Archive | juillet, 2015

La France peut et doit retrouver le plein-emploi

24 Juil

Les échos –

Par Stanislas de Bentzmann et Xavier Fontanet

Dans un monde où les clients sont de plus en plus mobiles, le concept de salariat avec avantages acquis ne tient plus. Travail à la carte, temps partiel, nouveaux contrats plus souples sont – parmi d’autres – les nouveaux outils qui permettront de vaincre le chômage.

La France peut et doit retrouver le plein-emploi. Pour y arriver, nous devons repenser nos politiques dans un contexte de polarisation du marché du travail. Avec d’un côté de plus en plus d’emplois très qualifiés : informaticiens, marketers, et, de l’autre, des emplois de service : auxiliaires de vie, livreurs, etc. ; par ailleurs, nous avons une chute constante d’emplois d’ouvriers et d’employés peu qualifiés. Ce phénomène qui s’accélère nous donne une chance de développer des emplois très qualifiés pour nos étudiants, mais également, pour nos salariés moins formés : les « outsiders », comme les appellent les économistes.

Pour bien fonctionner, un marché, qui est la rencontre d’une demande et d’une offre, doit offrir une palette de solutions aussi variées que possible pour coller au mieux à la variété des situations de l’acheteur et du producteur. On appelle cela la segmentation. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour le marché du travail ?

Les Français, et surtout les Parisiens, ont pu toucher de près la nouveauté que représentent des services de VTC, mais aussi ceux proposés par Uber et qui a fait enfin évoluer le marché du transport de particuliers. Le retrait récent de l’offre UberPop, s’il s’est avéré nécessaire pour mettre fin à des semaines de tensions extrêmes, n’en est pas moins une décision de court terme qui n’arrêtera pas les évolutions en marche. Uber n’est que la partie visible d’une révolution. Autres exemples : Handy, qui crée un énorme business dans de nombreuses villes à partir de jobs proposés par des particuliers pour des tâches ponctuelles (courses, réparations, gardiennage). Spoon Rocket livre des repas complets en dix minutes. Topcoder fournit des programmeurs, Axiome des juristes… Ce « smartmarket » a créé d’une part de grandes entreprises d’un type nouveau, et offre, d’autre part, à un nombre croissant de personnes des heures de travail à la carte et selon leur volonté.

Ces jobs n’existent pratiquement pas en France, faute de rapprochement de l’offre et de la demande. Il y a là le moyen de créer, grâce à la multitude et à la technologie des smartphones, énormément de qualité de service pour les consommateurs et du travail pour des centaines de milliers, voire des millions de personnes, si on laisse la créativité se répandre. C’est surtout le moyen de réinsérer dans l’économie une population qui n’a pas sa place aujourd’hui et qui, pourtant, a une énergie considérable et une soif d’entreprendre pour s’en sortir. Le statut d’autoentrepreneur en est le marchepied idéal.

La deuxième grande adaptation nécessaire, qui est la continuité de la première, est de donner de la souplesse à l’organisation du travail à travers le développement du temps partiel. Le succès de ce type de contrat a commencé aux Pays-Bas et a prouvé son efficacité en Allemagne.

Les Allemands ont refusé le principe d’assistanat, lui préférant un job à temps partiel, soit 15 heures par semaine, payés à l’époque 400 euros par mois. La formule connut un énorme succès, car elle correspondait à un besoin de souplesse des entreprises. Cela aida au redémarrage de l’économie allemande. Aujourd’hui, ces jobs représentent entre 8 et 9 millions d’emplois et, fait nouveau, 3 millions de personnes en cumulent deux et la rémunération a été remontée. C’est ce contrat qui, fondamentalement, a permis à l’Allemagne de sortir du chômage. Il aurait le même effet chez nous, quitte à mettre en place un revenu mensuel minimum afin d’éviter le développement de travailleurs pauvres. Le troisième élément d’agilité qu’il nous paraît nécessaire d’introduire en France est ce que nous appelons le CDI agile. Dans les années 1990, Volkswagen allait très mal, la direction envisageait de licencier 30.000 employés. Syndicats et direction se mirent d’accord sur un contrat à durée variable : la société assurant un minimum de 28 heures par semaine, mais demandant jusqu’à 44 heures si l’activité était forte. En échange de cette perte d’avantage, les salariés furent associés aux résultats de l’entreprise. On a pu le voir à l’oeuvre depuis trois ans, où les ouvriers touchent des primes de 10.000 euros en fin d’année !

