectares cultivés fixant chaque année 250 millions de tonnes de CO2, on parle donc d’un montant additionnel de l’ordre de grandeur du total des émissions actuelles du pays.

Le développement de la méthanisation coche à peu près toutes les cases : réduction du déficit de la balance commerciale puisqu’il y aura beaucoup moins d’engrais à importer ; idem pour le gaz (un article récent du journal Le Figaro indiquait que le potentiel de gaz produit par une méthanisation est à peu près égal au volume importé avant le déclenchement de la guerre). La valeur des terres va  remonter, ce qui est une bonne nouvelle pour l’agriculteur. On résout sur la durée les problèmes de l’odeur des effluents, de la pollution des rivières et de l’assèchement des nappes phréatiques.

Ce peut être le démarrage de la méthanisation, une puissante et nouvelle industrie, domaine dans lequel la France et l’Europe peuvent prendre des positions de leader dans l’écologie circulaire.

Rien ne se fera sans l’appui du consommateur, il faudra inventer un label pour différencier les aliments issus de cette nouvelle économie circulaire.

Il faudra aussi continuer à consommer de la viande car sans elle il faudrait recourir aux engrais chimiques sauf à effondrer les rendements…

Le plus important est peut-être de redonner ainsi le moral aux agriculteurs. On ne le rappelle pas assez, ils nous nourrissent quotidiennement et sont très injustement accusés d’être des destructeurs de la planète. Cette nouvelle filière leur permettra de devenir des promoteurs actifs du rêve de l’économie circulaire.

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La leçon de Federer

15 Mar

Dans son discours d’adieux au monde du tennis Roger Federer remercie ses grands concurrents Djokovic et Nadal : « Nous nous sommes poussés les uns et les autres, et ensemble nous avons porté le tennis à de nouveaux sommets »

Même dans un sport individuel, l’autre est une source inépuisable de développement et de performance qui stimule la confiance.

La confiance est au cœur du bien-être professionnel et du dernière article d’ Engagement et Performance dans le 16e Hors-Série My Happy Job, écrit en collaboration avec Aurelien Rothstein

« Le collectif peut être utilisé par les organisations pour stimuler la confiance et activer ainsi tout le potentiel de leur capital humain. »

Découvrez 3 étapes pour la construction d’une culture du collectif en téléchargeant gratuitement l’article du magazine Hors série N°16 sur la confiance, sur le site Myhappyjob.com

Le partage du temps de travail : une fausse bonne idée

8 Mar

Le partage du temps de travail est un magnifique coup marketing politique mais se révèle sur la durée une fausse bonne idée.

Le partage du temps de travail est un magnifique coup de marketing politique mais se révèle sur la durée une fausse bonne idée.

Il a été imaginé il y a une quarantaine d’années par la gauche. Nous en payons lourdement les effets aujourd’hui.

Imparable sur le plan de la communication : être généreux en travaillant moins et en donnant du travail aux autres. C’est ce type de raisonnement qui a conduit à pousser le concept de la retraite à 60 ans : en partant plus tôt à la retraite, on donne du travail aux plus jeunes. Et cerise sur le gâteau, dans cette affaire nous avons tous davantage de temps libre, condition nécessaire pour se réaliser pleinement.

Un bémol à ce tableau idyllique : les résultats tangibles. Depuis que cette vision de la société et du travail s’est répandue et que nous sommes devenus de loin le pays où le temps de travail est le plus bas, nous déclinons régulièrement dans les classements mondiaux de PIB par tête, passant en quarante ans de la 7e à la 33e place. Et notre chômage reste élevé par rapport à celui de nos voisins.

On vous expliquera que le PIB par tête n’est pas une bonne mesure de la prospérité. Il n’empêche qu’il faut regarder les choses en face : en Suisse, en 50 ans le PIB par tête qui était au niveau du nôtre dans les années 1970 est le double aujourd’hui ; fait significatif, le SMIC est à 4000 dollars, le pays affiche un chômage nul, un emploi industriel double et une balance commerciale largement excédentaire.

Eh oui, nous sommes dans une économie ouverte où par la diminution du temps passé à son poste, toutes les mesures ayant pour effet d’augmenter le coût du travail handicapent nos industries manufacturières particulièrement exposées à la concurrence mondiale.

