Archive | avril, 2014

« Je rêve d’un Manuel Valls qui déclarerait : «Nos entrepreneurs sont précieux »

29 Avr

Article paru dans LE TEMPS, en Suisse. (pour lire l’article, voir le texte sous l’image)

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Le Temps : Un mot revient sans cesse dans vos ouvrages consacrés à l’entreprise et aux entrepreneurs : la confiance. Les mesures d’économies annoncées par le nouveau gouvernement français dirigé par Manuel Valls, sitôt après sa prise de fonctions, sont-elles de nature à la faire revenir ?

Xavier Fontanet : J’utilise souvent ce mot car il correspond à une réalité française très problématique : depuis des années, la confiance n’a cessé de s’éroder. Les entrepreneurs français ne font plus confiance à l’Etat et à la sphère publique en général. Pourquoi ? Parce que le déphasage entre l’hexagone et la mondialisation, dans laquelle toutes leurs entreprises sont plongées au quotidien quelle que soit leur taille, est devenue de plus en plus aigüe. Il faut, bien entendu, laisser du temps au nouveau premier ministre. Il est trop tôt pour dire s’il pourra, ou non, rétablir une confiance susceptible de déboucher, du coté des entreprises françaises, sur un rédémarrage des investissements et des embauches. Mais je suis certain que, sans un retour de la confiance, rien ne sera possible. Le nouveau gouvernement, s’il veut redresser la barre, doit s’employer à démontrer qu’on peut le croire. Les paroles doivent être suivies d’actes.

LT : La confiance n’en reste pas moins un terme vague. Comment la recréer ? Sur quels leviers Manuel Valls et ses ministres en charge de l’économie et des finances, Michel Sapin et Arnaud Montebourg, peuvent-ils agir ?

XF : Il doivent poser, d’une façon ou d’une autre, la question de la compétitivité de la sphère publique française. Le problème de l’économie hexagonale n’est pas celui de son tissu industriel. J’ai parcouru la planète à la tête d’Essilor. Nous sommes devenus, à force d’efforts et d’adaptation constante à la concurrence, le numéro un mondial dans l’optique. J’ai visité quantité d’usines. La France a de très bonnes entreprises qui, pour certaines, figurent en tête du peloton mondial dans leur catégorie. Le problème est que celles-ci ne peuvent pas s’appuyer, comme c’est le cas en Allemagne, en Suisse ou au Canada, sur un Etat compétitif. Je vais prendre une image. En France, la sphère privée, au sein de laquelle évoluent les entrepreneurs créateurs de richesse, représente 43% du Produit intérieur brut, alors que la sphère publique pèse pour 57% du PIB. L’Allemagne, elle, offre un ratio inverse : 56% du PIB pour le privé, 44% pour le secteur public au sens large. J’utilise souvent cette métaphore lors de mes conférences. En France, le cheval qu’est le secteur privé ploie sous le poids d’un cavalier public obèse ! En Allemagne, c’est le contraire : le cavalier est bien moins lourd, donc le cheval peut galoper…

LT : Pour travailler à restaurer cette confiance, il faut d’abord avoir conscience du problème. L’actuelle équipe socialiste au pouvoir a-t-elle compris les enjeux que vous énoncez ?

XF : Je sens que les choses bougent. Et que les mentalités françaises évoluent. Je le constate lors des rencontres publiques, lorsque je viens parler du succès entrepreneurial, et défendre l’entreprise. Mais ce qu’il faut, c’est débloquer le verrou intellectuel qui paralyse l’économie française. Manuel Valls, s’il veut vraiment changer les choses, doit expliquer aux français que ce pays a besoin d’entreprises prospères, tout en s’employant à réduire les coûts de fonctionnement de la sphère publique. Je vais être clair : je serai beaucoup plus confiant si des personnalités telles que l’ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine, l’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce Pascal Lamy ou l’actuel président de la Cour des comptes Didier Migaud étaient entrés au gouvernement. Védrine a une vision du monde et de ses rapports de force. Lamy a compris l’importance et le potentiel du commerce global. Migaud sait que les coûts de la sphère publique sont bien trop élevés. Manuel Valls a-t-il aussi compris cela ? Je manque d’éléments pour me prononcer.

