Archive | Mai, 2020

Pour un nouveau contrat de travail dans l’automobile

29 Mai

Le plan de soutien à l’automobile annoncé cette semaine par le gouvernement aurait dû être conditionné à une modification de l’organisation du travail.

 

« Pour les salariés, aujourd’hui, il n’y a strictement rien du tout’, a déploré cette sur france info Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT du groupe PSA Peugeot Citroën.

On croit rêver… La société est en train de faire un effort considérable pour aider le secteur automobile et certains syndicats ne veulent même pas le reconnaître.

Dans d’autres pays le gouvernement aurait exigé une réciprocité non pas sur la politique industrielle, comme ça a été le cas, mais sur l’organisation du travail.

Une bonne connaissance de la conception des rapports sociaux en Allemagne aurait donné des idées. L’idée à prendre, qui aurait pu être négociée, est celle du contrat CDI à temps variable, contrat imaginé par Peter Hartz sous gouvernement Schröder, contrat qui a permis de sauver Volkswagen de la déroute au début des années 2000

Il s’agit pour l’employé et son employeur de s’accorder sur une flexibilité du temps de travail hebdomadaire. Celui-ci peut varier d’un minimum de 4 × 7 heures (28 heures par semaine), à 5 × 9 (45 heures). La compensation de cette flexibilité est un intéressement très musclé (qui a représenté chez Volkswagen jusqu’à 30 % du salaire annuel). Pour ceux qui veulent aller plus loin dans l’association du travail au capital, elle peut prendre la forme d’une distribution régulière d’actions de l’entreprise.

Ce type de CDI inauguré en 2005 a fait ses preuves lors de la crise de 2008 et a considérablement renforcé l’économie allemande en particulier le secteur l’automobile en lui permettant de supporter mieux la crise.

Voilà qui marque une évolution positive du capitalisme avec une participation renforcée à la prospérité de l’entreprise. Sans compter qu’il y a là une des solutions au problème de la retraite dans le cas d’une rémunération sous forme d’actions, puisque le collaborateur qui choisit l’accès au capital se constitue un pécule qui peut être très significatif.

Il est toujours temps de bien faire les choses : un conseil à donner à nos acteurs du paritarisme serait d’aller repérer les bonnes pratiques en dehors de chez nous et les adopter. Ce serait une façon de tisser des liens entre pays européens, liens fort utiles si nous voulons construire une Europe solidaire et plus résiliente aux chocs conjoncturels.

 

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On ne relocalise pas en claquant des doigts – Chronique aux Echos

22 Mai

À l’occasion de cette crise, on redécouvre les bienfaits de l’industrie et on réclame des relocalisations. Mais celles-ci ne se décrètent pas. C’est le client, in fine, qui décide rappelle Xavier Fontanet. D’où la nécessité d’aligner nos charges-trop lourdes- sur celles de nos voisins.

 

Après avoir rêvé d’un pays sans usine reposant sur la recherche le tourisme et la culture, on est en train de se rendre compte que l’industrie est source de prospérité pour les pays comme les nôtres.

On parle donc de relocalisation, très belle idée. Mais ce n’est pas en claquant les doigts que les usines vont soudainement repeupler les territoires

Il faut rappeler d’abord que ce n’est pas le patron qui délocalise mais le client. Les entreprises se relocalisent là où sont leurs concurrents tout simplement pour… survivre. Si on cherche un responsable c’est le client

Il y a le cas des métiers très simples dont les équipements sont facilement achetables sur le marché mondial. Ils se localisent dans les pays lointains à main-d’oeuvre peu formée et pas chère. C’est la moitié des cas. Mais il y a aussi un autre cas très répandu, celui de la localisation des usines dans les pays voisins où les salaires sont proches mais les impôts et charges plus faibles.

