Territoires : le bon exemple suisse
Par Xavier Fontanet
Le gouvernement a annoncé une réforme territoriale, très bien !
Suggérons-lui d’étudier les pays qui ont la meilleure organisation régionale. Pour tous ceux qui ont
voyagé, la Suisse sort du lot. Ce pays marche comme une horloge.
Son Produit intérieur brut par tête, qui était le nôtre il y a quarante ans, est aujourd’hui le double. Son taux de chômage ne dépasse pas 3 %, sa dette plafonne à 30 % du PIB. Il abrite trois des cinq plus grandes entreprises européennes, son commerce extérieur est florissant et ses comptes publics équilibrés.
Les Suisses vous diront que leur force est dans leur organisation en cantons. Ils sont donc globaux et
locaux ! La constitution suisse définit précisément la répartition des fonctions entre le fédéral (l’État central), qui se voit confier la défense, les Affaires étrangères et la monnaie, et les vingt-six cantons (d’une taille moyenne équivalente à celle d’un demi-département français) qui gèrent localement justice, police, équipement et…
Éducation. Résultat : les doublons sont impossibles par construction et les deux tiers de la dépense publique
sont gérés au niveau local. Les performances de cette sphère publique décentralisée sont très brillantes (délinquance au tiers de la nôtre), mais c’est surtout le système éducatif qui surprend. Dans les deux
classements mondiaux (Pisa pour le secondaire et Shanghai pour le supérieur) la Suisse se trouve dans les cinq premiers, à côté des Asiatiques et des Anglo-saxons. La France, elle, hormis pour la gestion où elle est bien placée, est dans les quinzièmes sur les deux classements.
Les Suisses montrent qu’une université ou un collège de classe mondiale peuvent être dirigés au niveau local. Là ou les choses deviennent encore plus intéressantes, c’est quand on se penche sur les coûts. Les Helvètes adorent les
chiffres et les comparaisons : chez eux, la sphère régalienne, c’est-à-dire l’État, hors tout ce qui touche au domaine social (santé, retraite, travail, famille), représente à peine 20 % du PIB, alors que le même chiffre, chez nous, est de 26 %. Leur système décentralisé est à la fois moins cher et plus performant.
Il y a donc une vraie valeur à régionaliser si on y va à fond.
De l’exemple des Suisses, il faut encore retenir deux dimensions auxquelles ils sont très attachés et qui ne sont pas neutres. D’abord la votation : chaque budget cantonal et municipal peut être contesté par un référendum populaire local, les élus doivent être attentifs à une bonne tenue des comptes. Ensuite, les cantons suisses se livrent une dure concurrence pour attirer les entreprises. L’an dernier, on ne parlait que du déménagement de Bartarelli, un des hommes d’affaires suisses les plus brillants. Ce dernier avait forcé la ville qui le perdait à baisser ses dépenses et permis à celle qui l’accueillait de baisser ses impôts ! La concurrence, quand on ne repose que sur soi, est rude et
demande de la flexibilité !
C’est une très belle perspective de jouer la décentralisation, mais il faut deux conditions : l’État doit faire confiance aux citoyens et à leurs représentants régionaux pour leur abandonner du pouvoir, notamment dans l’éducation, la justice et la police. Mais les citoyens doivent aussi être prêts à se prendre en main et vivre dans un monde beaucoup
plus concurrentiel.
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