Quelles pistes pour l’élevage breton ?

9 Juil

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Article paru dans Terra magazine

Miser sur la qualité, segmenter le marché, exporter… Xavier Fontanet, ancien PDG d’Essilor en est convaincu : ce qui a marché pour les verres est applicable à l’élevage breton, aujourd’hui dans la tourmente.

« Certes, je ne suis pas un spécialiste du lait ou du cochon ». C’est pourtant à Xavier Fontanet qu’André Sergent, président de la chambre d’agriculture du Finistère, a demandé d’animer une soirée-débat, le 4 juillet dernier, sur l’avenir de l’élevage en Bretagne. Et son expérience à l’international, chez Bénéteau ou Essilor, lui a permis de captiver son auditoire pendant près de deux heures et de distiller, tout au long de la soirée, de précieux conseils. « Nos secteurs d’activité sont finalement assez proches : il nous faut, aux uns comme aux autres, beaucoup de capital pour faire du chiffre d’affaires ».

Segmenter

Comme il l’a fait chez Essilor, Xavier Fontanet conseille d’abord aux agriculteurs bretons de miser sur la qualité. « C’est ce qui a fait venir les Chinois à Carhaix. Eux n’ont plus confiance dans le lait qu’ils produisent et mettent sur le marché, il y a trop de tricheries ». Sans oublier de le faire savoir… « Il faut construire une histoire autour de vos productions. Mettre la terre, le climat en avant ».

« Avec des produits de commodité, la vie est très dure ». Plutôt que de se contenter de produire du volume, il faut commencer à segmenter le marché. « Il faut mettre des chercheurs dans la boucle et trouver quelque chose qui va vraiment vous différencier, qui va donner envie au consommateur de payer plus cher pour vos produits ». Et sans cesse s’adapter aux besoins du client. « Trouver des verres progressifs pour les Indiens, qui bougent sans cesse la tête, n’a pas été facile. Mais quand on l’a fait, ça nous a ouvert le marché ».

Un avis que partage volontiers André Sergent. « On en a marre de récupérer des miettes ! Il faut arriver à transformer nos contraintes en opportunités. Et profiter du bien-être animal, des antibiotiques ou des phytosanitaires pour nous différencier ».

Exporter

« Vous êtes au cœur du monde ». Pour Xavier Fontanet, il est temps de voir autrement la mappemonde. « Aujourd’hui, ce ne sont plus les kilomètres qui comptent mais le coût du transport ». Et, à ce petit jeu, Brest et le fret maritime s’en sortent largement gagnants. « D’ici, il ne revient pas plus cher d’expédier du cochon à Shanghai qu’à Marseille ». Un atout dont les Bretons n’ont pas encore conscience ? « Nous voulons mettre Brest au cœur de l’Atlantique, répond Jean-Christophe Cagnard, vice-président de la CCI de Brest, qui gère le port, propriété du conseil régional. Nous avons un projet de développement du port. Et une autoroute de la mer devrait voir le jour, du Portugal à Liverpool en passant par Brest ».

Mais exporter ne s’improvise pas… « Pourquoi ne pas mettre à profit les compétences des expatriés, avance Xavier Fontanet. Vous n’aurez aucun mal à trouver des Bretons qui ont passé une bonne partie de leur carrière professionnelle en Chine, aux USA ou en Inde. Ils connaissent le marché, ont un carnet d’adresses… et sont prêts à rendre service ».

Unis

« On y arrivera à une seule condition : être unis, estime Jakez Bernard. Je suis confiant dans l’avenir mais il faut que cessent nos divisions. Personne ne viendra au secours de la Bretagne ! Elle ne s’en sortira que parce qu’elle en aura la volonté ». Et le « jeune retraité » de Produit en Bretagne d’inciter acteurs économiques et élus « à toujours choisir la meilleure solution, celle qui nous fera gagner ».

Dégraisser le mammouth

« Le coût de la sphère publique grève le coût de production du cochon breton », affirme Xavier Fontanet, chiffres à l’appui. En France, elle représente 57 % du PIB, le produit intérieur brut, contre 44 % en Allemagne ». Une différence significative, qui plombe la compétitivité de nos éleveurs. La solution ? « Se mettre au niveau allemand et gagner 250 milliards d’euros sur la sphère publique ». Impossible ? « Bien sûr que non, rétorque aussitôt Xavier Fontanet. D’autres pays l’ont fait ». Et, selon l’éditorialiste, la France serait bien inspirée de s’y mettre aussi. « Certes, ça prendra une douzaine d’années. Mais ce seront des mesures choisies. Une fois le pays en quasi-faillite, comme la Grèce, les mesures sont imposées par l’extérieur. Et là, ça devient l’horreur ».

Partant du principe qu' »on ne peut dépenser plus qu’on gagne », le Canada a réduit ses dépenses publiques de 20 % en six ans, en ciblant l’administration, les régions… « Le pays a réduit les impôts dans le même temps et le PIB n’a pas bougé ». L’Allemagne a préféré réformer le marché du travail et instaurer une « solidarité exigeante ». Résultat : le taux de chômage est tombé au plus bas et le poids de la sphère publique a reculé de 10 % en quelques années seulement.

La Nouvelle-Zélande, « redoutable compétiteur pour les producteurs de lait », a mis fin à l’État providence. « Elle a estimé que donner un revenu, type RSA, à quelqu’un qui ne travaille pas est une atteinte à la dignité. Et prive les gens qui travaillent d’une partie de la récompense qui leur est due ». Elle a mis fin aussi aux soins gratuits, « qui ne responsabilisent pas les gens », et la retraite se constitue désormais par capitalisation. « Là aussi, la sphère publique a réduit son poids de 10 % ».

 

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