Soyons réalistes, les habitudes de consommation changent et il est impensable de garder figé le système de production. Dans un monde où les clients sont de plus en plus mobiles, le concept de salariat avec avantage acquis ne tient plus. La structure de l’offre de travail doit évoluer.

L’attitude face au travail change elle aussi. Si beaucoup de personnes souhaitent toujours la stabilité, fût-elle monotone, un nombre croissant désire aussi une liberté dans l’allocation de leur temps. De plus en plus de jeunes veulent créer leur entreprise, des salariés travailler tout ou partie de chez eux. Il faut répondre à ces évolutions.

Ces trois formes de contrats permettent de coller à l’évolution de la société. Que ceux qui veulent les essayer le fassent, nous sommes à une époque où l’on progresse par expérimentation, essai, correction des erreurs et copie de ce qui marche. Place à l’expérimentation !

Plus d’infos sur le site lesechos.fr

Article dans la revue Entreprendre

16 Juil

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Plus d’articles sur le site Entreprendre.fr

Article paru dans la Revue des X / Polytechnique sur le livre « Pourquoi pas nous ? »

10 Juil

Lire l’article complet sur le site le Jaune et le Rouge,  ici

Pourquoi pas nous ?

Entretien avec Xavier FONTANET

En association avec les « Petits-Déjeuners polytechniciens », X-Sursaut a organisé une conférence avec Xavier Fontanet à la Maison des polytechniciens le 10 décembre 2014.
Suite au vif intérêt suscité par son intervention, un second entretien a été réalisé le 26 janvier 2015. Xavier Fontanet y évoque les grandes thématiques de son livre Pourquoi pas nous ? : le constat de la situation française, le tour du monde des solutions, les principes à suivre pour réformer et la mise en pratique.

Xavier Fontanet, diplômé de l’École des ponts et chaussées et du MIT, ancien président-directeur général d’Essilor, est aujourd’hui

Xavier Fontanet, dans un premier temps, nous allons évoquer le constat général que vous faites de l’état de la France. La première question que l’on a envie de vous poser est sur la méthode et les sources utilisées.

J’ai eu une carrière où j’ai fait grandir des petites entreprises qui sont devenues grandes grâce à la mondialisation. J’ai passé mon temps à voyager, par exemple pour Bénéteau où j’ai vendu notamment des bateaux en Nouvelle-Zélande au début des années 1980. Je me suis beaucoup intéressé aux réformes menées dans les pays dans lesquels j’ai travaillé.

“ Il vaut mieux être mauvais avec de très mauvais que bon contre des très bons ”

J’ai maintenant une fondation qui organise des cours de stratégie dans tous les milieux, notamment politiques.

Des jeunes députés m’ont encouragé à faire ce livre que j’ai écrit très rapidement. Je me suis appuyé sur quarante ans de données historiques de la Banque mondiale sur l’économie, la dette, et le chômage, ainsi que sur PricewaterhouseCoopers (PWC) pour réaliser des calculs sophistiqués sur les impôts.

Deux experts internationaux en fiscalité de ce cabinet ont travaillé pendant un mois pour notamment réaliser des tableaux ayant une très grande valeur. Je me suis également appuyé sur des coupures de presse, mes voyages professionnels et les contacts avec les gouvernements. J’ai rencontré la plupart des gens évoqués dans mon livre.

Vous utilisez la métaphore du jockey pour montrer le poids de la fiscalité qui pèse sur les entreprises.
Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai toujours vécu dans un monde concurrentiel. La stratégie, c’est se débrouiller contre des concurrents intelligents. Tout est donc relatif. Il vaut mieux être mauvais avec de très mauvais que bon contre des très bons.