En France, ou La sphère publique représente 57 % du PIB, un producteur ayant un coût hors taxe de 100 € verra son coût complet monter à 232, le même produit sortira à 178 dans un pays où elle est à 44 %. L’écart est donc de 30 % écart mortel qui est la deuxième cause de délocalisation

D’un côté c’est la banalisation de la technologie, de l’autre l’enflure de l’Etat, quand le jockey pèse plus lourd que le cheval, on ne gagne pas le Grand Prix

Dans le premier cas la relocalisation est possible. Il y a d’ailleurs des facteurs favorables comme la personnalisation qui modifie les chaînes logistiques calées sur du prêt à porter, le fait que les salaires dans les pays lointains montent et l’arrivée des robots et imprimantes 3D. Mais il ne faut pas se bercer d’illusion : la relocalisation supposera beaucoup de capital et aussi beaucoup de formation permanente pour le personnel.

Dans le deuxième cas les sphères publiques (régalienne, sociale régionale) devront chacune adopter un régime jockey

Soyons concrets la relocalisation ne se fera vraiment que si l’Etat français aligne ses taxes sur la production et les salaires sur le niveau de ses voisins européens. Sinon dans un monde plus difficile avec le coronavirus les fermetures d’usines dans beaucoup de secteurs vont s’amplifier.

 

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Le philosophe et le plombier

21 Mai

L’histoire qui va suivre est presque une parabole.
C’est en fait le témoignage d’une employée, recueilli la semaine dernière dans une entreprise du
nord de la France :
« J’ai deux fils. L’aîné était littéraire et brillant, ses professeurs l’ont poussé vers la philosophie,
filière d’excellence dans son lycée, nous étions fiers et confiants ; il a passé sa licence, mais il n’a
pas réussi à trouver d’emploi stable ; il enchaîne les petits jobs, en passant par la case chômage.
Notre second fils avait de mauvaises notes ; en réalité il s’ennuyait à l’école ; il adorait les tuyaux,
les robinets et voulait être plombier, nous étions consternés. Ses professeurs l’ont d’ailleurs
dissuadé de suivre la filière technique, mais il s’est entêté et a trouvé, sans l’aide de personne, une
entreprise prête à le prendre comme stagiaire. La mort dans l’âme, nous avons accepté qu’il passe
dans la filière technique et entre en apprentissage.
Tout a alors changé : ses professeurs, en contact constant avec les entreprises, le comprenaient et
le motivaient. Il a commencé comme soudeur, il a rapidement grimpé dans la hiérarchie. De la
plomberie, il est passé au chauffage, puis au conditionnement d’air et à la gestion énergétique
d’immeubles ; il gagne quatre fois plus que son grand frère et continue de se former en suivant en
ce moment des cours d’automatisme. »
Au fond, il y a deux enseignements à tirer de cette histoire :
– l’élève modèle n’a pas pu trouver de métier solvable et celui qui en a trouvé un a dû braver le
système ! Notre éducation nationale doit remettre en question le concept de « filière générale »,
une des causes du chômage de nos jeunes.
– L’origine de cette erreur se trouve aussi dans l’inconscient de nombreuses familles pour qui
travaux manuels et techniques sont déconsidérés.
Bien sûr, il nous faut des philosophes, mais, pour dire le vrai, le niveau technologique va, dans le
futur, faire la différence entre les pays qui marchent et ceux qui ne marchent pas.
Secouons donc le cocotier et proclamons la technique… filière d’excellence !

 

Une chronique parue dans les Echos en novembre 2016

L’actionnariat salarié, solution de sortie de crise pour ne pas ressusciter l’ISF

20 Mai

Ancien PDG du groupe Essilor, Xavier Fontanet est aujourd’hui éditorialiste et professeur affilié à HEC, où il enseigne la stratégie. Dans cette tribune pour Le Figaro, il détaille les actions à mener pour relancer l’activité à long terme.

«On rentre dans une période décisive qui va demander de réfléchir, comme plusieurs personnes le suggèrent, à un nouveau contrat social car les challenges que nous avons en face de nous sont immenses et ne peuvent pas être traités de façon satisfaisante dans le cadre actuel. Commençons par caractériser les défis, en simplifiant, ils sont au nombre de trois.

 

D’abord, à court terme, il va falloir gérer un trou d’air dans l’économie car le confinement crée un choc immense dans la restauration, le tourisme, la construction et l’industrie; même si certains secteurs tiennent comme l’alimentaire et les communications, l’économie dans son ensemble est secouée. Il est ensuite à peu près sûr que suivra dans un bref délai une accélération violente et donc une surcharge temporaire de travail. Voilà pour le court terme.