Ramener le goût du travail

Il faut reprendre les choses à la base et ne plus parler de travail mais de métier, d’un métier dont on est fier et que chacun pratique où qu’il se situe, à un niveau d’excellence mondiale.

« Tous champions dans ce que l’on fait » : là réside la source de la compétitivité dans un monde ouvert. Il n’y a pas de petits métiers. Dans les années 1960, le fondateur du Singapour moderne Lee Kuan Yu avait fait de la propreté dans la rue et dans les logements le point de départ de sa politique. Il tenait tous les matins à balayer lui-même 50 mètres de trottoir et donnait des conseils sur le choix des balais et l’art de les manier. C’était une façon de montrer que toute tâche mérite d’être effectuée parfaitement. Il répétait qu’il avait davantage de respect pour un ouvrier pratiquant son métier au meilleur niveau que pour un cadre ou un fonctionnaire médiocre, fut-il très haut placé. Y a-t-il un meilleur moyen pour créer l’unité dans un pays ? Sans compter que lorsque l’excellence devient une valeur de la société, les produits s’améliorent dans tous les domaines, les clients du monde entier ne s’y trompent pas et les ventes explosent.

Quand la dignité de chacun, conférée par l’excellence de ce qu’on produit, devient une valeur plus élevée que l’égalité formelle, l’harmonie se diffuse et la compétitivité ne tarde pas à se traduire en prospérité.

Il faut repenser notre rapport au travail et redire à tous, notamment aux plus jeunes qu’un métier bien pratiqué est passionnant, qu’il permet de prendre des responsabilités, meilleur moyen pour s’épanouir. Quand le travail est bien fait, il est source légitime de fierté. Il est une façon unique de découvrir le monde quand on est porté par le déploiement international de son entreprise.

Enfin, au contact de ses meilleurs concurrents mondiaux on peut ressentir les émotions des champions que nous applaudissons dans les stades. Le travail bien pratiqué n’est ni un enchaînement ni une punition, il peut être la voie la plus efficace pour pleinement s’accomplir en tant qu’être humain.

Xavier Fontanet

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L’actionnariat salarié chez TotalEnergies

21 Fév

L’actionnariat est une aide sans pareille à la résolution du problème de la retraite.

Divine surprise que tous ces articles relatant les 100 000 euros perçus en moyenne par les salariés de La Redoute, une magnifique démonstration de la puissance de l’actionnariat salarié. La somme passe très bien dans l’opinion : il y a bien sûr dans ce cas une dimension chance, la mise était faible, c’est arrivé vite mais ça a été aussi un énorme travail et le fruit d’une cohésion exceptionnelle de toutes les équipes. Voilà une juste récompense  !

Par contre, on a peu parlé de l’actionnariat salarié chez TotalEnergies sur lequel la foudre médiatique s’est acharnée. Même s’il est très élevé, le profit n’a rien d’exceptionnel si on le ramène au chiffre d’affaires (7 %) et aux capitaux propres (16 %).

Les Français n’ont tout simplement pas réalisé la taille considérable atteinte par leurs champions dont ils devraient avant tout être fiers. Curieusement, personne n’a expliqué que TotalEnergies est une société qui accorde une grosse part à l’actionnariat salarié (7,2 %) et que cela représente 100 000 euros de capital par employé et un dividende de 7000 euros en 2022 ; ce qui rend encore moins acceptable le blocage des raffineries.

Voilà deux bonnes raisons pour évoquer ce dispositif qui pourrait, si chacun en connaissait toutes les facettes, changer les conditions du dialogue social et le rapport de nos compatriotes avec l’entreprise.

La valeur créée par l’entreprise

Il faut d’abord revenir sur le concept de valeur créée par l’entreprise : d’une part la valeur annuelle et d’autre part l’augmentation de la capitalisation de l’entreprise sur la longue durée.

La valeur annuelle créée, soit la différence entre ventes et achats de matières premières, était partagée entre salaires, investissement, impôts et dividendes1. Les ordonnances de 1964 inspirées par le général de Gaulle ont permis à travers l’intéressement et la participation d’associer les salariés à la création annuelle de valeur.

Avec l’actionnariat salarié on est sur une autre dimension. Il s’agit de la participation à la création capitalistique de valeur sur le très long terme grâce aux actions acquises par le personnel.