Sur une longue période, le ratio de sphère publique sur PIB est très différent même pour des pays qui ont des tailles similaires comme la France et l’Allemagne avec le périmètre d’activités publiques semblables. Le ratio de sphère publique sur PIB est de l’ordre de 45-43 % en Allemagne contre 57 % en France.

Rapidement calculé, on pourrait dire qu’il n’y a que 12 points d’écart. Comme, en France, on est colbertiste, j’ai considéré que l’État est le jockey et le privé le cheval. Si on compare les ratios (57/43 : 1.32 en France) et en Allemagne (45/55 : 0.8), on constate que la sphère publique française est 60 % plus lourde qu’en Allemagne (1.32/0.8 : 1.6). Le ratio de fonctionnaire par habitant est 50 % plus élevé en France qu’en Allemagne.

Il y a cinquante ans, toutes les entreprises étaient locales (même dans l’automobile), aujourd’hui, toutes les affaires sont mondiales. Imaginons deux exploitations de cochons en France et en Allemagne. Pour le cochon français, on va rajouter 132 soit un coût de 232 ; en Allemagne on va rajouter 80 pour arriver à 180, soit à l’arrivée un écart de 20 %.

La part de la sphère publique française monde s’est mise à monter après Pompidou où elle était tombée à 27 %. À l’époque de la réunification, la sphère publique allemande était montée à plus de 50 % pour envoyer de l’argent à l’Est, le cochon français tenait alors la route.

Comment les entreprises françaises font-elles pour s’en sortir dans la mondialisation ?

Beaucoup d’entreprises du CAC 40, comme c’est le cas pour les entreprises dont je suis administrateur (Schneider, L’Oréal, Essilor) ou même du SBF 120, car votre métier peut être petit et mondial, font une faible part de leur activité en France ; la sphère publique les pénalise peu. La France a beaucoup de leaders mondiaux.

Pour les Chinois, sur les 100 plus grandes entreprises mondiales, 11 sont françaises, contre 7 allemandes. La France a des leaders mondiaux dans les filières Ponts et Mines par exemple : dans la construction, Total dans le pétrole, dans l’assurance et dans les autres secteurs où les mathématiques sont importantes. Dès que l’entreprise est locale, c’est plus difficile.

Quand elle veut exporter, elle est plombée par la sphère publique. Les Français sont très bons dès qu’on leur lâche les baskets.

Il faut donc se faire confiance.

Oui. Aux États-Unis, 60 000 Français sont dans la Silicon Valley et gagnent beaucoup de prix.

Quels sont les freins les plus marquants à la réforme en France ?

Le premier, c’est de dire « nous, c’est différent », qui mêle arrogance et manque de confiance. J’ai passé beaucoup de mes vingt dernières années de travail en Asie. Là-bas, ils sont curieux : la copie est considérée comme du respect. Il faut apprendre à s’inspirer des bonnes expériences à l’étranger. Il faut humilité et confiance en soi.

L’autre défaut est le fait que l’on attaque la personne et qu’on ne cherche pas l’argumentation : vous êtes X, P-DG du Cac 40, etc.

On joue sur les préjugés ?

Oui, on attaque les personnes. Autre fausse idée : il y a de l’argent, il suffit de le prendre. Le nombre de milliardaires en France a été récemment divisé par deux. Les classements Forbes ne donnent pas les mêmes résultats, car ils ne comptent pas ceux qui vivent à l’étranger.

Passons à la deuxième partie, le tour du monde des solutions en quatre pays : le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et l’Allemagne. Grâce à vos voyages, vous avez pu voir ce qui marchait sur le long terme : quels sont les points communs des réformes réussies ?

Voyons d’abord de combien le jockey français est trop lourd. L’objectif est de se mettre au niveau de l’Allemagne : passer le ratio de 57 % à 45 % : la masse à gagner est de 250 milliards d’euros.

“ D’autres pays l’ont fait : pourquoi pas nous ? ”

Nous avons environ 80 milliards d’euros de déficit. Depuis 2007, l’économie privée descend, les impôts ont augmenté de 100 milliards de trop. La dette est passée à 2 000 milliards en quarante ans, soit en moyenne 50 milliards par an. On arrive encore environ aux 250 milliards.