LT : Il y a tout de même cette annonce : cinquante milliards d’euros d’économies. Et le vif débat sur le sujet…

XF : Il faut s’entendre sur les termes employés. Et sur les chiffres. Qu’appelle t-on baisse des dépenses publiques ? Je vais recourir à nouveau à une métaphore. L’Etat français est comme un individu habitué à grossir chaque année de deux kilos qui, lorsqu’il grossit seulement d’un kilo, prétend qu’il a commencé à maigrir…La vraie réalité est celle des chiffres. Si l’on compare une fois de plus la France à l’Allemagne, le différentiel en terme de dépenses publiques par rapport au PIB est de 10%, soit 250 milliards d’euros. Les économies à réaliser sont donc cinq fois supérieures au montant annoncé. Or cela est possible ! Je reviens dans mon prochain ouvrage, chiffres à l’appui, sur les exemples du Canada, de l’Allemagne ou de la Nouvelle Zélande. Ces trois pays ont fait ce type d’effort et n’ont pas abimé leurs économies. Au contraire. La croissance a repris parce que le coût de la sphère publique y est, dans ces trois cas, redevenu supportable. Ces exemples sont connus, étayés, documentés. Le seul problème est qu’ils dérangent les économistes keynésiens, dominants dans l’hexagone, pour qui la seule relance possible passe par une hausse des dépenses publiques.

LT : Quand le ministre des finances Michel Sapin dit cette semaine « Chacun est devant ses responsabilités », que lui répondez-vous ?

LT : Prenons un sujet très concret : les trente-cinq heures. Après ses propositions d’économies budgétaires, le gouvernement de Manuel Valls doit-il remettre en cause cet acquis social pour regagner la confiance des milieux d’affaires ?

XF : Si le nouveau premier ministre a le courage de remettre le sujet sur la table, ce serait formidable. Je plaide pour un tel culot. Monsieur Valls démontrerait ainsi qu’il appartient à cette gauche humaniste qui n’est pas prisonnière d’un esprit de système. Car tel est l’autre problème en France. Beaucoup trop de dirigeants, à gauche comme à droite, raisonnent en terme de système. Ecoutez-les. Ils ne parlent jamais d’entrepreneurs mais d’entreprises. Ils raisonnent en silos : l’éducation, la recherche, l’Etat, l’école. On ne les entend jamais, ou presque, féliciter un inventeur ou un enseignant. Or mon expérience à la tête d’une grande entreprise m’a démontré que les hommes font la différence. La gauche humaniste doit en outre s’affranchir du concept de lutte des classes qui empoisonne encore aujourd’hui la vie politique française. Je rêve d’un Manuel Valls qui déclarerait : «Nos entrepreneurs sont précieux ». A la manière d’un Gerhard Schröder…

LT : N’est-ce pas le sens du « pacte de responsabilité » défendu par François Hollande ?

XF : Je vous ai dit auparavant que les choses changent. Le tournant politique pris en décembre- janvier dernier avec l’annonce du « pacte de responsabilité » le démontre. Et c’est une bonne chose. Le problème, en France, est que les mots sont largement discrédités. Ils ont été abimés à force de promesses non tenues et les patrons n’y croient plus guère. Je note d’ailleurs que l’idée du pacte – un accord qui lie les deux parties – tend à prouver que la confiance n’est pas encore au rendez-vous. Chacun avance en observant les pas faits par l’autre. C’est assez révélateur.

LT : Les Suisses sont appelés à voter, le 18 mai, sur l’instauration d’un salaire minimum. La France a le Smic. Faites-vous partie de ceux qui souhaitent le remettre en cause ?