L’intéressement et la participation sont largement développés : en 2022, 11 millions de personnes ont perçu en moyenne 1700 euros. C’est moins le cas pour l’actionnariat salarié qui n’a percé que dans les très grandes entreprises cotées comme TotalEnergies. L’investissement des salariés dans les affaires cotées est de l’ordre de 50 milliards, soit 3,3 % de la capitalisation, alors qu’il n’est que de 1,5 milliard  pour les PME et ETI. Au global on ne parle donc pas de chiffres considérables.

Il y a plusieurs raisons à cela.

D’abord beaucoup de réticences du côté des syndicats qui sont très prudents en la matière et qui considèrent que « le risque c’est pour le patron ! ».

Ensuite, jusqu’à un passé récent le marché financier ne lui était pas non plus favorable craignant que la présence d’administrateur salarié ne freine les restructurations même dans le cas où celles-ci étaient nécessaires.

Enfin du côté des entreprises familiales les arguments sont d’un autre ordre et d’ailleurs tout à fait respectables : les familles considèrent que ce sont elles qui doivent porter l’ensemble des risques, craignant que les employés soient perturbés s’ils savent qu’ils le portent eux aussi.

Ce qui a changé depuis quelque temps c’est que grâce au marché boursier, il est avéré que les entreprises à fort actionnariat salarié ont des performances meilleures que la moyenne. Le private equity ne s’y est d’ailleurs pas trompé et c’est lui qui en est aujourd’hui le premier pourvoyeur.

Si on veut le développer dans les PME/ETI il y aurait intérêt à s’intéresser à ce qui se passe aux États-Unis et leur plan 4O1(k). Il s’agit d’un fonds diversifié dans lequel les salariés investissent en respectant une condition : les actions de leur entreprise ne peuvent pas dépasser 50 %. Cette formule est confortable pour les familles qui restent maîtres du temps, elle atténue le problème du risque et permet au personnel disposant de la liquidité disponible dans le fonds soit de racheter les actions des familles quand celles-ci décident de vendre, soit de participer aux augmentations de capital si l’entreprise vient à en lever.

L’actionnariat salarié, réponse au problème de la retraite et changement de la relation au travail

L’actionnariat salarié est de toute évidence ce qu’il faut pousser aujourd’hui. Il est la prolongation naturelle de l’intéressement et de la participation ; à la différence qu’il est un investissement risqué, il ne faut pas le cacher. Y adhérer doit donc être une décision personnelle qui ne peut en aucun cas être forcée par la loi.

On peut réduire le risque en organisant un système de décote et d’abonnement mais on ne l’annulera jamais totalement. La façon la plus efficace de le développer c’est de baisser la fiscalité de la vente des actions détenues plus de 25 ans, l’expérience montrant que les salariés gardent longtemps leurs actions. C’est une façon élégante d’encourager le capitalisme patient nécessaire à l’élaboration de stratégies puissantes et qui redorera l’image fiscale de notre pays.

L’actionnariat est une aide sans pareille à la résolution du problème de la retraite.

Faites vous-même le calcul !

Un collaborateur investit régulièrement 5 % de son salaire. Si ce salaire est abondé de 50 % et si la rentabilité sur longue durée se situe à 4 % (la bourse c’est 6 %) après 45 ans de travail le collaborateur aura constitué un capital qui augmentera sa retraite d’au moins 50 %.

On parle alors d’un changement de société ! Quand les salariés actionnaires deviennent… actionnaires salariés c’est-à-dire quand leur investissement dans l’entreprise représente une part importante de ce qu’ils possèdent, ils appréhendent toutes les dimensions de l’entreprise, non seulement l’aspect opérationnel par l’intéressement mais aussi sa dimension stratégique par la montée de la valeur de leur investissement. Et ce d’autant plus qu’en mettant ensemble leurs actions ils peuvent prétendre à des postes au conseil d’administration et participer de plain-pied aux décisions et à la gouvernance. On peut alors s’attendre à un changement fondamental de la relation au travail.

C’est pour cela qu’en mettant en lumière toutes les vertus d’une formule que notre pays ferait bien de développer, cette affaire de La Redoute est à classer comme une excellente nouvelle à partager sans modération !

