La Nouvelle-Zélande de Roger Douglas : la transformation
La plus audacieuse au monde d’un système de santé.
La situation des finances publiques en 1990
La santé est gérée par la sphère publique. C’est une énorme part du
PIB. Sans réformer le système lui-même, quels que soient les efforts
des gens qui y travaillent, on n’atteindra pas l’équilibre.
Dans les années 1990, la Nouvelle-Zélande présente très exactement
les caractéristiques de la France d’aujourd’hui : croissance plus
faible que la moyenne de l’OCDE, dette d’État de 20 000 dollars par
ménage, État en faillite, quarante ans de déficit budgétaire.
Roger Douglas est sans conteste l’homme à qui la Nouvelle-Zélande
doit le retournement de la situation du pays. C’est un homme étonnant.
Il est fils d’ouvrier agricole, a connu une enfance difficile. Après une
carrière dans l’industrie, il débute tardivement la politique au sein du
Labor Party, avant de devenir ministre des Finances, puis Premier
ministre. Doté d’une puissance intellectuelle hors du commun, il a
su traduire des concepts philosophiques en politiques très concrètes.
Toute son originalité est là.
Il a mené une refonte de l’économie néo-zélandaise en modifiant
de façon substantielle l’équilibre entre la sphère privée et la sphère
publique (fiscalité, marché du travail, réduction du déficit, remboursement
de la dette, retour à l’équilibre budgétaire, révision complète
du système éducatif, des retraites, de la santé).
Les Néo-Zélandais parlent avec passion de cette formidable période
qui a vu le pays repartir, période dont le point culminant fut la conquête
de la Coupe de l’America.
Roger Douglas est revenu aux éléments de base les plus simples
de la vie : responsabilité individuelle de chacun et confiance dans les
systèmes concurrentiels. Il dédie sa réforme aux plus pauvres, son
obsession étant que les gens, quelle que soit leur place dans la société,
prennent les décisions qui les concernent et puissent les assumer. Sa
pensée est tellement claire que le mieux est de le citer :
« Nous avons besoin d’un tax benefit system qui garantisse un standard
de vie décent, sans envoyer de mauvais signaux en décourageant
le travail, en prenant les décisions au nom des personnes et en encourageant
la dépendance. »
« Une réforme n’a pas de valeur si elle ne donne pas aux gens défavorisés
et qui veulent s’en sortir des opportunités de sortir eux-mêmes
des difficultés dans lesquelles ils se trouvent. »
« Toute forme d’assistance doit laisser intacte la dignité des gens et doit
leur permettre de faire eux-mêmes les choix qui les concernent. »
« En termes simples, nous devons faire en sorte que les gens aient
Intérêt à travailler. »
« L’un des problèmes les plus graves des systèmes d’assistance et/ou
Des systèmes gratuits, comme en France par exemple, c’est que l’on
prive les personnes du droit de faire des choix. Or le choix, c’est ce
qui forme les personnalités, c’est ce qui fait que l’on apprend de ses
erreurs et que l’on prend confiance grâce à ses succès. Laisser choisir,
c’est respecter la dignité des gens et permettre leur développement
personnel. »
« Pour synthétiser, même si on aide les gens, il faut qu’ils soient en
position de faire leur choix. »
Les cinq pépites 193
Si tous les plans échouent, en France, dans le domaine de la santé,
c’est que la raison est très profonde et dépasse largement le cadre de
la bonne ou de la mauvaise gestion.
Le domaine où la réforme néo-zélandaise a été le plus fondamental
est celui de la santé. La Sécurité sociale représente une telle part de
l’activité de la sphère publique qu’une restauration des comptes de l’État,
condition élémentaire de la croissance, passe forcément par la refonte
du système de santé. L’expérience néo-zélandaise des années 1990
doit être connue, comprise et méditée. La santé gratuite pour tous
était perçue comme un droit, exactement comme en France. Roger
Douglas va reformuler ce dogme en le transformant en ressort.
« La plupart des Néo-Zélandais en sont arrivés à croire qu’ils avaient
droit à tous les services de santé. Il faut se rendre à l’évidence, ceux-ci
fonctionnent mal et coûtent trop cher. »
« En fait le gouvernement ne peut pas tout offrir à chacun. Toutes
les possibilités de la médecine moderne ne peuvent pas être données
à tout le monde, pas plus que les gens ne peuvent oublier leur propre
responsabilité à l’égard de leur propre santé. En particulier, on ne
pourra plus rembourser sans discuter les dégâts qu’ils infligent à leur
santé par leur propre faute. »
« Depuis 1938, aucun parti politique n’a réussi à changer le système
de santé. Dans cette affaire, les pauvres ont été les principaux
perdants. »
« Les usagers n’ont pas la possibilité de réduire les inefficacités ou
de rechercher eux-mêmes les solutions les plus efficaces, les médecins
ne sont pas récompensés quand ils inventent de meilleurs moyens
de satisfaire la demande ; la raison profonde de cet échec est que
les procédures normales de marché ont été remplacées par la loi, les
ordonnances, la bureaucratie. »
Les idées de base de la réforme
Le système proposé est fondé sur l’idée que chacun est responsable
d’acheter une assurance contre « tout ce qui est grave, défini comme
petite probabilité mais qui a un coût élevé comme une hospitalisation,
sachant que chacun paie ce qui est courant ».
Tout ceci en échange… d’une réduction d’impôt !
Lorsque les moins favorisées des personnes ont du mal à payer
le coût de l’assurance, le gouvernement donne des aides financières
(vouchers), « mais le choix de l’assurance continuera d’appartenir à
chaque personne, il ne sera pas délégué ».
L’ancienne Sécurité sociale est coupée en… cinq sociétés d’assurance
concurrentes !
C’est le Parlement qui décide des soins assurés.
Le contrat qui lie chacun à l’assurance est annuel. Les assureurs
n’ont pas le droit d’annuler une assurance ou de refuser de la renouveler
; le principe d’un fichier national n’est pas admis.
Le contrat doit prévoir une possibilité de remboursement (bonus
comme pour les voitures) pour encourager chacun à prendre soin de
sa santé et faire de la prévention.
Le marché détermine les prix offerts par les assureurs, qui ont le
droit de faire des classes de risques. Les assureurs peuvent référencer
les médecins et les hôpitaux de leur choix.
Tout ce qui concerne la recherche et l’expérimentation de haut
niveau reste dans la sphère publique.
La pratique du système
La concurrence entre assureurs a permis de rendre en amont le
système de santé beaucoup plus efficace.
Le système hospitalier en particulier s’est rationalisé par produit
et par zone géographique.
Les coûts ont considérablement baissé. La mise en concurrence
des assureurs a provoqué une privatisation en amont du service de
santé. Les hôpitaux publics ont été rachetés par les médecins et leurs
employés.
De nouvelles techniques ou pratiques ont vu le jour (l’accouchement
à domicile, par exemple, a été remis au goût du jour et modernisé).
Les effets les plus inattendus de la réforme ont été le développement
de la prévention, qui a notamment entraîné la baisse du tabagisme et
de l’alcoolisme.
Tout ceci a commencé il y a vingt ans. La réforme a duré dix ans. Une
chose est sûre, la Nouvelle-Zélande a trouvé à son problème de santé
publique une solution pérenne, car elle repose sur des fondamentaux
solides. Aucun retour à la croissance dans ce pays n’aurait été possible
sans une amélioration de ce système de santé, qui grevait les comptes
publics. Voilà qui peut donner quelques idées, reconnaissons-le.
Extrait de « si on faisait confiance aux entrepreneurs » Edité par Les Belles Lettres.
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