XF : Pierre Gattaz, le patron des patrons français, a provoqué beaucoup de remous en évoquant l’idée d’un Smic plus modeste, qui serait proposé aux jeunes lors de leur entrée en entreprise. Je me garderai donc bien de mettre de l’huile sur le feu. Mais je réclame le droit à faire des propositions sans être aussitôt accusé. Il y a une logique économique à baisser les salaires pour certaines catégories d’emplois, afin d’inciter les entreprises à embaucher. En Allemagne, le secteur des services a été relancé par les deux millions de « mini-jobs » créés durant les années Schröder. Il faut regarder les choses en face : l’euro prive la France de la possibilité de dévaluer. Le coût de la sphère publique fait suffoquer l’économie. Il faut donc retrouver de l’oxygène. Ce qui ne veut pas dire ouvrir les vannes de la précarité. Il faut au moins pouvoir en débattre.

LT : Cet oxygène peut-il provenir d’une politique industrielle réaffirmée, chère à Arnaud Montebourg ?

XF : Là, je n’y crois pas du tout. L’économie française représente aujourd’hui 4 à 5% du PIB mondial. C’est beaucoup trop petit pour servir de terrain d’élan à de soi-disants « champions » nationaux. Si le marché Français était trois ou quatre fois plus important, alors peut-être que l’on pourrait débattre d’une telle politique. L’autre raison pour laquelle je rejette cette option est son coût. Une politique industrielle ambitieuse nécessite beaucoup d’argent, beaucoup d’investissements. Or l’Etat français n’en a pas ! La fameuse banque publique d’investissement, la BPI, dispose d’une enveloppe de cinquante milliards d’euros, pour l’essentiel sous forme de participations publiques. Or la totalité des actifs des entreprises non financières en France représentent environ 3000 milliards d’euros ! L’Etat français n’a plus de levier. Parler, dans ces conditions, d’une politique industrielle est un leurre.

LT : Que faut-il faire alors ?

XF : On en revient à la question de la sphère publique. L’Etat doit servir au mieux le tissu entrepreneurial. Il doit offrir aux champions industriels potentiels des conditions adéquates pour croitre et gagner des parts de marché. Je pense, encore une fois, à l’Allemagne, mais aussi à la Suisse. Ces deux pays offrent de bonnes conditions-cadre à leurs entrepreneurs. FIN

TITRE : « La Suisse devrait davantage promouvoir son modèle en France »

LT : L’affrontement fiscal entre Paris et Berne a dominé les relations franco-suisses ces dernières années. Dommage ?

XF : Je suis personnellement en faveur de la concurrence. J’estime aussi que les politiques suivies par les pays reflètent leurs coûts. Si la Suisse offre aux entreprises étrangères des conditions avantageuses, c’est qu’elle peut se le permettre et qu’au sein de la sphère publique helvétique, la concurrence entre cantons rend votre système plus efficace. Je compte développer cet aspect dans un prochain ouvrage. Je crois que la compétition entre grandes régions, entre Länder allemands ou cantons suisses, est très positive pour l’économie. Le gros des coûts publics sont gérés à la base, au plus près du citoyen et des entreprises. Je regrette que cet aspect ne soit pas davantage expliqué en France. Il faudrait remédier à ce déficit de communication.

LT : La concurrence fiscale n’est pas toujours « loyale »..

XF : La surcharge pondérale de l’Etat est souvent à l’origine de ces différences. L’on peut les regretter, voire les combattre à condition de faire chez soi son travail. Que veulent les entrepreneurs français aujourd’hui ? Un Etat qui fasse son boulot, point. Et qui les laissent tranquilles. Je crois, encore une fois, aux vertus des bons modèles européens. En termes de gestion des dépenses publiques, de compétitivité des entreprises et d’ouverture au monde, la Suisse en fait partie. Pourquoi le nouveau gouvernement français ne regarderait-il pas davantage de ce coté-là ?