  1. En 2021 de la façon suivante : 61 % allaient aux salariés, 17 % à l’investissement, 16 % à l’État sous forme d’impôts et 6 % aux actionnaires

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«La France forme trop de technocrates, mais pas assez de soudeurs»

1 Nov

Interview de Ronan Planchon paru dans le Figaro le 24/10/2022

ENTRETIEN – La pénurie de soudeurs dans les centrales nucléaires françaises témoigne des carences de notre système, qui ne valorise que les métiers intellectuels, argumente l’ex-PDG du groupe Essilor.

LE FIGARO. – En manque de main-d’œuvre, le groupe EDF a fait venir une centaine de soudeurs de la société américaine Westinghouse pour intervenir sur ses problèmes de corrosion. Comment en sommes-nous arrivés là?

Xavier FONTANET. – On comprend la réaction d’EDF quand on sait ce que coûte chaque mois de retard de fonctionnement d’une centrale nucléaire. Mais, si nous en sommes arrivés là, c’est pour deux raisons. D’abord, à cause de la décision européenne de couper les métiers de l’électricité en trois (la production, la distribution longue distance et la distribution finale) pour favoriser la concurrence, EDF a dû subventionner l’entrée de concurrents en production (éolien et solaire) et en distribution locale, en leur vendant sa production à prix cassés.

Ensuite, l’État, qui est au capital de l’entreprise, a sacrifié la stratégie nucléaire d’EDF pour obtenir les voix des écologistes. On l’a vu avec l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim. L’entreprise n’a pas investi dans des équipes françaises d’entretien des centrales nucléaires et la fine fleur des détenteurs de notre savoir-faire, qui existe, s’est envolée en Finlande et en Angleterre pour travailler sur deux gros chantiers d’export. Aujourd’hui, on semble avoir compris que le nucléaire est incontournable, mais le chemin est encore long pour rattraper les erreurs passées.

À court terme, nous devons faire face à un manque de plombiers et de soudeurs. Pour régler ce problème, il faut revenir aux bases de notre système éducatif, qui favorise la filière dite générale (où les disciplines enseignées sont abstraites) au détriment de la filière technique (où on apprend à manier des outils et travailler la matière).

En dévalorisant les filières techniques, courtes, notre système éducatif a-t-il créé une nouvelle aristocratie fondée sur les diplômes?

En tout cas, fondée sur les diplômes de filière générale. Nous vivons en France avec une idée fausse selon laquelle tout se joue à 20 ans, lors de certains examens prestigieux. Tout le monde sait que ce n’est pas parce qu’on a réussi un examen, fût-il prestigieux, qu’on est capable toute sa vie de prendre les bonnes décisions. Napoléon disait que les batailles faisaient les généraux.

Confier au seul diplôme le fait de diriger une carrière est un coup de frein à l’ascenseur social. Le philosophe Michael Sandel a écrit un livre passionnant sur la tyrannie résultant de la place excessive donnée aux diplômes aux États-Unis. Il y voit l’explication de la frustration de la classe moyenne américaine qui vit (mal) des métiers d’ouvriers et des métiers manuels. C’est une des raisons du succès de Trump, qui a réussi à fédérer cette frustration. Ce problème ne se limite donc pas à la France.

La dévaluation académique a-t-elle nivelé vers le bas nos «élites»?

On peut même parler de «pseudo»-élite. Il faut des philosophes et des sociologues bien formés, mais il ne faut pas que leur nombre soit en décalage avec les besoins de la société, ce qui est le cas actuellement. Voilà pourquoi il est urgent de faire évoluer notre système éducatif afin qu’il soit capable de développer dans notre société le concept d’intelligence de la main.

Comment redonner aux enseignements techniques la place qu’ils méritent?

Il faut d’abord changer les mentalités. Nous sommes un peuple qui aime les idées plus que la matière ; pour faire aimer les métiers manuels, inspirons-nous par exemple du Japon et de la philosophie de la vie pratiquée sur l’île d’Okinawa (l’ikigai). On accorde dans cette région beaucoup plus d’importance à un ouvrier qui réalise une belle pièce avec sa machine-outil qu’à un bureaucrate qui produit des circulaires obscures, fut-il très haut placé. La qualité de ce qu’on produit compte beaucoup plus que la nature du travail.