Ensuite, à plus long terme, il est absolument évident que des pans entiers de l’économie vont décroître concomitamment à l’apparition de nouveaux secteurs. Il y a donc un problème de formation permanente, problème qui contient une gigantesque opportunité si on s’y prend bien.

 

A long terme, il est évident que des pans entiers de l’économie vont décroître concomitamment à l’apparition de nouveaux secteurs. Il y a donc un problème de formation permanente

 

Il faut trouver enfin une compensation pour rémunérer les efforts que cette nouvelle stratégie va demander à tous.

La première idée serait de s’inspirer des CDI à temps variable imaginés par le duo Hartz/Schroeder en Allemagne au début des années 2000. Il s’agirait pour l’employé et son employeur de s’accorder sur une flexibilité du temps de travail hebdomadaire. Celui-ci pourrait varier d’un minimum de 4 × 7 heures, soit 28 heures par semaine, à un maximum disons de 5 × 9, soit 45 heures. Ce nouveau type de CDI a fait ses preuves depuis 15 ans en renforçant considérablement l’économie allemande.

La deuxième idée serait de regarder du côté de Singapour. Dans sa dernière allocution, son premier ministre a expliqué à ses concitoyens que des pans entiers de l’économie allaient être remplacés par de nouveaux métiers. Il s’agit donc de former une partie importante de ceux qui sont aujourd’hui au travail: ceci peut se faire en accordant un crédit formation significatif, crédit utilisé chaque année en accord avec l’entrepreneur en assurant une compatibilité entre le temps de travail et le temps consacré à la formation. Le système est d’ailleurs en place en France actuellement, il suffit de l’amplifier.

La troisième idée, la touche française, c’est évidemment de trouver une compensation intelligente à cette modification substantielle du contrat de travail; elle est toute trouvée, c’est l’actionnariat salarié, domaine dans lequel la France est en tête dans le monde. Les salariés qui accepteraient ce changement de contrat de travail se verraient octroyer (dans des conditions à négocier) une part du capital de l’entreprise.

 

« Il est 100 fois plus intelligent de passer directement du capital au personnel en créant la motivation dans l’entreprise plutôt que d’utiliser la case fiscalité qui décourage et crée l’exil »

Cela marquerait une évolution positive du capitalisme qui permet une participation renforcée de tous à la prospérité de l’entreprise. Sans compter qu’il y a là une des solutions au problème de la retraite dans le cas d’une rémunération sous forme d’actions, puisque le collaborateur se constitue au fil des ans un capital qui permet de l’augmenter dans des proportions considérables, et ce quel que soient les crises financières temporaires, comme le démontrent les entreprises qui ont pratiqué l’actionnariat salarié depuis longtemps.

Et les fonctionnaires, dira-t-on? Très simple, ils pourront eux aussi cotiser dans un fond diversifié composé d’actions d’entreprises françaises ou européennes à fort actionnariat salarié; ils seront ainsi motivés au bon fonctionnement de nos entreprises .

L’avantage de cette dernière formule serait de répondre à tous les gens qui rêvent de ressusciter l’ISF, ce même ISF qui a contribué à épuiser la France, la priver de capital et de talents; on ne rappellera jamais assez que l’entrepreneur est un bien précieux pour un pays et qu’il est 100 fois plus intelligent de passer directement du capital au personnel en créant la motivation dans l’entreprise plutôt que d’utiliser la case fiscalité qui décourage et crée l’exil.

Avec les grèves insensées de la CGT utilisant des secteurs détenant un monopole dans des services essentiels pour pourrir la vie de leur concitoyens et chercher à influencer le parlement, on se rend bien compte que le paritarisme est à remettre à plat: voilà une bonne occasion d’y travailler».

 

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Apprendre le monde globalisé aux jeunes Français

6 Mai

LE SITE EDUC’FRANCE

et son chapitre « L’école d’après », une série d’initiatives qui proposent des outils concrets de réflexion et de progression pour l’après-confinement. Formation des professeurs à distance, interviews d’experts, amorce d’une réflexion commune autour de la nécessité plus que jamais perceptible de libérer l’école des carcans qui l’épuisent.