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Article dans Challenges- Leçon suisse à la France jacobine

18 Avr

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Le CAC et la cité – des séminaires de stratégie dans les banlieues

18 Avr

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(article paru dans l’Expansion)

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Egis, symbole d’un Etat moderne

17 Avr

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La conception du système de gestion d’ordures de l’Equateur, la réhabilitation de 223 barrages en Inde, la conception d’une zone industrielle en Birmanie : voici trois des contrats obtenus par Egis début 2014. Mais, au fait, qui est Egis ? Derrière ces succès, un modèle qui peut aider notre sphère publique à se repenser et à prendre confiance en elle. Egis, possédé à 75 % par la Caisse des Dépôts, a regroupé au fil du temps différentes entités issues de l’Etat et des collectivités locales, spécialisées dans l’engineering des routes, des métros ou des espaces publics français. Cette société, que l’Etat a créée en lui confiant la conception de ses autoroutes, s’est lancée, forte de son expérience, à la conquête du monde. Elle est rentable, a crû en moyenne de 10 % par an depuis cinq ans et est en train de faire une vraie percée dans les pays les plus concurrentiels face aux meilleurs mondiaux de l’ingénierie. Certes, la vie y est plus sportive qu’avant, mais les 60 % de chiffre d’affaires à l’international et le milliard d’euros sont désormais à portée de main de ses 12.000 employés. Ce succès est fort en symboles : l’excellence du personnel de notre sphère publique dans le domaine de l’équipement et, en arrière-plan, celle de l’Ecole des ponts qui a fourni les bataillons d’ingénieurs à Bouygues, Eiffage, Vinci, Veolia et Suez, et a permis à ces sociétés de prendre des leaderships mondiaux. Egis démontre que l’externalisation peut être un mode efficace de travail pour la sphère publique. Son exemple prouve aussi qu’il y a valeur à se mondialiser car les chantiers réalisés en France vont s’enrichir de l’expérience acquise dans le monde (à ne pas oublier quand on parle de construire l’Europe). Le personnel détient enfin un quart de l’entreprise, un sans-faute à méditer pour qui veut construire un Etat moderne.

Voir le site des Échos.

16 Avr

PARTICIPANT A L'UNIVERSITE D'ETE DU MEDEF

Né en 1948

Marié, 3 enfants

Ingénieur civil de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (1968-71)

Master of Science in Management (MIT) (1971-73)

1974- 1981

BOSTON CONSULTING GROUP

Consultant, Vice-Président

1981- 1986

CHANTIERS BENETEAU

Directeur Général

1986- 1991

GROUPE WAGONS-LITS

Directeur Central de la Restauration

Administrateur- Directeur Général d’EUREST

1991- 2010

ESSILOR

Directeur Général (1991- 95)

Vice-Président Directeur Général (1995-96)

Président-Directeur Général (1996-2009)

Président (2010- 2012)

Autres Activités

– Commission Pébereau

– Commission Attali

– Administrateur du Comité éthique du Medef (2003- 2007)

– Administrateur du Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) (2009-2012)

-Administrateur d’Essilor, Schneider et l’Oréal

Décorations

– Officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite (France)

– Ordre du Soleil Levant, rayon d’or (Japon)

Cours donné à Sciences Po en mars 2014

15 Avr

Très belle expérience que de donner un cours à Sciences Po.

Voici les réactions à chaud des étudiants en sortant : l’expérience « terrain » et les exemples concrets  intéressent les élèves !