La sphère publique pèse 1 150 milliards avec trois paquets : l’État 400 milliards, la sphère sociale 600 milliards, et les collectivités locales 150 milliards. Il faut réformer ces domaines les uns après les autres.

Le champion de la réforme de l’État est le Canada ; pour le social, ce sont l’Allemagne, et la Nouvelle-Zélande, qui a privatisé la sphère sociale en la faisant gérer par des assurances privées mises en concurrence. La retraite est passée en capitalisation. La sécurité sociale a été divisée en trois morceaux vendus ensuite à des sociétés américaine, singapourienne et hollandaise.

Pour la réforme régionale, le champion est la Suisse : presque tout est géré aux niveaux locaux mis en concurrence ; son régalien est le moins cher. Mon raisonnement est que d’autres pays l’ont fait : pourquoi pas nous ?

Pouvez-vous développer l’exemple du Canada ?

Tout part d’une prise de conscience. Des duos comprenant un politique et un entrepreneur ont assuré les réformes. Au Canada, il s’agissait de Jean Chrétien et Paul Martin. Il y a eu une prise de conscience de dette publique (60 % du PIB) et une sphère publique à plus de 50 % du PIB.

Le message au Canada a été de dire que quand l’État monte un impôt et la dépense, il vous enlève une responsabilité ; il déplace le curseur de la sphère privée à la sphère publique, par exemple pour le choix d’un médicament.

Il y avait, de plus, des quantités de gens qui n’avaient plus intérêt à travailler, comme en France avec le RSA. Cela tue les entrepreneurs. Il ne faut ni spolier les gens, ni les mettre dans la dépendance.

Le Canada n’a pas touché à la santé et à la retraite. La dépense publique a été réduite de 20 % en six ans. Les ministères de l’Industrie et de la Pêche supprimés, ainsi que les doublons et subventions pour les régions, ils ont privatisé leur réseau ferré, et cela n’a pas changé l’économie.

Ils ont bien expliqué qu’ils rendaient les responsabilités du public au privé. Des fonctionnaires ont rejoint le privé. J’étais au Canada à l’époque de cette réforme ; cela a marché car il y avait du sens et pas d’impact sur l’économie.

Propos recueillis par Carole Simonnet
pour X-Sursaut

Interview au magazine Bourse Plus

3 Juil

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Chronique Ouest France

2 Juil

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Moins de communes, plus d’économies- chronique aux échos

2 Juil

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L’économie d’échelle : voici une expérience quotidienne de la sphère privée dont pourraient s’inspirer les communes qui doivent se préparer à voir les aides de l’Etat disparaître. Doubler la taille d’un service ou d’une usine permet en général de baisser son coût unitaire d’au moins 20 %. Cet effet d’échelle explique pourquoi les prix descendent quand il y a de la croissance, et pourquoi les entreprises leaders sont plus rentables que leurs suiveurs.

On pourrait suggérer aux maires de chercher leurs économies, non pas en rognant chaque poste de dépense, mais en fusionnant de façon astucieuse avec leurs voisins pour trouver des économies d’échelle. Nos communes sont de petite taille (le quart de la moyenne européenne) et le coût total de notre organisation régionale est de l’ordre de 150 milliards d’euros (plus des deux tiers étant logés au niveau des communes). Un quadruplement de taille des communes permettrait d’économiser de l’ordre de 35 milliards.

Comment procéder ? L’Etat pourrait s’engager à ne pas supprimer ses aides quand les communes fusionnent et rationalisent, il y aurait là une incitation à baisser le coût total du système. Autre méthode plus systémique, on établirait le bilan de chaque commune (comme de nombreux pays le font) et on fixerait une limite conservatrice à l’endettement. On ne s’opposerait pas à la faillite en cas d’impayé : la commune voisine qui comblerait les trous (à côté de chaque cigale, il y a toujours une fourmi !) prendrait le pouvoir des deux communes fusionnées ; ce serait un autre moyen pour faire baisser les coûts.

Les membres de la fonction publique doivent comprendre que leur coût rentre dans celui des entreprises, qui sont en concurrence mondiale, et que le faire baisser permettra de créer beaucoup d’emplois.

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