 

Écoutez l’émission enregistrée pour le site EDUC’FRANCE, en cliquant sur l’image ci-dessous

 

 

 

La reprise, la Chine, l’Europe : la vision d’un entrepreneur – Interview pour la Fondation Charles De Gaulle

3 Mai

Que penser de la situation sur un plan économique et entrepreneurial ?

Il est difficile de parler de façon générale sur un sujet si vaste, aux contours si nombreux et dans des circonstances si incertaines. Je me contenterai donc de prendre successivement trois angles d’attaque.

Je commencerai par donner mon sentiment sur les conditions de la reprise de l’économie, je partagerai ensuite avec vous quelques considérations sur la Chine, première économie mondiale à ce jour. Enfin, dans une troisième partie, je donnerai mon avis sur les conditions dans lesquelles l’Europe peut tirer son épingle du jeu sur le plan économique dans le contexte mondial.

La reprise

Le confinement et son arrêt sont des décisions régaliennes qu’il faut respecter, La question qui se pose c’est de s’assurer que le redémarrage de l’économie se passe le mieux possible. L’économie n’a pas été détruite comme après une guerre, l’économie est simplement figée ; l’offre s’est effondrée parce que les gens ne travaillent plus et la demande s’est réduite à des biens essentiels. La mondialisation des productions et le concept de flux tendus ont permis une énorme économie de moyens qui a provoqué de fantastiques baisses de coût ; un grand risque a été pris, sans qu’on s’en rende compte, en termes de fragilité du système, c’est ce que l’on voit aujourd’hui avec la perturbation des chaines logistiques.

La sphère publique tient, en particulier la santé, qui fait un travail admirable (il n’y a pas de problème de recettes, c’est l’impôt qui y pourvoit). Du côté de la sphère privée, en simplifiant volontairement à l’extrême, la nourriture la pharmacie et la communication tournent. La production des biens physiques, en particulier d’équipement, la restauration, le tourisme et le transport de passagers se sont par contre effondrés. Les gouvernements et l’Europe ont mis en place des financements considérables, ce qui était nécessaire. Mais attention aux mots : ce n’est pas « l’argent de l’État que celui-ci met sur la table », c’est de « l’argent emprunté par notre génération que paiera celle qui suit. » Il faut donc être très précautionneux dans son utilisation. Il faut aussi expliquer que le démarrage ce n’est pas une affaire qui concerne uniquement l’État, elle concerne chacun de nous.

Reconnaissons-le, les Français ont été disciplinés, et grâce à ce comportement, les chiffres sont en train de s’améliorer ; il s’agit maintenant de passer à l’étape suivante et se remettre au travail. Les gestes qu’il va falloir adopter au travail ne vont pas être de nature totalement différente de ceux qu’il fallait prendre quand on faisait ses courses.  Le vrai sujet va être l’harmonie entre les syndicats, l’État et l’entrepreneur dans les décisions pratiques que supposera le déconfinement ; il faut que les trois fassent équipe. Il y aura des arbitrages difficiles, il faudra faire preuve de créativité et de pragmatisme car il n’y a pas deux entreprises identiques. La société tout entière court le risque que certains syndicats ou certaines administrations prennent des positions jusqu’au boutistes en s’appuyant notamment sur le principe de précaution ; ce sera facile alors de mettre tous les risques sur l’entrepreneur et d’en faire un bouc émissaire ; pire ce type de position déresponsabilisera à la fois le fonctionnaire et les syndicats. Il faut espérer pour le pays que ce type de blocage ne soit que l’exception.  Le Français a une énorme qualité, sa créativité et son sens de l’analyse ; il a un énorme défaut, qui est l’envers de cette qualité, il considère qu’il a fait son travail quand il a trouvé ce qui ne marche pas … sans pour autant proposer de solution. (C’est le témoignage de l’ancien dirigeant d’une entreprise française mondialisée qui a pu comparer les peuples dans son entreprise !).