Pourquoi le temps joue contre nous

10 Avr

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Les investissements internationaux en France ont augmenté de 24 à 38 milliards de dollars entre 2009 et 2011. Ils sont tombés à 28 milliards en 2012 puis à 6 milliards en 2013. Cet effondrement, on ne peut l’imputer à la faute des prédécesseurs. On ne peut pas s’en prendre à la crise : les investissements étrangers dans les autres pays sont en croissance. Un diagnostic erroné sur ce qui se passe empêche nos concitoyens de comprendre la gravité de la situation : le monde ne vote plus pour la France, c’est tout ! Peut-on le reconquérir à partir d’un terrain dont plus personne ne veut ? Non ! Que faire ? Avec la gigantesque dette de notre Etat, on peut oublier toute politique industrielle volontariste. La BPI fait sûrement du bon travail, mais regardons les ordres de grandeur : le total de ses capitaux c’est 50 milliards d’euros, c’est deux ans de flux d’investissement étranger perdu, c’est 1,5 % des 3.000 milliards que pèsent les actifs de la sphère privée non financière. Par ailleurs, son capital étant composé d’actions apportées, chacun de ses investissements appelle en pratique un désinvestissement de même ampleur. L’outil a ses limites. Quand on ne peut pas faire de « politique industrielle », il n’y a qu’une solution : adopter une politique accueillante aux entreprises, beaucoup de pays l’ont fait avec succès. Encore faut-il comprendre ce qu’on ne fait pas bien par rapport à nos voisins. On nous reproche des impôts beaucoup trop élevés, une attitude antimondialisation, un droit du travail hypercomplexe et bien trop de bureaucratie. Il faut dire aux Français la vérité sur la situation réelle du pays, expliquer la nécessité de baisser drastiquement les coûts de l’Etat et les impôts des entreprises pour se remettre dans la moyenne mondiale. Un message fort au monde aurait été de faire entrer Didier Migaud et Pascal Lamy au gouvernement et de descendre l’impôt sur les sociétés à 20  % dès 2014. A force d’avoir joué avec les promesses, la confiance est voisine de zéro. Seuls les faits permettront de remonter la pente.

 

 

Voir l’article dans son contexte, sur le site des Échos

Quel étudiant étiez-vous ? Article des Échos

7 Avr

Pendant deux semaines, « Les Echos » demandent à des patrons français de revenir sur leurs années d’études. Aujourd’hui, Xavier Fontanet.

 

Quel étudiant étiez-vous ?
J’aurais voulu intégrer HEC, comme mon père. Mais lui avait rêvé de devenir ingénieur ! Plus ou moins consciemment, il m’a imposé son modèle inversé. Je me suis donc retrouvé dans la filière scientifique de préparation aux grandes écoles. Au début, j’étais vraiment malheureux car je ne comprenais tout simplement pas les cours de mathématiques. Je ne décollais pas de la 30eplace sur 35, alors que j’avais toujours été en tête de classe pendant mes études secondaires. Les professeurs m’écrasaient de leur intelligence.

Mais ce fut en fait une excellente leçon : d’humilité d’abord, de stratégie ensuite. En effet, comment faire mieux que quelqu’un de beaucoup plus fort que vous ? Et puis, cela se passait à « Ginette » [surnom de l’établissement catholique de préparation aux grandes écoles Sainte-Geneviève, à Versailles, NDLR]. Or on peut dire ce que l’on veut des jésuites, mais ils savent vous donner le sens de l’équipe, du partage, de l’écoute. Le travail en équipe m’a fait du bien, mais c’est un professeur, M. Saintillant, qui m’a redonné confiance en moi. Je lui dois beaucoup. J’ai ensuite été admis à toutes les grandes écoles que j’avais présentées. J’ai choisi les Ponts.

Que vouliez-vous faire à l’époque ?
Je me souviens surtout que j’avais une passion pour les grands hommes. Je lisais les biographies de Napoléon, César, Churchill, celles de Marie-Antoinette et Fouché par Stefan Zweig. Cet intérêt ne m’a pas quitté. Actuellement, je lis celle de Goering par François Kersaudy.

