Quel étudiant étiez-vous ? Article des Échos

7 Avr

Pendant deux semaines, « Les Echos » demandent à des patrons français de revenir sur leurs années d’études. Aujourd’hui, Xavier Fontanet.

 

Quel étudiant étiez-vous ?
J’aurais voulu intégrer HEC, comme mon père. Mais lui avait rêvé de devenir ingénieur ! Plus ou moins consciemment, il m’a imposé son modèle inversé. Je me suis donc retrouvé dans la filière scientifique de préparation aux grandes écoles. Au début, j’étais vraiment malheureux car je ne comprenais tout simplement pas les cours de mathématiques. Je ne décollais pas de la 30eplace sur 35, alors que j’avais toujours été en tête de classe pendant mes études secondaires. Les professeurs m’écrasaient de leur intelligence.

Mais ce fut en fait une excellente leçon : d’humilité d’abord, de stratégie ensuite. En effet, comment faire mieux que quelqu’un de beaucoup plus fort que vous ? Et puis, cela se passait à « Ginette » [surnom de l’établissement catholique de préparation aux grandes écoles Sainte-Geneviève, à Versailles, NDLR]. Or on peut dire ce que l’on veut des jésuites, mais ils savent vous donner le sens de l’équipe, du partage, de l’écoute. Le travail en équipe m’a fait du bien, mais c’est un professeur, M. Saintillant, qui m’a redonné confiance en moi. Je lui dois beaucoup. J’ai ensuite été admis à toutes les grandes écoles que j’avais présentées. J’ai choisi les Ponts.

Que vouliez-vous faire à l’époque ?
Je me souviens surtout que j’avais une passion pour les grands hommes. Je lisais les biographies de Napoléon, César, Churchill, celles de Marie-Antoinette et Fouché par Stefan Zweig. Cet intérêt ne m’a pas quitté. Actuellement, je lis celle de Goering par François Kersaudy.

Trois mots pour caractériser vos études ?
Confiance, équipe, oral. La confiance en soi est un capital inestimable. J’avais commencé à l’expérimenter en France avec la réussite aux concours, mais le MIT a été une bouffée de fraîcheur. Aux Etats-Unis, les enseignants encouragent leurs élèves à prendre la parole. En France, dès que l’on parle, une menace plane : « Fais attention à ce que tu vas dire, tu as intérêt à ne pas te tromper. »

Votre meilleur souvenir ?
C’est pendant les prépas, quand les bonnes notes ont commencé à venir, au début du mois de décembre. Je me le rappelle très précisément. A cette époque, J’avais changé de stylo. Depuis, je l’ai toujours à portée de main, c’est une sorte de fétiche !

Votre pire souvenir ?
Les interrogations écrites du lundi matin pendant mes études secondaires. Depuis, je stresse chaque début de semaine.

Quels étaient vos héros de jeunesse ?
J’ai eu la chance d’être élevé dans une famille très aimante. Je n’ai pas eu besoin de me chercher des modèles à l’extérieur. Je n’avais qu’à observer mes parents et mes grands-parents. Je me souviens notamment de mon grand-père maternel, un médecin tropical, un vrai docteur Schweitzer méconnu.

Un professeur vous a-t-il particulièrement marqué ?
Plusieurs ! Je vous ai parlé de Saintillant. Mais il y avait eu aussi Mario Carrara en physique. Et au lycée, à « Franklin » [surnom du collège et lycée parisien Saint-Louis-de-Gonzague, également très réputé, NDLR], je me souviens de De Tanneberg, un ancien amiral. Il nous avait appris cette phrase qu’il répétait pendant les épreuves de maths : « Allez lentement, nous sommes pressés ! » Et puis, en seconde, j’ai eu le père Dutronc, l’oncle du chanteur. Il nous enseignait le français, le latin, l’histoire-géo, et, comme son neveu, il n’arrêtait pas de plaisanter. Or, quand le climat est bon, c’est toute la classe qui est bonne.

Avez-vous gardé des amis de l’époque ?
Justement, des camarades de la classe de seconde avec Dutronc. Quarante ans après, j’ai lancé des invitations à huit d’entre eux. Tous sont venus, avec leur épouse. Je les ai reconnus immédiatement : leurs caractères étaient déjà forgés quand ils avaient quinze ans. Ma grande joie fut de constater que pas un seul n’avait été abîmé par la vie : ni par la maladie, ni par un accident professionnel, ni par un divorce.

Si c’était à refaire ?
Je me demande plutôt ce qui me serait arrivé si je n’avais pas eu la chance de rencontrer un Saintillant ou un De Tannenberg. Quand je suis rentré des Etats-Unis, ma famille me poussait à intégrer de grosses sociétés françaises… Je n’ai pas voulu y aller et j’ai poursuivi ma propre route en entrant au Boston Consulting Group. J’étais très bien payé, au point que ça me culpabilisait, mais je crois que j’ai bien fait et que je le referais.

Votre conseil à un étudiant de 2011 ?
Qu’il accepte de passer les concours. Même s’ils sont stressants, c’est une voie qui stimule, qui apprend la modestie et qui donne une sacrée puissance de travail. Mes trois filles sont passées par là, je crois qu’elles ne le regrettent pas.

Vous êtes nommé ministre de l’Education nationale -un poste qu’occupa votre père, Joseph Fontanet. Quelles sont vos premières mesures ?
Je favoriserais une saine concurrence entre public et privé. Ensuite, je relancerais la mission inachevée que Georges Pompidou avait confiée à Fernand Braudel : créer un enseignement commun d’histoire, de géographie et d’économie.

1948

NAISSANCE À MALESTRAIT (MORBIHAN)

1965-1966

CLASSES PRÉPARATOIRES SCIENTIFIQUES ; IL INTÈGRE ENSUITE L’ECOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSSÉES.

1969

MASTER OF SCIENCE AU MASSACHUSETTS INSITUTE OF TECHNOLOGY.

1996

INTRÉE À LA PRÉSIDENCE D’ESSILOR, APRÈS AVOIR ÉTÉ INGÉNIEUR AU BCG, DIRECEUR GÉNÉRAL DE BÉNÉTEAU, DES WAGONS-LITS ‘- D’EUREST.

2010

PUBLICATION D’UN ESSAI SUR L’ENTREPRISE FRANÇAISE FACE À LA MONDIALISATION : « SI ON FAISAIT CONFIANCE AUX ENTREPRENEURS ? » (ÉDITIONS LES BELLES LETRRES)

 

Propos recueillis par François Le Brun

(article paru en 2011)

Voir l’article dans son contexte, sur le site des Échos

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