On ne rappellera jamais assez qu’un climat de confiance dans une équipe ne s’établit que si chacun prend ses responsabilités. C’est ce que les Allemands ont réussi avec leur concept de « solidarité exigeante. » On est solidaire mais chacun se sent responsable du champ d’activité qui lui a été confié. C’est ce sentiment de partage de la responsabilité et du risque, ce sentiment que tout le monde est embarqué, qui en dernier ressort crée la confiance. Je suis convaincu que si on réussit à créer ce climat de bonne entente, l’économie redémarrera beaucoup plus vite que prévu !

La Chine

Ma deuxième considération va à la Chine. Le général de Gaulle est le premier homme d’État à avoir, le 27 janvier 1964, normalisé les relations entre la France et la Chine, ce fut une bombe diplomatique. Nixon poussé par Kissinger lui a emboîté le pas mais c’est de Gaulle qui a lancé l’idée. L’équilibre des forces politiques et économiques mondiales ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui sans la déclaration de 1964. Que dirait le Général s’il était vivant ? Nul ne peut le dire mais on peut chercher à imaginer sa position.

J’ai eu la chance de monter avec mes collègues d’Essilor en Chine une magnifique société, leader sur le marché. Cela nous a pris 25 ans, et pour moi 25 années de contacts quasi quotidiens et de nombreux voyages qui m’ont permis de mesurer à intervalles réguliers, l’effort gigantesque qu’a produit le peuple chinois.  Une des raisons qui explique cette incroyable énergie des Chinois (notamment au niveau politique) était la volonté de laver l’affront à la Chine que fut la guerre de l’opium. Il faut une voix forte qui explique aujourd’hui que l’attitude de l’Occident au 19 ème siècle était tout simplement indigne et que le succès actuel de la Chine a lavé cet affront. Il faut une voix forte pour expliquer le principe suivant qui devrait être universel : « une génération ne peut pas être tenue pour responsable des bêtises qu’a fait la génération précédente ». Le temps est donc venu de tourner la page.

Il va sans dire que la Chine, berceau de cette épidémie qui nous affecte tous, se grandira si elle adopte une attitude magnanime en acceptant de faire toute la transparence sur les conditions dans lesquelles les épidémies récurrentes ont démarré et se sont propagées. Elle pourrait proposer des joint-ventures avec des laboratoires ou des centres de recherche américains ou européens pour tirer l’affaire au clair et travailler ensemble sur des tests et des vaccins.  Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour prédire que de tels événements vont se reproduire et qu’il est désormais nécessaire d’avoir une industrie pharmaceutique capable de découvrir, dans des temps très courts, l’origine des nouveaux virus, d’où qu’ils viennent, pour développer rapidement les tests et les vaccins qui en viendront à bout.

L’Europe

Ma troisième considération c’est l’Europe. Le redémarrage de l’activité en France doit se faire en coordination avec nos voisins européens. Mais il y a un obstacle à surmonter : deux conceptions différentes sur la place de la sphère publique dans la société. Un Nord prospère avec des budgets publics à l’équilibre, des États raisonnablement endettés et contenus sous les 43% du PIB ; le modèle (en simplifiant) est l’Allemagne.

Les pays du Sud s’appuient sur une interprétation déformée des idées de Keynes pour justifier les déficits publics récurrents, ce qui conduit à des sphères publiques représentant jusqu’à 57 % du PIB comme en France. Le résultat est évidemment des déficits budgétaires chroniques entraînant mécaniquement une montée de l’État dans le PIB avec son corollaire inévitable la désindustrialisation. Excusez-moi de prendre cette image simple : le bon petit cheval français n’a aucune chance de courir aussi vite que ses concurrents tant qu’il porte un jockey beaucoup plus lourd que ses voisins. Sans compter que la montée des dettes réduit considérablement les marges de manœuvre de l’État. La crise vient de le démontrer éloquemment quand on voit le plan de soutien que peut débloquer l’Allemagne en gardant un endettement raisonnable.