Trois mots pour caractériser vos études ?
Confiance, équipe, oral. La confiance en soi est un capital inestimable. J’avais commencé à l’expérimenter en France avec la réussite aux concours, mais le MIT a été une bouffée de fraîcheur. Aux Etats-Unis, les enseignants encouragent leurs élèves à prendre la parole. En France, dès que l’on parle, une menace plane : « Fais attention à ce que tu vas dire, tu as intérêt à ne pas te tromper. »

Votre meilleur souvenir ?
C’est pendant les prépas, quand les bonnes notes ont commencé à venir, au début du mois de décembre. Je me le rappelle très précisément. A cette époque, J’avais changé de stylo. Depuis, je l’ai toujours à portée de main, c’est une sorte de fétiche !

Votre pire souvenir ?
Les interrogations écrites du lundi matin pendant mes études secondaires. Depuis, je stresse chaque début de semaine.

Quels étaient vos héros de jeunesse ?
J’ai eu la chance d’être élevé dans une famille très aimante. Je n’ai pas eu besoin de me chercher des modèles à l’extérieur. Je n’avais qu’à observer mes parents et mes grands-parents. Je me souviens notamment de mon grand-père maternel, un médecin tropical, un vrai docteur Schweitzer méconnu.

Un professeur vous a-t-il particulièrement marqué ?
Plusieurs ! Je vous ai parlé de Saintillant. Mais il y avait eu aussi Mario Carrara en physique. Et au lycée, à « Franklin » [surnom du collège et lycée parisien Saint-Louis-de-Gonzague, également très réputé, NDLR], je me souviens de De Tanneberg, un ancien amiral. Il nous avait appris cette phrase qu’il répétait pendant les épreuves de maths : « Allez lentement, nous sommes pressés ! » Et puis, en seconde, j’ai eu le père Dutronc, l’oncle du chanteur. Il nous enseignait le français, le latin, l’histoire-géo, et, comme son neveu, il n’arrêtait pas de plaisanter. Or, quand le climat est bon, c’est toute la classe qui est bonne.

Avez-vous gardé des amis de l’époque ?
Justement, des camarades de la classe de seconde avec Dutronc. Quarante ans après, j’ai lancé des invitations à huit d’entre eux. Tous sont venus, avec leur épouse. Je les ai reconnus immédiatement : leurs caractères étaient déjà forgés quand ils avaient quinze ans. Ma grande joie fut de constater que pas un seul n’avait été abîmé par la vie : ni par la maladie, ni par un accident professionnel, ni par un divorce.

Si c’était à refaire ?
Je me demande plutôt ce qui me serait arrivé si je n’avais pas eu la chance de rencontrer un Saintillant ou un De Tannenberg. Quand je suis rentré des Etats-Unis, ma famille me poussait à intégrer de grosses sociétés françaises… Je n’ai pas voulu y aller et j’ai poursuivi ma propre route en entrant au Boston Consulting Group. J’étais très bien payé, au point que ça me culpabilisait, mais je crois que j’ai bien fait et que je le referais.

Votre conseil à un étudiant de 2011 ?
Qu’il accepte de passer les concours. Même s’ils sont stressants, c’est une voie qui stimule, qui apprend la modestie et qui donne une sacrée puissance de travail. Mes trois filles sont passées par là, je crois qu’elles ne le regrettent pas.

Vous êtes nommé ministre de l’Education nationale -un poste qu’occupa votre père, Joseph Fontanet. Quelles sont vos premières mesures ?
Je favoriserais une saine concurrence entre public et privé. Ensuite, je relancerais la mission inachevée que Georges Pompidou avait confiée à Fernand Braudel : créer un enseignement commun d’histoire, de géographie et d’économie.

1948

NAISSANCE À MALESTRAIT (MORBIHAN)

1965-1966

CLASSES PRÉPARATOIRES SCIENTIFIQUES ; IL INTÈGRE ENSUITE L’ECOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSSÉES.

1969

MASTER OF SCIENCE AU MASSACHUSETTS INSITUTE OF TECHNOLOGY.

1996

INTRÉE À LA PRÉSIDENCE D’ESSILOR, APRÈS AVOIR ÉTÉ INGÉNIEUR AU BCG, DIRECEUR GÉNÉRAL DE BÉNÉTEAU, DES WAGONS-LITS ‘- D’EUREST.

