Pour ses vingt ans, l’Institut de Locarn a réuni la fine fleur des décideurs régionaux. Objectif : mettre en avant l’envie d’une Bretagne innovante et solidaire.
Hier matin, à Locarn, au coeur de la Bretagne intérieure, l’immense barnum est plein à craquer. Plus de 400 personnes, entrepreneurs, élus, enseignants, étudiants… sont là pour fêter ensemble, à l’occasion de son université d’été, les vingt ans de l’institut, centre de prospective, de réflexion et de formation. « En 1994, nous étions utopistes. Nous voulions essayer d’imaginer des choses qui n’existaient pas, pour vivre mieux », a rappelé l’universitaire Joseph Le Bihan, l’un des créateurs de l’Institut, avec le patron d’Intermarché, Jean-Pierre Le Roch.
Jeudi soir, une veillée, animée par l’essayiste et économiste Hervé Juvin, a permis de débattre « des atouts de la Bretagne face à l’échec du modèle français centralisé ».
Des atouts qui ont été rappelés en séance plénière vendredi. « Dans la phase explosive de la mondialisation, nous savons d’où nous venons et qui nous sommes, a insisté Hervé Juvin. Et notre atout principal, c’est notre capacité à agir ensemble, notre capacité à dire Nous. »
Un argument repris par Xavier Fontanet, ex PDG d’Essilor, qui a livré un cours magistral d’économie libérale. S’appuyant sur les exemples du Canada, de la Suisse, de l’Allemagne et de la Nouvelle-Zélande, « des pays beaucoup plus décentralisés que la France », ce Savoyard de mère bretonne, très applaudi, a plaidé pour « une plus grande autonomie en matière de finances, de fiscalité, d’éducation, de culture, de santé, d’agriculture et un droit à l’expérimentation ».
Une cible : l’État nation
Un plaidoyer repris par Jean-Michel Le Boulanger, qui remplaçait au pied levé Jean-Yves Le Drian, retenu par ses obligations ministérielles. Le vice-président de la Région, chargé de la culture, interpellé par une lycéenne, un étudiant et une agricultrice, a énuméré « les raisons de croire en l’avenir ».
Pour lui, il existe une réponse spécifique de la Bretagne aux évolutions du monde. Elle repose sur trois préalables : « Savoir répondre à l’individualisme, ce tout à l’ego qui ronge le vivre ensemble ; ne pas céder à la tyrannie de l’urgence qui est une atteinte à la pensée et à l’importance de l’histoire et de la culture ; et intégrer le fait qu’avec la mondialisation, le lointain devient proche, mais le proche peut devenir étranger. »
Une intervention conclue, comme les autres, par une charge contre l’État nation, « aujourd’hui, une singularité en Europe, devenue une maladie française : l’unité de la République certes, mais pas dans l’uniformité ».
Et après vingt ans, quelles sont les perspectives pour l’Institut de Locarn ? « L’utopie des débuts n’a-t-elle pas débouché sur une institution qui véhicule une certaine idéologie ? » a osé un sociologue de Rennes II. Ce sera la seule impertinence dans une matinée conclue par toute l’assistance chantant, debout, le Bro Gozh, l’hymne breton.
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