Un métier en apparence simple, quand il est pratiqué à un niveau de technicité élevé, permet à des ingénieurs sortis de « petites écoles » d’interagir avec les chercheurs parmi les plus prestigieux »

J’ai notamment travaillé au sein du groupe Essilor, numéro un mondial de l’optique ophtalmique. Cette entreprise produit 1 milliard de verres par an et dépose, sur chacun d’entre eux, plusieurs couches minces pour les durcir, éviter les reflets inesthétiques ou néfastes pour la santé. On parle de plusieurs milliards de couches de vernis déposées par an ; les machines qui font le travail sont conçues par l’entreprise et se révèlent de petites merveilles qui vont jusqu’à défier la science. Des professeurs du MIT (université de technologie du Massachusetts, NDLR) faisaient le déplacement jusqu’en France pour comprendre comment nous avions conçu les pinces qui tenaient les verres et permettaient d’avoir des vernis parfaits sans les effets de bord. Cette anecdote montre qu’un métier en apparence simple, quand il est pratiqué à un niveau de technicité élevé, permet à des ingénieurs sortis de «petites écoles» d’interagir avec les chercheurs parmi les plus prestigieux.

En somme, il s’agit d’expliquer que la technique permet de faire appel à tous les ressorts de l’intelligence et d’élever la filière technique au niveau de la filière générale…

Il faut bousculer notre système, dans lequel la filière technique est une punition donnée à ceux qui ont échoué dans la filière générale. Il faut orienter les élèves plus tôt, comme on le fait en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne et être bien conscient qu’en Suisse (dont le PIB par tête est 2,5 fois supérieur au nôtre) les deux tiers des jeunes choisissent la filière technologique, c’est-à-dire l’apprentissage. L’entrée dans la vie par la technique n’y est pas le résultat d’un échec dans la filière générale, mais un choix délibéré fait à 12 ans. Beaucoup de ceux qui ont une formation initiale technique s’intéresseront à la dimension conceptuelle ou scientifique plus tard. En Suisse, les va-et-vient entre filière générale et filière technique sont systématiquement facilités.

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Retraites : et si les Suisses avaient raison ?

31 Oct

Les Suisses ne consacrent aujourd’hui pour leur retraite que 7,5 % de leur PIB (grâce notamment au recours à la capitalisation), mais malgré cette marge de manœuvre, ils préfèrent allonger encore leur durée de travail.

Un sondage (Smartvote) fait en Suisse, le 19 août 2019, révèle que la majorité des candidats à la députation est en faveur d’un recul de l’âge de la retraite à… 67 ans. Impensable ici.

Pourtant, s’il y a une chose à expliquer dans cette période de consultation sur la loi retraite, c’est comment s’en tirer, chez nous, sans bouger significativement l’âge de la retraite ni augmenter la durée de cotisation ?

Surcharge pour les entreprises

Rappelons quelques faits.

En 1983, quand Mitterrand a lancé l’idée de la retraite à 60 ans, il y avait quatre cotisants pour un retraité et l’espérance de vie était de 72 ans, soit 12 ans de retraite en moyenne. Aujourd’hui l’espérance de vie est de 84 ans, ce qui fait 22 ans de retraite. Et il n’y a plus que 1,7 cotisant par retraité. En 36 ans, la durée de retraite a été augmentée de 83 % et le pourcentage de ceux qui cotisent réduit de 57 %.

On en a remis une couche avec les 35 heures, qui reviennent à annihiler au moins quatre ans de cotisation. Pour faire simple, le ratio cotisants-retraités a été divisé par cinq. On a certes doublé la part du PIB consacrée aux retraites à 13,8 % (sous Mitterrand le ratio était d’environ 7 %), mais au prix d’une surcharge accrue pour nos entreprises. Il y a aussi eu des gains de productivité, mais la situation n’est absolument pas tenable.

Les Suisses ne consacrent aujourd’hui pour leur retraite que 7,5 % de leur PIB (grâce notamment au recours à la capitalisation), mais malgré cette marge de manœuvre, ils préfèrent allonger encore leur durée de travail. On dira : « Ils sont différents ! » Regardons alors nos autres voisins : le départ à la retraite se situe partout entre 65 et 67 ans. Si partir à 67 ans est un argument électoral de l’autre côté de la frontière, est-ce parce que le chocolat qu’ils consomment leur dérègle l’esprit ou parce que devant les faits ils sont, contrairement à nous, humbles et capables de se remettre en question ?

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