2010

PUBLICATION D’UN ESSAI SUR L’ENTREPRISE FRANÇAISE FACE À LA MONDIALISATION : « SI ON FAISAIT CONFIANCE AUX ENTREPRENEURS ? » (ÉDITIONS LES BELLES LETRRES)

 

Propos recueillis par François Le Brun

(article paru en 2011)

Voir l’article dans son contexte, sur le site des Échos

France, tu n’as pas deux déficits jumeaux : l’un est le père de l’autre ! par Jean-Paul Betbeze

7 Avr

Voici un article intéressant :

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Les analyses des ADN économiques sont formelles : les deux déficits jumeaux dont la France s’inquiète ne le sont pas, autrement dit pas jumeaux, ni « vrais », ni « faux ».

Le premier de nos deux déficits, le déficit public, est bien connu et partout commenté. Et cela fait des années que la France voit monter sa dette publique, à la suite de son déficit public. Le déficit public français a ainsi 34 ans : il est né en 1980. C’est un « beau » déficit. Il se plaît tellement ici qu’on ne sait comment le résorber. Il a donné naissance à une dette publique qui atteint presque la richesse produite en une année par l’ensemble des Français. Une chose est donc claire et visible : un de nos deux déficits est un gaillard en forme, père d’une dette plantureuse, tout aussi publique, et dont le seul coût d’entretien (les frais financiers) représente presque 2 % de notre PIB.

Le deuxième déficit a été signalé plus récemment : c’est notre déficit extérieur. Il atteint aujourd’hui plus de 70 milliards d’euros (sur 11 mois en 2013) et c’est le plus « beau » de la zone euro. Rien à voir avec les « petits » 18 milliards de déficit grec ou les 15 de déficit espagnol, deux chiffres qui baissent d’ailleurs à toute allure. Mais rien à voir non plus, par malheur, avec les 185 milliards d’excédent de l’Allemagne. Et pourtant notre déficit extérieur n’a officiellement que cinq ans ! Allez donc comprendre !

Déficits jumeaux : l’expression consacrée est biologiquement fausse. Comment un déficit de tente ans peut-il être jumeau d’un de cinq ! C’est une image, vous répond-on. Ok. Va pour la métaphore.

Le pire est que l’image des « jumeaux » est économiquement plus dangereuse encore que fausse. Elle déforme une réalité qui est bien plus inquiétante que cette vision familiale, car elle en cache la causalité et la dynamique.

La vérité, c’est que le déficit extérieur est le père du déficit budgétaire. Pourquoi ? Parce que le déficit extérieur traduit une érosion lente et régulière de la compétitivité de l’économie française, sans remplacement par d’autres idées ou par d’autres activités. Des emplois disparaissent, des entreprises suivent, des régions se dépeuplent, les prix des entreprises plus classiques ou qui ne s’adaptent pas chutent. Voilà moins d’activité, moins de revenus distribués donc moins de TVA d’un côté, moins d’emplois et moins de charges sociales payées par les entreprises, donc moins de revenus fiscaux et sociaux d’un autre. Notre déficit extérieur, directement et indirectement, c’est moins d’entrées fiscales. Mais, en même temps, c’est plus de dépenses sociales : plus de dépenses chômage, plus de soins de santé, plus de soutiens aux personnes et aux familles en difficulté.

Le problème est que cette détérioration est lente : c’est pourquoi le déficit extérieur triche toujours sur son âge. Et ceci d’autant plus que cette détérioration est freinée par des cessions d’entreprises ou d’activité, par des subventions, des aides et bien sûr par une montée de l’endettement public. C’est ici qu’on retrouve l’autre « jumeau », plus la montée de l’endettement privé – qui n’est jamais signalé.