L’Europe avancera ou reculera sur cette affaire. Pour que le Nord aide le Sud, Il faut un accord à court terme pour mettre ce qu’il faut sur la table afin de faire redémarrer l’économie. Mais pour que cet accord soit obtenu encore faut-il que notre Président et la Chancelière s’entendent sur la politique financière d’après. Le principe de solidarité exigeante, cher aux Allemands qui est la raison de leur retour à bonne fortune, veut qu’on aide, mais qu’en échange, la personne aidée respecte l’argent qui lui est octroyé. Notre président doit reconnaître que, comme le disait le Général (1) « dans un monde concurrentiel, il faut être compétitif. » Une économie ne peut pas être concurrentielle avec une sphère publique qui ne l’est pas, surtout quand celle-ci représente la majorité du PIB. Le geste emblématique serait de revenir ensemble sur le 3 % de Maastricht et dire que désormais le déficit cible c’est 0%. Un autre axe évident consisterait à se mettre d’accord pour construire ensemble des entreprises leaders européens comme l’ont été, par exemple, Airbus et SML (2) . Ces entreprises (il y en a beaucoup d’autres) montrent à quel point, quand on sait allier notamment les talents français, hollandais et allemands, on peut créer des leaders même dans les domaines les plus technologiques. On ne dit pas assez que l’Europe excelle dans de très nombreux domaines (l’automobile, l’énergie, le génie électrique, le contrôle de la pollution…)  Où elle peut créer des champions mondiaux.

Le Général expliquait que l’Europe se construira le jour où les Européens feront ensemble de grandes choses hors d’Europe. La chancelière et le Président ont la possibilité d’entrer dans l’histoire, simplement chacun doit faire un geste significatif : le risque de prêter d’un côté, les bonnes résolutions financières de l’autre. Précisons que ces bonnes résolutions ne sont pas de la rigueur (comme le disent les partisans des déficits récurrents) mais du bon sens. C’est exactement comme le régime que s’impose un sportif de haut niveau avant une grande compétition. Ce type de régime est d’ailleurs en train de faire ses preuves dans deux pays du sud, le Portugal et la Grèce !

Le décor est planté pour un accord historique. Mais tout reste encore à faire !

Entretien réalisé en avril 2020.

(1) Rappelons au passage que du temps du Général la sphère publique ne dépassait pas 30 % du PIB.

(2) Leader mondial des steppers, machines à fabriquer les microprocesseurs.

Retrouvez cet article dans son contexte sur le blog de la Fondation Charles De Gaulle

 

Xavier Fontanet

La confiance, pour réussir le déconfinement – Chronique aux Echos

1 Mai

 

Il faudra bien un jour prendre le risque de sortir du confinement afin de relancer l’activité des entreprises. Le succès du redémarrage va davantage dépendre du fonctionnement du trinôme partenaires sociaux-entrepreneurs-État que de « L’argent que ce dernier va mettre sur la table ».

Cette expression « d’argent de l’État » que l’on retrouve à tout bout de champ est ambiguë parce que « cet argent de l’État » c’est en fait le nôtre. Et plus précisément une somme empruntée par la génération actuelle, que la génération future aura à rembourser. Cette expression est ensuite dangereuse parce qu’elle porte à croire que, dans cette affaire, tout va dépendre de l’État sans qu’il y ait à faire appel à la responsabilité de chacun de nous.

Reconnaissons que les Français ont été disciplinés, ils ont obéi aux consignes et posé les gestes adéquats quand il s’est agi par exemple d’aller faire leurs courses. C’est grâce à ce comportement et, redisons-le, au dévouement exceptionnel de la sphère médicale que les chiffres sont en train de s’améliorer.

Quand on y réfléchit bien, les précautions à prendre, quand il va s’agir de travailler, ne sont pas très différentes de celles que l’on respecte quand on fait ses courses. Si État, syndicats et entrepreneurs font équipe, en prenant chacun des attitudes responsables, les choix permettant d’assurer la sécurité au travail (exemple : à quel rythme on désinfecte les poignées de porte et on nettoie les locaux) se mettront en place naturellement dans l’entreprise.

Si, par contre, la confiance peine à se créer, l’État et les syndicats auront beau jeu de faire porter à l’entrepreneur tous les risques en se défaussant-ce qui serait gravissime- de leur propre responsabilité. Confiance mutuelle et capacité de chacun à prendre ses responsabilités sont indissociables. Là résident en dernier ressort les conditions qui vont permettre le redémarrage de l’activité