La métaphore des déficits jumeaux cache ainsi la lente érosion de notre compétitivité privée et l’origine et la gravité de ce qui nous arrive. Le déficit du commerce extérieur est vieux, c’est pourquoi il est le père économique de l’autre. Plus encore, c’est un père dangereux, avec ses effets ravageurs.

En effet les choses continuent à se détériorer, sous l’influence de l’Etat cette fois. Au lieu de soutenir cette perte de compétitivité privée par des baisses de charges et par des aides à l’innovation, nos responsables politiques redoublent de « soutiens » et d’impôts. Or les « soutiens » augmentent les dépenses publiques et les impôts, qui tentent de compenser ces dépenses, ne font que désespérer les entreprises et les entrepreneurs. Ceci accélère le cercle vicieux entre déficit extérieur et déficit public, les tensions père-fils ! Les entreprises résistent, les actionnaires perdent. Pour freiner un temps la reculade, on a dévalué le Franc. On gagne du temps, on triche encore sur l’âge.

L’euro a donné un coût d’arrêt à cette « politique » en empêchant la « dévaluation solution ». Mais il a prolongé la période de grâce avant que la détérioration ne soit manifeste grâce à des taux d’intérêt bas et des déficits extérieurs devenus sinon invisibles, du moins sans sanction (jusqu’à présent) par les marchés financiers. C’est fini.

Les déficits français n’ont jamais été jumeaux. Le déficit extérieur, avec la lente érosion de notre compétitivité, est le père du déficit public. Tout a été fait pour cacher cette paternité. Elle éclate aujourd’hui. Il faut tirer les conséquences de ce bon diagnostic pour mener la bonne cure. Il est ainsi impossible de continuer sans moderniser le secteur public, pour qu’il dépense moins et sans dynamiser le secteur privé, pour qu’il gagne plus. Car la sortie de crise, elle, est vraiment jumelle !

Pour lire ou relire toutes les chroniques de Jean-Paul Betbeze depuis le lancement de Betbeze Conseil en février 2013, vous pouvez dorénavant vous procurer le livre « Nouvelles d’Eco : Saison 1 – 2013/2014 » disponible dès aujourd’hui sur Amazon (format Kindle)

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Décentralisation : la méthode suisse

3 Avr

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Nos politiques concoctent entre eux une loi sur la décentralisation. C’est, dans cette période de mondialisation, une décision de la plus haute importance qui va affecter le fonctionnement de la sphère publique, l’attractivité de notre pays, les coûts de l’Etat et les conditions de travail de nos entreprises. Il y a peu de temps, la presse suisse bruissait de débats autour de la décision d’Ernesto Bertarelli, grand industriel et vainqueur de la Coupe de l’America, de déménager de Nyon à Saanen. Pour la faire courte, les impôts étaient trop élevés à Nyon et, vu le poids personnel du personnage et celui de ses entreprises, sa décision obligeait la ville qui le perdait à revoir ses budgets de fonctionnement à la baisse et permettait à celle qui l’accueillait de baisser ses impôts.

Nos parlementaires devraient étudier la Constitution suisse, exemplaire en matière de contrôle des coûts. Celle-ci définit très précisément les responsabilités laissées au fédéral (monnaie, armée et affaires étrangères) et celles qui sont confiées aux 26 cantons et à leurs villes (justice, police, éducation, transports…). L’Etat suisse régalien, largement décentralisé et constitutionnellement sans doublon, coûte en consolidé 25 % de moins que le nôtre. La majorité de la dépense publique suisse est fermement contrôlée par l’intense concurrence sur les implantations que se jouent les cantons.

Dès que les élus font trop grimper les coûts et les impôts, ils sont rappelés à l’ordre par des déménagements ou des votations cantonales. Cette compétitivité de la sphère publique dope celle – déjà exceptionnelle – des entreprises et améliore l’attractivité des régions. L’exemple de notre voisin suisse doit inspirer une réforme qui peut à la fois dynamiser les régions, réduire les dépenses publique et doper nos entreprises.

 

Voir le site des Echos